27 février 2008

Femme qui devrait courir avec les loups
















elle avance dans le noir
ses lunettes de soleil
éparpillées sur le visage
elle accroche ses vêtements aux hommes
qui tournent autour du pot
de son sexe
pas à pas
tâtons à tâtons
elle découvre la femme
celle qui dit non & se gagne
celle qui dit oui & s’assassine
celle qui n’a pas le choix
celle qui règne sur un monde de pissenlits
elle vit dans une pornocratie
un triste monde où les lois
sont édictées
par des couvertures de magazines
papier glacé pour faire rêver la femme
femme papier-mouchoir pour essuyer
le sperme
lorsque le latex n’y suffit plus
elle avance en aveugle dans une jungle de chair
& de pensées malsaines
elle se rêve en femme sauvage
ce qu’elle est en profondeur
mais ces choses dégoûtantes que l’on nomme « hommes »
la tiennent entre quatre pinces
pincées d’amour & de tendresse
disséminées entre 2 allers-retours
ils ne sentent rien
ils ne sentent rien
c’est pour ça qu’ils y vont si fort
& qu’ils font mal
parce que les hommes sont frigides
mais cela elle l’ignore (conspiration)
elle rôde comme elle peut entre 2 idées reçues
cherche son propre plaisir sous des assiettes vides
mendie un peu d’amour à qui ignore de quoi il s’agit
se glorifie de leur donner ce qu’elle croit être du plaisir
alors qu’en elle existe un plaisir
en elle existe une notion de l’amour
qu’ils n’effleureront jamais
elle prononce des paroles
« oui », « non », « peut-être » & « je me manque »
lorsque trop souvent, la seule raison pour laquelle elle embrasse
se nomme « pourquoi pas ? »
c’est tout le choix que le dogme lui a laissé
un petit « pourquoi pas ? » en lieu & place
d’un « je veux » que pourtant
elle mérite
car elle est vie
car elle est femme
car bien avant d’être mère ou amante
elle est femme sauvage
force de vie qui devrait courir avec les loups
non avec les porcs
mais les magazines en papier glacé
& sa bonté sans nom
ce miracle insensé qu’elle nomme
indulgence & patience
ont gelé son libre-arbitre
l’ont habituée
à confondre sperme & eau bénite
à confondre ce qu’elle veut
avec ce qu’on lui propose
femme qui court avec les loups
où es-tu ?
avec quel genre de loups cours-tu ?
des hommes brutes & frigides ?
des hommes qui ignorent tout d’eux-mêmes
& plus encore de toi
femme qui te donne à tort & à tort
perle offerte aux cochons
femme sauvage
je t’en supplie
retrouve-toi
reprends-toi
apprends à, enfin
avoir le choix !

20 février 2008

Un Lego...

Voici un texte écrit en 1997. En 2003, il fut mis en images par Nicolas Manenti, avec la participation du comédien Rémy Dumont. Ce projet a failli devenir un mini-livre lorsque nous avons fondé Mercure Liquide avec Marion Blangenois et safran, puis nous sommes, comme on dit, passés à autre chose.

UN LEGO...

Il y avait ce Lego, dans mon salon. Juste là, vaillamment interposé entre la télé et le canapé.


























Je l’ai trouvé en rentrant du travail. Je suis assureur, voyez-vous.



















Aujourd’hui j’ai fait du porte à porte. Hier aussi d’ailleurs. Et avant-hier. Et le jour d’av... Oh et puis merde à la fin ! Tout le monde ne peux pas être PDG ! Si tout le monde était PDG, il faudrait que moi, PDG des Mutuelles Dugland, je fasse du porte à porte (oui, car si tout le monde était PDG il faudrait bien des PDG pour pédéger et d’autres pour faire le sale boulot !) Or ça m'écœurerait d’avoir fait toutes ces études pour en finir là. Donc je suis heureux d’être un tocard. Au moins ma médiocrité paie !




















Peu importe...



















Il y avait donc ce Lego, bleu, posé là au milieu, sans explication, sans un mot. La serrure n’était pas forcée. Pourtant personne d’autre n’a mes clefs.

Je n’ai pas d’amis, voyez-vous.




















Alors, précautionneusement, j'ai pris mon mètre et je l'ai mesuré.























































Un mètre de long, quarante centimètres de large, cinquante de haut.




















C’était un gros Lego !




















Bon, pas de quoi en faire un drame : avec un coussin ça ferait un joli banc !

Donc, j’ai scié tous les trucs : vous savez, les machins qui servent à encastrer les Legos.




















Parce que s’asseoir là dessus ça doit faire vraiment mal au bout d’un moment !






































Et puis j’ai posé un coussin, et je me suis assis. C’était plutôt confortable. Certes, le bleu ne s’accorde pas tout à fait avec mon salon qui, voyez-vous, est rouge sang coagulé, mais bon... on va pas chipoter. Déjà, leur rouge sang coagulé, à Ikea, il est limite marron, alors un peu plus ou un peu moins...



















Voilà, et puis il s’est fait minuit alors j’ai lavé mes dents blanches -et pas jaunes, comme certains !- et je me suis couché. Non sans avoir jeté un dernier regard à mon Lego.

À présent je suis allongé, dans mon lit. La nuit sera courte mais je sais que je rêverai à mon Lego. Mon joli Lego. Qui sait, peut-être que demain soir en rentrant, j’en trouverai un autre...
























Mince ! Si j’ai un autre Lego demain soir, comment je vais l’encastrer, j’ai scié tous les machins ?!



14 février 2008

Oui, mais...

Image : TovMauser
Dans mon récent article sur la jalousie, je citais un extrait du poème Fragments Nocturnes, un extrait sur la tolérance et l'ouverture. N'en étant plus à une contradiction près, je réalise à présent combien cet extrait est incomplet sans sa « compensation », extraite du même poème :

« Ceci étant dit :
Tes souvenirs m’empoisonnent
Même qu’ils me donnent la gerbe
Toi t’appelles ça la liberté
Sorry, mais pour moi ça sonne plus comme un film x
Genre :
« - Alors tu vois, à Brest, j’ai rencontré…
- Ta gueule !
- Wow ! La semaine dernière à Berlin y’avait ce type qui…
- Ta gueule !!
- J’vais voir mon amoureuse à Genève la semaine pro…
- Ta gueule !!!
- Ah, ce club échangiste à Paris, j’en ai encore des…
- TA GUEULE !!!
- T’imagines pas : avoir un mec en toi & t’faire lécher en même temps c’est vraiment trop…
- MAIS PUTAIN TU VAS LA FERMER, OUI ???!!! »
Les plaisanteries les plus courtes, vois-tu, sont les moins longues… »

Et je reste convaincu de ceci.

Voilà. Justice est faîte ;)

4 février 2008

Le MSN vu par deux blondes

Mon amie Cycy Anne Foyle a noté comme sous-tite MSN « Y’a des sites qu’on devrait arrêter de faire ».

Intrigué, je l’interroge :

Shaomi dit :
quel genre de sites ?

Cycy B. dit :
des sites de poupées d'artistes précieuse ^^

Shaomi dit :
?

Cycy B. dit :
ce que j'ai en avatar par exemple

Shaomi dit :
& pourquoi pas en faire ?

Shaomi dit :
???

Cycy B. dit :
ah parce que je ne suis pas sculpteur et encore moins géniale lol

Shaomi dit :
ah mais parce que tu as essayé ? je captais pas que tu parlais de toi

Cycy B. dit :
oh non je n'ai même pas essayé lol je connais mes limites créer un corps parfais de toute pièce il faut une solide formation de sculpteur ce que je n'ai pas et je ne sais pas non plus couler la résine lol

Cycy B. dit :
je me contente de les peindre et c'est suffisant lol

Shaomi dit :
je connais mes limites créer un corps parfais de toute pièce il faut une solide formation de sculpteur ce que je n'ai pas et je ne sais pas non plus couler la résine --> comment tu vas faire pour faire un enfant si tu sais pas faire un corps parfait ???

Cycy B. dit :
ben je ne peux pas faire justement ^^

Shaomi dit :
alors pourquoi le mentionner ???

Cycy B. dit :
non mais j'ai jamais dit que j'allais essayer de sculpter une poupée lol

Shaomi dit :
oui mais pourquoi dire que faut pas essayer puisque tu n'as ni ne veux essayer

Cycy B. dit :
ben si je veux pas essayer j'ai le droit de dire que je ne veux pas essayer lol j'ai du mal à te suivre lol

Shaomi dit :
oui tu as le droit mais c'est comme si moi je marquais "y'a des fusées spatiales qu'on ferait mieux de ne pas construire" alors que je n'ai aucune intention de ne jamais en construire une, tu vois ?

Shaomi dit :
donc j’ai du mal à te suivre aussi lol

Cycy B. dit :
heu non je n'ai pas dit "on" j'ai dis "je"... j'ai dis je n'ai même pas essayé (parce que) je connais mes limites... je choisis de ne pas les faire parce que je pense ne pas être capable de les faire... je vois pas trop en quoi c'est illogique vis à vis de ce que je pense...

Shaomi dit :
j'adore cette conversation

Shaomi dit :
mais en fait sur ton MSN y'a écrit "on", pas "je"

Shaomi dit :
donc ça sème le trouble

Cycy B. dit :
parce que mon meilleur ami est tombé sur le même site que moi et qu'on craque tous les deux pour des modèles hors de prix lol

Shaomi dit :
ah ok mais est-ce que ton ami est capable d'en construire, lui ?

Cycy B. dit :
non c'est bien pour ça que je dis qu'il y a des sites qu'on devrait éviter de faire parce que du coup on achète leur modèles et ça coûte une fortune

Shaomi dit :
ah mais alors tu veux dire qu'ILS devraient arrêter parce qu'ils TE ruinent ?

Cycy B. dit :
oui lol des sites internet vendant des poupées de collection hors de prix... donc je dis qu'ils devraient arrêter... je dis que moi et mon ami on devrait arrêter de les faire... ces sites... d'aller dessus... de cliquer sur le site internet et sur le buy it now

Cycy B. dit :
ils n'ont pas à arrêter de faire des poupées magnifiques je dis qu'on devrait arrêter d'y aller sur ces sites

Cycy B. dit :
pour éviter de ses ruiner mon copain et moi

Shaomi dit :
ah tu voulais dire par "faire" "visiter & acheter sur" ?

Shaomi dit :
j'avais compris les fabriquer, les faire quoi

Cycy B. dit :
lol non non

Cycy B. dit :
aller sur les sites MDR

Cycy B. dit :
non mais tout va bien t'inquiète on y arrive, je crois au vertus de la communication !

Shaomi dit :
tu m'autorises à mettre cette conversation sur mon blog ?

Cycy B. dit :
loool oui bien sûr nul n'ignore que je suis blonde en fait que veux-tu lol

Shaomi dit :
bon à la fois je dois être blonde aussi parce que j'avais rien compris non plus lol

Cycy B. dit :
ok bon ben tu pourras nommer ça "le msn vu par deux blondes" lol

2 février 2008

De la jalousie et de la trahison de soi-même

Image : TovMauser
La jalousie, qui n’a pas éprouvé une fois dans sa vie ce sentiment terrible, cruel, qui vous ronge de l’intérieur et vous donne l’impression d’être tout petit, tout naze, tout larvaire…? Je ne parle pas ici de cette jalousie ridicule que certains éprouvent a priori, sans motif. Je parle de celle-ci, plus acide, qui se produit a posteriori, lorsque le ou la partenaire est allé voir ailleurs.

Et pourtant…

Je me souviens d’une époque où j’avais réussi à bannir le mot « jalousie » de mon vocabulaire. Ma philosophie était alors parfaitement résumée par ce passage du texte Fragments Nocturnes :

« Mon amour,
Je sais que tu ne comprends pas ma position, et tu sais que je ne suis pas très doué pour la parole, alors je profite d’une nuit sans pleine lune pour t’envoyer cet e-mail.
Tu me parles de fidélité, d’obligations, de devoir l’un envers l’autre, de mariage même ; tout cela m’est si étranger depuis que j’ai découvert l’Île. Je voudrais que tu comprennes que je ne suis pas encore prêt pour tout ça, que je ne le serai JAMAIS (Excuse-moi, je ne voulais pas hurler ce mot, mais tu dois comprendre.) Je t’aime, je t’aime même comme je n’ai jamais aimé quiconque, mais il y a des choses que tu dois accepter si tu veux que nous puissions poursuivre cette aventure à deux. Je me souviens encore avec une précision chirurgicale de ton regard horrifié, lorsque je t’ai dis que je serais heureux si tu avais un orgasme avec un inconnu, que je serais ravi de t’entendre me dire que tu as eu un mec de passage. Comprend que je préfère te voir assouvir un désir avec un autre et être heureuse, que de te contraindre à te restreindre et à refouler la réalité du fait que l’on ne peut pas ne jamais ressentir de désir pour quelqu’un d’autre. Comprend que je t’aime à un tel point que te savoir heureuse dans les bras d’un autre me remplit de joie, tant que cet autre ne s’interpose pas entre nous, et que j’en attends autant de toi. Tu es la plus belle chose qui pouvait arriver à un être comme moi, mais je suis un individu entier, et pas une moitié qui a besoin de son autre moitié pour exister. Si tu dois être mon épouse cela ne concerne ni maire ni curé ; si tu dois être mon amante tu dois être libre, et moi aussi ; si tu dois être ma sœur tu dois respecter mon intégrité comme je respecte la tienne. et ce n’est pas se tenir la main dans la rue et se smacker à longueur de journée qui fera de nous un couple, mais ce respect mutuel.
Que dire ?
Il faut qu’on parle.
Répond-moi vite, je t’en supplie.
jetaime@thedawn.com »

J’ai écris ça en 2001. Que s’est-il produit depuis qui m’ait fait oublier la valeur inestimable de ces mots ? Je me suis oublié moi-même. Je me suis trahi. J’ai oublié d’être égoïste et généreux à la fois. Oublié d’être généreux avec mes partenaires en niant leur droit au plaisir, à l’expérience. Oublié de me réjouir de leur jouissance et de leur droit à disposer d’elles-mêmes comme elles l’entendent. Oublié d’être égoïste en me préoccupant de ce qui ne me concerne pas, de ce qui ne remet pas en cause ma dignité ni ma fierté : « puisque tu reviens à moi, que m’importe ce que tu as fait ailleurs puisque, au bout du compte, c’est tout de même moi que tu as choisi. » Ce que ce texte dit, c’est qu’être jaloux est une trahison de l’amour que l’on a pour l’autre : c’est nier son existence propre, c’est vouloir en faire une extension de soi-même, c’est une volonté absurde et régressive de retourner à l’unité que le nouveau-né croît avoir avec sa mère. L’amour, le vrai, est désintéressé. Celui qui aime devrait se réjouir de l’indépendance de l’autre, de sa capacité à partager certaines choses avec d’autres : « je t’aime donc je veux ton bonheur donc si ça t’a rendu heureuse, je suis content pour toi ». C’est aussi nier le statut unique et irremplaçable de chaque relation humaine. Le plaisir, la tendresse, l’échange qu’il y a ici ne sera jamais celui qu’il y a là : « puisque tu reviens à moi, que m’importe ce que tu as fait ailleurs puisque, au bout du compte, ce que tu trouves avec moi, tu ne l’as pas trouvé ailleurs (et peu m’importe que la réciproque soit vraie puisque c’est ce que tu trouves avec moi que tu as choisi de conserver) ».

Être jaloux est pour beaucoup de gens un acte d’amour-propre, un acte de respect de soi-même : c’est une conviction grossière héritée de la tradition romantique ou peut-être même d’une tradition patriarcale plus ancienne encore. La jalousie est un sentiment personnel, masochiste, qui ne concerne que celui qui le ressent, en aucun cas celui qui le provoque. L’on ne fait souffrir que soi-même (à moins d’être assez tordu pour se mettre à faire souffrir l’autre du même coup). Je me souviens avoir été jaloux lorsque ma première petite amie, au lycée, m’a avoué être amoureuse d’un autre. C’était ma première expérience de l’amour et je n’avais alors aucune arme pour lutter contre la douleur qui me rongeait. Lorsque cette histoire fut terminée, je me fis le serment de ne plus jamais me laisser aller à cette souffrance complaisante et inutile : « plus jamais je me trahirai de la sorte ! ». Car oui : la jalousie est une trahison de soi-même ! Être jaloux c’est oublier à quel point l’on est merveilleux, à quel point l’on s’aime soi-même au point de devenir dépendant de l’hypothétique considération des autres pour se sentir complet. C’est oublier que l’on se doit à soi-même le plus grand respect qui soit. Le respect, c’est ne pas faire souffrir inutilement l’objet de son respect. Or celui qui est jaloux s’impose une épreuve terrible et destructrice. Il n’a aucun respect pour lui-même puisque qu’il se fait du mal. Un mal inutile et tout à fait gratuit.

Je me souviendrai toujours de ces propos, tenus un jour par mon ami Martin Rodde : « Les gens passent leur vie à courir après l’amour des autres : celui des parents, des amis, des petite(e) ami(e)s. Mais ce que chacun oublie, c’est que la vie l’aime. Est-ce que quand je me lève le matin la vie oublie de mettre mes mains au bout de mes bras, l’air dans mes poumons, mes yeux dans leurs orbites ? Non ! La vie m’a créé et elle me donne tout ce dont j’ai besoin. C’est cet amour-là qui est nécessaire et il est là ! La vie m’aime et savoir cela suffit à me donner chaque jour le sourire ! ». Aux propos de Martin, j’ajouterai que la base première de tout équilibre psychique et affectif est de s’aimer soi-même. Ça a l’air tellement bateau de le dire et pourtant… Lorsque je discute avec les gens (et avec moi-même parfois), je constate sans cesse à quel point ils ne s’aiment pas eux-mêmes : c’en est ahurissant le nombre de gens qui ont oublié cet amour qu’ils se doivent à eux-mêmes !

C’est sur ces bases que je dirai que la jalousie n’a rien à voir avec l’amour. Ni avec l’amour de l’autre. Ni avec l’amour de soi-même. La jalousie est un déni, un refus du réel qui consiste à vouloir priver l’autre de sa liberté et soi-même de la moindre considération. La jalousie est un mépris total pour l’autre et pour soi-même. La jalousie est une trahison de soi-même.

1 février 2008

Deux mois en Inde, ou « How Shaomi got his groove back »

Voici quelques bribes de mon second voyage en Inde, d’infimes fragments somme toute, mais c’est ce qui est ressorti avec deux semaines de recul. Le reste, il faudra que vous y alliez vous-même pour le découvrir…

« Dites, qu’est-ce qu’il y a à gagner dans le voyage ?
Cette distance qui fait que le regard s’aiguise et qu’on voit clair, cette distance qui fait que les liens se tendent et qu’on aime dur, cette clarté qui a pour nom détachement. »
Lanza Del Vasto, Le Pèlerinage aux Sources.


07 novembre 2007 : Mumbai (Bombay)

Premier constat, et je n’en reviens pas : sept ans après mon premier voyage, l’Inde m’est aussi familière que si je l’avais quittée la semaine précédente ! Je m’attendais à une seconde première fois et je me retrouve presque comme chez moi. Le plus marquant, c’est cette odeur si particulière de l’air, que je retrouverais partout durant ces deux mois. Une odeur épicée, comme si la bouffe indienne, à force de millénaires, avait imprégnée la terre elle-même ! La seule chose qui – au premier abord - a changée, c'est cette omniprésence des téléphones portables, dont les sonneries viennent s’ajouter au capharnaüm ambiant. Car l’Inde est avant tout un royaume de bruit, pour ne pas dire de boucan.


08 novembre 2007 : Panjim (Goa)

Second constat : soixante-douze heures sans dormir, à enchaîner avions, taxis et bus, ça cartonne ! L’insomnie est une inévitable part de l’expérience et permet d’appréhender certains moments dans un état décalé, qui s’ajoute à celui – naturel - que provoque ma présence ici. Il m’arrive, de plus, la chose la plus ridicule : je dois me lever demain à huit heures pour prendre un bus, et je rêve de m’endormir dès à présent. Mais il est dix-neuf heures et mon réveil est un réveil à aiguilles : impossible de le régler pour huit heures avant vingt heures trente. Insomnie prolongée.


09 novembre 2007-17 novembre 2077 : Hampi (Karnataka)

Retour, enfin !, à Hampi qui reste pour moi le plus bel endroit du monde, si magnifique que je n’oserais pas essayer d’en capturer la beauté en images (les nombreuses photographies que j’ai vues y ont toutes échoué). Chaque jour, je m’en vais marcher dans la nature et de quelque côté que j’aille, j’ai un immense sourire sur les lèvres au bout de vingt minutes, qui ne me quitte plus.

Durant trois jours, je cherche vainement à voir les crocodiles qui habitent la rivière et, faute de les trouver, je donne des bananes à des mamans singes, leurs bébés accrochés autour du cou.

À ce stade, je me mélange peu avec les autres touristes, préférant consacrer mon temps aux Indiens. Un adolescent m’explique comment Hampi est devenu Hampi : cherchant un remède qu’il ne trouvait pas, le dieu-singe Hanuman finit par soulever et ramener à son roi toute la région. Une fois le remède trouvé, Hanuman, trop fatigué pour ramener un si gros morceau de terre, décida de jeter Hampi à travers les airs. L’atterrissage fut rude et la géographie du lieu s’en trouva bouleversée, devint cet incroyable empilement de rochers que l’on connaît aujourd’hui.

Je m’émerveille devant les femmes du Karnataka : même les plus pauvres des paysannes qui travaillent aux champs ont ici, dans leur sari, la grâce de princesses !

Comme à chaque voyage, les premiers jours toutes sortes de souvenirs douloureux m’assaillent. Ce phénomène est normal : lorsque l’on purifie son âme dans une eau sacrée, toutes les impuretés remontent à la surface, processus sain et nécessaire.

Le quotidien Deccan Herald titre « Bangalore prend froid ». Selon l’article : « Il est temps pour les Bangaloriens de se couvrir de laine. L’hiver s’est installé et la ville a connu un temps glacial ces derniers jours avec des températures variant entre 14 et 12 degrés celcius ». Je souris en lisant ces lignes : foutus veinards d’Indiens !

La veille de mon départ, je rencontre Naina, la plus belle fille du monde, une Indienne de Mumbai, très occidentalisée. Je voudrais rester, la séduire et l’épouser sur le champ, mais je sais que le temps est pour moi venu de quitter Hampi. Je grimpe sur la plus haute montagne pour contempler une dernière fois ces paysages de rêve. Ce n’est qu’un au revoir : je reviendrai à Hampi.


19 novembre 2007-24 novembre 2007 : Tiruvannamalai (Tamil Nadu)

Fin de mousson dans le Tamil Nadu. Tiruvannamalai est débordante de milliers de pèlerins à l’occasion d’un festival dédié à Shiva. Les Indiens pataugent allègrement dans la boue et je me fait « bénir » par l’éléphant du temple. Le festival se clôture par un feu d’artifice collectif et le ciel de Tiruvannamalai explose de mille feux dans un boucan infernal. La dévotion passionnée des Hindous est tangible pendant ces quelques minutes, une énergie de foi intense envahit l’air et me fait frissonner en même temps que je m’assure de ne pas être décapité par une fusée mal envoyée.

Loin de toute spiritualité, les publicités que l’on voit à la télévision vantent un univers ultra-matérialiste. La réussite et le confort sont mis en exergue d’une manière qui dépasse les pires fantasmes des publicitaires occidentaux. Il n’est question que d’hommes et de femmes comblés par les marques qu’ils portent sur le dos, les bijoux qu’ils s’offrent, les téléphones MP3 qui les font danser… « A diamond is forever. »

Un soir, mon ami Sivalingam m’emmène camper dans la nature. L’épuration intérieure continue et je m’interroge sur le passé et l’avenir. Atteint d’une diarrhée féroce et fiévreuse, je m’en vais derrière des buissons et peine à me laver ensuite, car j’ai trop peu d’eau pour boire et faire ma toilette. Je craque et pleure comme un enfant, caché dans mon buisson. Lorsque je reviens, Sivalingam perçoit ma détresse et me berce de paroles rassurantes sur Dieu, la vie et le recul que l’on peut avoir sur les choses. Je me laisse aller à l’écouter comme s’il était un prophète et m’endors serein.

Je constate que Lanza Del Vasto a perçu la même chose que moi : les Indiens ont un très curieux rapport au temps. Tout ce qui touche à l’heure et à la durée semble totalement hors de leurs préoccupations. Les questions telles que « depuis quand… », « combien de temps dure… » ou « dans combien de temps… » doivent être reformulées trois fois pour obtenir une réponse, et ce même lorsque l’anglais de mon interlocuteur est parfait. La ponctualité (que ce soit pour les gens ou les bus) est un concept inexistant en Inde. Je m’enquiers de cela auprès de Sivalingam qui m’explique que « les choses arrivent ». Si quelqu’un a rendez-vous et que quelqu’un passe chez lui de manière inattendue, ou que quelque chose – n’importe quoi -, se produit et le détourne de son rendez-vous, l’Indien se laissera détourner le temps nécessaire, puis se rendra avec le retard conséquent au rendez-vous. « Et si la personne, lasse d’attendre, est partie ? », je demande. « Les choses arrivent… » Cela procède d’une vision métaphysique de la vie tout à fait différente de la notre, la même qui explique la présence de vaches endormies au milieu des rues sans que personne ne songe à les déloger. Les Indiens ne cherchent pas à maîtriser leur environnement : il font avec.

Quelques extraits du Pélerinage aux Sources de Lanza Del Vasto, qui font écho à cela :
« Et je n’ai pas l’habitude de m’ingérer dans les évènements quand je remarque chez eux l’intention de suivre leur cours sans tenir compte de mes projets. Je laisse alors les évènements s’expliquer jusqu’au bout, afin de ne pas manquer ce qu’ils ont à m’apprendre. »
C’est comme ça qu’il faut voyager. C’est comme ça qu’il faudrait vivre. Et Lanza d’ajouter :
« Le sot est celui qui ne sait pas que les faits qui lui surviennent sont des signes et qui n’essaie pas de se lire. »

Autre constat commun entre Del Vasto et moi :
« Ceux qui veulent dormir montrent le plus grand respect pour le tintamarre de ceux qui veulent veiller. »
Cette dernière citation illustre l’une des choses que j’aime tant en Inde : le concept de tapage nocturne y est quasiment inexistant. Les Indiens ont un absolu respect pour le droit à chacun de faire le boucan qu’il veut, de jour comme de nuit. J’ai toujours pensé que celui qui est fatigué et qui veut dormir n’a qu’à fermer les yeux et se connecter à son silence intérieur pour trouver le sommeil. Le problème, avec nous autres Occidentaux, est que nous ignorons ce qu’est le silence intérieur. Aussi nous activons-nous à persécuter les noctambules.

Quand j’y pense, écouter de la musique est peut-être ma plus grande joie en cette existence.


25 novembre 2007-05 décembre 2007 : Pondichéry (Tamil Nadu)

Pondichéry ressemble à une station balnéaire hors-saison. C’est une ville agréable, étonnamment propre pour l’Inde, mais un peu trop calme peut-être.

Après deux nuits dans un hôtel glauque, je rencontre Manoj, qui me propose de prendre une chambre dans son adorable guest-house. Une fois installé, les rencontres se font et s’enchaînent naturellement. Pour moi, Pondichéry sera essentiellement une expérience entre touristes.

Je trouve très inquiétant de vivre sur une planète où existent les insectes. Je trouve leur présence, leur nombre et leur nature très angoissants, ne serait-ce que sur le plan métaphysique. La prochaine fois, j’aimerais me réincarner dans un monde sans insectes.

En terrasse d’un café, je rencontre cet Indien fou qui a grandi à Marseille et parle un français parfait. Il m’assène un flot de contresens un quart d’heure durant. « J’adore la France mais j’aime pas les Français » et cinq minutes plus tard « j’adore les Français mais j’aime pas la France ». Allez comprendre… Moi, plus le temps passe plus j’adore l’Inde et les Indiens.

Si la vie est une bouteille que l’on voit à moitié pleine ou à moitié vide selon son humeur, il conviendrait de s’interroger sur la nature du liquide que l’on y introduit.

Je rencontre un éditeur indien francophone et me présente, naturellement, comme auteur. Il me demande « Par qui êtes-vous publié ? » et lorsque je lui réponds que je ne suis pas encore publié, il me rétorque « Comment peut-on être auteur si l’on n’est pas publié ? ». Je dois me mordre la langue pour ne pas lui répondre : « En sacrifiant tout à l’écriture, en refusant tous les boulots intéressants et rémunérateurs qu’on aurait pu avoir pour pouvoir écrire tous les jours, en étant au RMI à trente-et-un ans, en affrontant les refus inévitables, répétitifs et parfois méprisants des éditeurs, en pensant à son travail – en vivant avec l’écriture - à chaque instant… ». Je ne me suis jamais considéré comme courageux d’avoir fait les choix qui sont les miens et je ne me plains de rien : tout ce que la vie me devait, la vie me l’a déjà donné. Mais lorsque je pense à cette phrase qui est sortie toute seule en 2002, dans mon poème Lijiang, Yunnan, « je pense je pense je pense au prix à payer pour mon art (sacrifices ?) », j’en mesure à présent toute la portée. De fait, je ne peux plus accepter ce type de remarques ! Quand je fais le bilan, j’ai tout mis de côté pour pouvoir écrire, ou plutôt apprendre à écrire car une discipline artistique est un apprentissage de tous les jours. La joie de ce que l’on a acquit coexiste avec la honte du savoir-faire qui nous manque encore. C’est l’extase des moments d’inspiration et la douleur du manque d’inspiration. C’est l’apprentissage contradictoire de la fierté, indispensable pour trouver la force de continuer, et de l’humilité la plus grande, pour être capable d’évoluer. Je ne suis pas à plaindre et je ne me plains pas mais je pense que tout artiste qui centre sa vie autour de sa création et renonce à tout pour pouvoir peut-être en vivre un jour, le tout en toute honnêteté vis-à-vis de lui-même et des autres, mérite un minimum de respect, du moins un tout petit peu de considération, un tout petit peu par principe !

« L’espoir était illogique. La vie consistait à faire avec ce qui était. »


06 décembre 2007 : Trichy (Tamil Nadu)

Je m’étonne sans cesse de la manière dont les barrières sociales entre Occidentaux disparaissent en voyage. Ici on a le « droit » de s’aborder à tout moment et de démarrer une conversation avec un inconnu, chose souvent délicate en France. De même, on se tutoie (entre Français, le « vous » étant absent de la langue anglaise) et on se fréquente indifféremment des différences d’âge, de milieu socioculturel, de nationalité…


07 décembre 2007-13 décembre 2007 : Cochi (Kerala)

Cochi est moins sublime que ce qu’on m’avait décrit, mais reste une petite ville agréable.

Sur MSN, mon amie Pulsize affiche « Parle pas au chat c’est pas une plante ! ». Je l’interroge sur le sens de cette phrase ésotérique mais n’obtient nulle explication.

Je reste émerveillé de voir ici hindous, chrétiens et musulmans se côtoyer et se lier d’amitié avec une telle nonchalance. Avant mon départ en Inde, je consulte la fiche Wikipedia de l’écrivain Florian Zeller dont j’ai adoré le roman La fascination du pire. Avec effroi, je lis la chose suivante : « Son roman La fascination du pire est un appel à la haine envers les musulmans ». Je m’empresse de retirer de l’article cette remarque mensongère et m’insurge au passage ! Le roman de Zeller aborde en effet des sujets tels que la relation des pays islamiques avec la sexualité et la liberté d’expression, il évoque certes certains actes barbares commis par certains intégristes et il cite mot pour mot quelques passages peu glorieux du Coran. Néanmoins, Zeller s’efforce de rester objectif et de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. En lisant le commentaire sur Wikipedia, je constate avec dépit que le bébé est jaloux de l’eau du bain et qu’il se jette lui-même dans l’égout. Car le message est clair : si la moindre critique formulée vis-à-vis de l’Islam est « un appel à la haine envers les musulmans », cela signifie qu’il n’y a pas de demi-mesure, pas de critique possible – si légère soit-elle. On est forcément « avec » ou « contre » et celui qui n’embrasse pas l’islam est forcément un ennemi acharné de l’islam. Dire « je ne suis pas d’accord » ou « je doute » ne peut et ne doit signifier que « tuez les tous ! ». Ainsi donc, l’obscurantisme primaire que Zeller évoque avec prudence et discernement dans son roman est confirmé par les détracteurs même du roman en question ! L’Inde n’est pas exempte de tensions religieuses mais elles restent l’exception.  À plusieurs reprises, j’interroge des musulmans à propos des caricatures du prophète, du port du voile, du problème israëlo-palestinien, de la guerre en Irak ou d’Al Qaida. Leur réponse est toujours la même : ils s’en moquent éperdument ! Leur islam est fort éloigné de toutes ces conneries et ils trouvent ça naturel de côtoyer tous les jours des hindous, des chrétiens, des sikhs… ! De mon côté, je me disais l’autre fois que quand même, Florian Zeller avait publié son premier roman à l’âge de vingt-deux ans et moi toujours rien à trente-et-un et que c’était pas très glorieux pour moi. Et puis j’ai lu qu’il est le compagnon de l’actrice Marine Delterme et après vérification, j’ai constaté avec soulagement que ma dernière copine et même celles d'avant d'ailleurs étaient vachement plus belles que la sienne ! Ouf ! Nous voilà quittes !


14 décembre 2007 : Irinjalakuda (Kerala)

Fashion TV fait office de chaîne pornographique en Inde, pays où la pornographie est officiellement interdite. Chaque soir à partir de vingt-et-une heures, Fashion TV diffuse en boucle les défilés et prises de vue de mannequins en maillots de bain.


16 décembre 2007 : Mangalore (Karnataka)

Dans une chambre d’hôtel crasseuse, je contemple le petit lézard qui squatte le mur en face de mon lit. Soudain, j’aperçois un cafard aussi gros que le lézard qui passe sous la porte et se précipite dans la chambre. Le lézard fonce sur le cafard et lui donne littéralement un coup de boule, ce qui a pour effet de faire repartir immédiatement le cafard d’où il vient. Je remercie le lézard et m’émerveille de la solidarité qui existe entre vertébrés.


17 décembre 2007-20 décembre 2007 : Colva & Benaulim (Goa)

Après près d’une semaine sur les routes, je décide de me reposer dans ces deux villages jumeaux, au bord de la mer. La plage est cool mais Colva et Banaulim ne sont remplis que de touristes russes obèses, soixantenaires et riches. Un soir que je me perds en rentrant chez moi, je manque de me faire dévorer par des chiens, m’en sors à l’aide d’un bâton (très dissuasif, le bâton !). Je reste là trois jours sans parler à personne, à profiter de la plage, et puis je me casse parce que ça suffit !

Je profite tout de même de cette pause pour prendre quelques notes :

D’abord cette phrase du groupe Avenue D., qui pourrait être la troisième citation en tête de mon recueil de poèmes Fragments Nocturnes : « You call me a whore, but you always come back for more ! ».

Ensuite ce paragraphe que j’adore du roman How Stella got her groove back (titre sublime, lamentablement traduit en Stella par l’éditeur français) de Terry McMillan. Comme j’ai lu le roman en anglais, la traduction est de moi : « J’ai l’impression que plus rien n’est comme avant et ce n’est pas que je sois nostalgique ou quoi que ce soit mais je me demande si je me sens comme ça parce que je n’arrive pas à croire que j’ai vraiment quarante-deux putains d’années parce que les gens me disent tout le temps que je n’ai pas l’air d’avoir quarante-deux ans et pour être honnête je n’ai aucun plan immédiat pour en acquérir l’air si toutefois il y a un air à avoir lorsque l’on a quarante-deux ans et je ne me sens certainement pas quarante-deux ans et ce que je sais est que ça ne me dérange pas d’avoir quarante-deux ans. (…) Je me demande si je pourrais secrètement faire une crise de la quarantaine ? » Remplacez « quarante-deux » par « trente-et-un » et ce passage correspond parfaitement à ce que je vis en ce moment !

Et le jour de mon départ de Colva et Benaulim, j’écris : « ce matin, je n’ai plus peur ».


21 décembre 2007-30 décembre 2007 – Om Beach, Gokarna (Karnataka)

Je sais désormais pourquoi je me dois à moi-même de partir vivre en Inde, du moins en Asie, dans quelques années. Je veux dire, il y a des dizaines de raisons, mais je sais quelle est la plus importante d’entre elles. Ce qui est drôle c’est que j’y avais pensé, sous MDMA, lors d’une free-party en septembre dernier. Deux mois de voyage plus tard : c’est une évidence. Je dois vivre en Asie car être là m’aide à devenir une bien meilleure personne. Or, à trente-et-un ans, j'en ai la certitude : devenir une meilleure personne est le but principal de mon existence ! De mon expérience, les relations humaines en Occident sont une permanente compétition d’ego. Il faut avoir tout fait, tout vu, tout expérimenté, avoir le plus de fric, avoir fait le plus de voyages, avoir baisé le plus de meufs, faire les blagues les plus drôles et les remarques les plus pertinentes, avoir les fringues les plus cool, etc… Ici, les relations humaines ne sont pas une éternelle compétition. Chacun est à sa place, chacun est et sais ce qu’il est et cela a tout avoir avec cette acceptation du réel et ces « choses » qui « arrivent » dont je parlais plus haut. Du coup, les gens ne s’intéressent pas forcément à vous mais lorsqu’ils le font, ce n’est pas pour se mettre en compétition avec vous. Épuisé que je suis des conflits d’ego et de cette compétition de merde, sans pourtant parvenir tout le temps à y échapper, je comprends que ma place est ici. Qu’en Inde je pourrais enfin avoir des relations saines avec les gens, sans arrières pensées, sans compétition…

Ensuite je passe noël de la façon suivante : un marathon de quarante-huit heures sans dormir à picoler et à rigoler sur la plage en faisant des feux de camps avec quatre jeunes Indiens de Bangalore et c’est le plus beau noël de ma vie. Ensuite le Père Noël passe et me fait mon cadeau et elle s’appelle Nitya.

La vision de vaches sur la plage est assez fascinante et pour le moins amusante. J’adore ! Je sympathise aussi franchement avec les deux chiens de la guest-house, qui m’adoptent totalement. Parfois, avec d’autres chiens, ils se mettent en meute et courent après les vaches en aboyant.

Je passe toujours autant de temps que je le peux en compagnie d’Indiens et le reste avec des touristes. Je réalise un beau jour que je passe mon temps à poser mille questions aux Indiens, que je suis avide comme un petit enfant de comprendre le monde qui m’entoure, la culture indienne, la pensée indienne, la société indienne. Je dévore chaque information avec ferveur. Plus je suis amoureux de ce pays, plus j’ai besoin de le comprendre. Finalement, je sympathise et passe deux jours avec deux adorables Suédois et comme ma curiosité s’étend à tout, je leur pose mille questions sur la Suède !

La seconde Om Beach Experience aura finalement été aussi merveilleuse que la première, sept ans plus tôt, avait été pénible. Je repars réconcilié avec cet endroit merveilleux !


31 décembre 2007-06 janvier 2008 – Dharwad (Karnataka)

Visite chez mon ami, le musicien Sylvain Gérard, qui vit maintenant en Inde. Il se passe beaucoup, beaucoup de chose très intenses mais je décide de ne rien en écrire. En lieu et place, je note quelques faits amusants :

Une marque de cadenas très répandue en Inde est la marque « Hitler Star » (!) et chaque cadenas porte la mention « Hitler tested OK » (!!!).

Partout en Inde, de nombreux magasins d’artisanat affichent cet étonnant écriteau : « exhibition cum sales ». En argot anglais, « cum » signifie « foutre ». Ces magasins, dans une innocence toute indienne, affichent donc « exposition et vente de foutre ».

Dans un restaurant, le menu indique que le temps de préparation des plats est de « vingt-deux minutes à trente minutes ». Cette étonnante précision (vingt-deux minutes !) l’est d’autant plus que l’on est en Inde et que les plats sont bien sûr prêts, soit entre dix et vingt-et-une minutes, soit après trente minutes !

Dans la rue, un chauffeur de rickshaw éternue avec les sons appropriés : « iiiick-shaw ! ».

Dans le bus, le vendeur de tickets insiste pour que je range précieusement mon ticket dans mon sac. Comme je l’y enfourne négligemment, il stoppe délicatement mon geste et me montre comment glisser précautionneusement le ticket entre deux pages de mon cahier. Personne, évidemment, ne devra me réclamer ce ticket par la suite.

Je lis un panneau indiquant que stationner dans cette zone expose le contrevenant à une amende de « seulement 500 roupees » (« rps. 500 only »). La dissuasion à l’indienne !


11 janvier 2008 – Marseille (France)

J’ai retrouvé mon groove !
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...