30 janvier 2012

Petite leçon de markéting (pour les nuls)


Vous je sais pas, mais moi les Vilky Way ça me fait très, très envie :D

Reste à savoir si on en trouve au Cambodge :-s



27 janvier 2012

La pénétration de Bill Laswell


Pas nécessairement le meilleur morceau de l'album, mais un petit morceau de magie néanmoins.

Pas nécessairement le meilleur album de Bill Laswell, mais probablement l'un des plus envoûtants, ce qui n'est pas peu dire dans le cadre d'une oeuvre qui en compte plusieurs centaines...

Ce disque fut en tout cas ma première rencontre avec Laswell, en 1996. Depuis, notre histoire d'amour n'a connue nulle intempérie. Et pour paraphraser W.G. Darling, ma perception tout entière de ce qu'était la musique, de ce qu'elle pouvait être, en fut changée à jamais.

Et comme ce morceau qui n'est peut-être pas le meilleur mais qui n'en n'est pas moins magique est le premier de l'album, ce sera pour vous une entrée en matière comme une autre...

Si ça a marché pour moi, ça ira bien pour vous ^^


26 janvier 2012

Mémoires d'un élève amnésique

Un jour, un petit garçon qui était en fait une petite fille mais-ça-y-faut-pas-le-répéter amena en classe un sac. Mais un bruit étrange émanait de ce sac et de fait tous les élèves, intrigués, se réunirent autour du sac et ce malgré les imprécations de la maîtresse (qui souhaita que tous les enfants et petits enfants de ses élèves perdent toutes leurs dents à l'âge de quatorze ans). En fait, le sac contenait une voiture que son conducteur tentait en vain de faire démarrer, et le bruit était celui du moteur. Toutefois, la Ferrari - car c'en était une - démarra finalement et sortit en trombe du sac. Les élèves stupéfaits eurent juste le temps d'entendre le pilote leur crier:
- Prenez garde. Il y a un trou au fond du sac !
En effet, le sac - maintenant vide - était troué, ce qui fit que tout le vide contenu dans le sac s'échappa. Son vide s'en étant allé, le sac n'était donc plus vide. N'étant plus vide il était donc forcément plein. Mais plein de quoi ? De grenouilles. Le sac était plein de grenouilles et ces grenouilles jaillirent hors du sac et s'envolèrent. Elles atteignirent bientôt les nuages les plus bas du Paradis et en profitèrent pour faire quelques bulles. Toutefois, elles n'avaient pas de temps à perdre et elles se dirigèrent vers le septième ciel qu'elles rejoignirent sans mal.
La première chose qu'elles firent une fois arrivées fut de manger quelques pâquerettes pour se remettre de leur éprouvant voyage, puis elles allèrent directement voir Dieu pour lui demander:
- Pourquoi sommes-nous des grenouilles et non des loups-garous ? Et d'ailleurs, qui a mangé le foie gras du petit chat ?
- Mais je ne sais pas, moi !, vociféra Dieu. Pour qui me prenez-vous, pour Dieu, peut-être ?! Je ne peux pas être partout à la fois, moi. Allez plutôt demander ça à Saint Pierre, il est plus au courant que moi de ces choses là !
Désappointées mais nullement découragées, les grenouilles allèrent trouver Saint Pierre. Mais celui-ci était tant absorbé à jouer aux dés avec sa femme qu'il ne prêta nulle attention à leur présence. Les grenouilles eurent beau hurler  « Saint Pierre, vieille vipère ! », ce dernier - dont l'oreille était pourtant sensible à la poésie - ne réagit même pas. Lassés, les batraciens grimpèrent sur la table et se mirent en devoir de gober tous les dés - et ils étaient légions - du couple de joueurs. La femme de Saint Pierre en mourut. Quant à lui, voyant qu'il n'avait plus ni dés ni camarade de jeu, il remarqua enfin les grenouilles.
- Mais qui êtes-vous, et que voulez-vous ? leur demanda-t-il.
- Nous sommes des grenouilles issues d'un sac qui fut plein de vide et c'est Dieu qui nous envoie.
- Dieu ?! Encore celui-là ! Ça n'en finira donc jamais ? Enfin, puisque vous êtes là... Voyons voir : quel jour sommes-nous ?... Ah, mardi ! Le jour de la veuve éplorée.
Saint Pierre se transforma alors en veuve éplorée et s'écria :
- Dieu ? Jésus Marie Joseph ! Ainsi c'est le Seigneur qui vous envoie pour me rendre mon époux ! Oh merci Seigneur, que Votre nom soit béni. Mais dites-moi, vous qui sous cette apparence primaire devez être des Anges, que voulez-vous de moi en échange ?
- Et bien, dirent les grenouilles pour le moins étonnées, nous voulions savoir pourquoi nous étions des grenouilles et non des loups-garous, qui avait mangé le foie gras du petit chat, et aussi si le père de ce dernier était Rintintin ?
- Oh, je comprends, dit la veuve éplorée en fondant en larmes, c'est une énigme. Attendez voir que je consulte ma boule de cristal.
Elle dirigea en effet son regard vers une boule de cristal violette qui venait d'apparaître sur la table et s'exclama :
- Oui... Je vois... Je vois... Une poule borgne ! J'ai la solution de l'énigme : il s'agit de l'homme, qui marche à quatre pattes enfant, sur ses deux jambes adulte et s'aide d'une canne arrivé à la vieillesse. Ne montez jamais dans un avion avant l'an 2000.
- Merci, dirent les grenouilles, combien vous devons-nous ?
- Ce sera cinq-cent francs pour la consultation, plus vingt francs de pourboire.
Les grenouilles payèrent, dirent au revoir à la voyante et prirent le premier métro en direction de Nantes.
Malheureusement, le métro entra en collision avec un cycliste et dérailla. Les grenouilles trouvèrent toutes la mort dans l'accident. Mais l'existence n'est qu'un éternel recommencement et les grenouilles se réincarnèrent en élèves et, un jour de classe, l'un d'entre eux amena un sac. De ce sac émanait un bruit étrange et en ouvrant le sac ils eurent la surprise de constater qu'il contenait un extra-terrestre (qui n'était pas un hamster, précisa l'un d'entre eux). Pourtant, à leur grand étonnement l'extra-terrestre dégaina son colt et fit feu. De l'arme sortit un petit drapeau sur lequel il était inscrit « Je suis un hamster ». Et l'extra-terrestre - en fait un hamster déguisé - éclata de rire, disant aux élèves qu'il les avait bien eus.
Morale : L'habit ne fait pas le Martien.

Ce petit texte fut composé en 1993 : l'élève de seconde que j'étais alors faisait ses premières armes ! En 1999, il fut illustré par mon amie Léa et publié dans un numéro hors-série du fanzine Scrach. Il remporta ensuite un certain succès à l'occasion de lectures publiques organisées par Neweden en 2000-2001.

24 janvier 2012

The India Experience - 17/ The Hampi Experience

Premier voyage en Inde, février-mars 2001.

Décollage ici.
Expérience précédente : The Om Beach Experience (Pt. 2).


18 mars 2001 - 21 mars 2001 : The Hampi Experience, Hampi (Karnataka)

Je ne sais ni pourquoi ni comment je m'obstine à voyager avec la fille aux yeux de miel. Non que nous soyons fâchés mais le malaise est tangible et pesant, aussi serait-il plus raisonnable d’aller chacun de notre côté à présent. Sauf que j’ai l’intuition profonde qu’il me faut aller à Hampi et puisqu’elle y va aussi… Rien ne m’attend en fait là-bas que l’un de mes deux endroits préférés au monde (l’autre étant Lijiang, en Chine, que je découvrirai en 2002), et aussi un retour à une expérience indienne véritable, dont l’interlude Om Beach m’avait coupé.

Dans le bus qui nous emporte, je découvre vraiment les paysages tropicaux du Sud. L'inde du Nord est jaune, toute de poussière et de sable. Le Karnataka, à l'inverse, est verdoyant. Le trajet m'inspire cette phrase ésotérique : « Les chiots ont grandi. La manière d'être de la vie est similaire à la manière dont mangent les chameaux ». Je n’ai absolument aucune idée de ce que j’ai bien pu vouloir dire par là…

Lorsque mon regard se pose pour la première fois sur les paysages de Hampi, le décor qui s’offre à moi est à ce point surréaliste de beauté, à ce point différent de tout ce que j’ai pu contempler auparavant, que j’ai l’impression de voir des images de synthèses. Cela ne peut pas être réel, cela ne peut qu'être qu'une planète sortie de Star Wars. En comparaison, même le désert du Thar semble fadasse. Je ne me risquerai même pas à tenter une description. Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau et je pense que je ne verrai jamais rien d’aussi beau de ma vie entière… Je suggère de chercher une guesthouse dans le Lonely Planet, mais la jeune fille aux yeux de miel exige de « suivre son intuition ». Son intuition, fort heureusement, nous conduit jusqu'à un élégant assemblage de huttes confortables, disposées au milieu des bananiers. La jeune fille décrète ensuite que, cette fois-ci, nous prendrons une hutte chacun. Nul ne se risque à contester sa décision, et surtout pas moi !

Le village lui-même est assez petit. Il y a quelques siècles pourtant, Hampi était une cité d'un demi-million d'habitants, capitale florissante de l’empire hindou du Vijayanâgara. Les sultanats musulmans du Nord, royaumes rivaux, se chargèrent de réduire en miettes et l'empire et la ville. Ne restent de ce carnage que les ruines de divers temples et bâtiments, éparpillés sur plusieurs kilomètres au milieu de ce que Wikipedia qualifie à juste titre de « paysages insolites et grandioses ».

À l’exception de ce cadre incroyable, l’expérience la plus marquante est celle de la chaleur. Il doit faire dans les 45° mais l’air est beaucoup plus humide qu’à Jaisalmer ou même à Om Beach. Au réveil, la chaleur me fait à peu près le même effet qu'un gros bang de haschisch. Il me faut végéter deux heures devant mes corn-flakes pour trouver la force de prendre une douche et quitter enfin le jardin de l’hôtel. Il en résulte que je commence mes longues ballades aux alentours de midi, heure où le soleil tape le plus fort. Mais dès-lors que je me suis mis en mouvement, mon corps est comme pourvu d’une énergie miraculeuse. Je gambade et grimpe avec l'assurance de mes amies les chèvres. Toute cette chaleur devient une véritable expérience dans l'expérience. J’ai toujours aimé la canicule mais celle-ci est d'une démesure telle… J’adore ça ! Je dégouline de sueur du matin au soir mais j’ai l’impression de baigner dans un bain de vitamines. Mon corps est comme câliné par l’air. L'idée même du froid s'efface ! Bizarrement, ma sexualité s'en trouvera bouleversée : ce n'est rien d'autre que le climat tropical d'Hampi, que je rechercherai désormais à travers mes partenaires…

Je passe mes journées à vagabonder entre les temples, les rochers et les bananeraies. Je me réconcilie avec le monde après le marasme d’Om Beach. Hampi agit sur moi comme un baume. Le second soir, j’essaie le bhang-lassi (sorte de milk-shake au cannabis, plus ou moins légal en Inde selon les régions). Le mélange d’herbe et de chaleur m’envoie en orbite. Je trouve Dieu sait comment le moyen de regagner la guest-house. Là, je m'avachis sur un fauteuil, devant la télé que regardent avec attention un petit groupe de mamas indiennes. Le spectacle de la télé indienne est déjà un trip en soi mais dans l’état où je suis, la bouillie de publicités kitschs et de dramas cheaps, tout ça en langue kannada, se mue en expérience psychédélique ! Sur le chemin de ma hutte, je tombe sur la jeune fille aux yeux de miel, en train de s'extasier devant les dessins de la jeune Allemande qui nous accompagne. J'y jette un œil nonchalant, bien trop stone pour savoir si je les trouve jolis ou hideux, puis je vais m'écrouler sur mon lit. Je ne sais pas ce qui ce trame entre ces deux-là et à ce stade, je m'en fiche éperdument : je préfère me laisser emporter par le sommeil…

On se « retrouve » un peu, avec la jeune fille aux yeux de miel. On déambule quelques heures en tête à tête. La tendresse et la confiance reviennent. Fouinant dans une grotte, nous dérangeons des chauves-souris. C'est un moment si étrangement romantique que c'en est presque déplacé. Je suis si honteux de mon attitude à Om Beach que je me réjouis simplement de cette complicité retrouvée, sans plus rien espérer d'autre. Hampi est bâti aux abords d'une rivière et nous logeons de l'autre côté. Le troisième soir, nous devons regagner nos huttes. Probablement fatigués de ramer (ils ont d’ailleurs depuis adopté les barques à moteur), les bateliers exigent cinquante roupies, c'est-à-dire cinq fois le tarif habituel. La fille aux yeux de miel se met dans une telle rage qu’elle finit par leur jeter avec mépris un billet de deux-cent roupies. Son geste est accompagné d'une phrase du genre de celle qu'assène Leia à Yan Solo dans Un nouvel espoir : « Si c’est l’argent qui vous intéresse, c’est tout ce que vous aurez ! ». Tant qu’à être sur une planète de Star Wars, autant traverser la rivière avec la princesse Leia !

Plus tard ce même soir, je médite sur ma créativité : « J’apprendrai de nouveaux mots car j’ai presque fait le tour des miens, je trouverai des manières toujours plus habiles de les agencer en phrases et en discours. Il est des formules magiques que j’ignore encore, des équations spontanées qui naîtront en moi au fur et à mesure que je re-sculpterai le réel ». Il est vrai que mon « vocabulaire » artistique s'est considérablement enrichi depuis un an. Ma poésie a pris de nouvelles directions, plus abstraites. Mon premier roman, L'incident Œdipe (inédit), s'est consolidé en même temps que mon savoir-faire. Avec mon ami DaBoostemp, je viens de réaliser mon rêve de groupe electrofunk. Ça s'appelle Shoona Sassi et les premières répétitions se sont déroulées juste avant mon départ. Pulsize m'a invité à composer le scénario de Small City, un film expérimental. J'ai commis mes premières lectures publiques au cours de la Neweden Week. Florence Bordarier et moi avons brièvement entrepris de mettre en scène une de mes nouvelles, Diamant sans canapé, sous la forme d'une performance lecture-danse. Le spectacle Rumeur publique m'a mis dans la peau d'un dramaturge et d'un comédien… Tout ça en quelques mois à peine… De ces nouvelles cordes à mon arc, la performance est la plus vibrante. Je suis tombé amoureux de la scène, j'ai envie de développer ça. La Casa s'y prêtait parfaitement. Tout au long de l'automne, chaque jeudi, nous avons organisé des soirées portes ouvertes. Les fameux Jeudis de la Casa. Il fallait nourrir ces soirées de contenu artistique… Alors j'en ai profité pour essayer des trucs avec mes Neweden Freaks et d'autres. Musique, projections, lectures, danse : tout mélangé, en improvisation totale. On a appelé ça Combustions Spontanées. Le résultat était parfois hasardeux mais j'y ai pris un pied monstre. Chaque nouvelle expérience, en tout cas, contribuait amplement à ma révolution intérieure, à l'aspect vertigineux de cette année 2000. Chacune de ces découvertes artistiques était un coup de langue inédit sur le clitoris électrisé de ma muse ! Un nouveau frisson dans ma chair, une nouvelle étincelle dans mon psychisme… Créer est un acte sacré. « Au commencement était le Verbe… ».

Et d'ajouter : « Tout est différent, rien n’a changé ». Tout est son contraire ? Peut-être…

La veille de mon départ, la nuit tombe et comme je rentre d’une longue promenade, je m’assois quelques minutes au bout de la rue principale. En face de moi, à l’autre bout, le temple vertigineux. Au milieu, la vie grouille. Les enfants s’amusent devant la boutique de leurs parents qui chargent et déchargent quelque marchandise. Les rickshows klaxonnent pour écarter les chèvres, qui à leur tour bêlent pour écarter les rickshaws. Toute cette foule humaine et animale court dans tous les sens, parle fort dans des langues inconnues, s’agite et déborde d’une vie telle qu’on n'en verra jamais dans une rue européenne. Je me prends d'un coup une sorte de claque, exactement comme celle que j’avais pris devant le temple d’or près de deux mois auparavant. Je suis ici, en Inde. Je m’étais déjà tant habitué que j’en avais presque oublié à quel point le simple fait d’être ici est hallucinant. Lors de mes futurs voyages, grâce au souvenir de ce moment précis, je ne l’oublierai plus jamais.

Je crois que c’est à cet instant exactement que je suis tombé amoureux de l’Inde. De la même manière que l'on tombe amoureux d’une femme que l’on fréquente depuis quelque temps, mais que l’on n’avait jamais vue avec ce regard-là. Toute cette vie, là devant moi, débordante, colorée. Cette femme en sari qui court après son enfant qui court après le pneu qui lui sert de jouet… Je ne sais pas encore où ça me mènera mais je sais que je suis amoureux. J’écrirai d’ailleurs, peu après : « J’ai le sentiment que je pourrais être beaucoup plus perdu à mon retour en France que je ne l’étais à mon arrivée en Inde ». L’idée me parait saugrenue sur le coup, mais elle est prophétique. Je passerai mes quatre ou cinq premiers jours à Lyon à errer, ébahi et paumé dans ma propre ville.

Mais il est temps de partir, d'abandonner Hampi et la fille aux yeux de miel à leurs magies respectives, car un avion m’attend dans une semaine à Karachi. J’ai passé trop peu de temps ici, quelques jours à peine. Je sais qu'Hampi et moi devrons un jour reprendre les choses là où je les laisse aujourd’hui. Je me jure de débuter mon prochain voyage en Inde par cet endroit où se termine le premier. Je tiendrai ma promesse, six ans plus tard.


Prochaine expérience : The Long Way Home Experience (Pt. 1).

22 janvier 2012

Un espoir de traitement contre les acouphènes !

Ce n'est pas trop le propos de ce blog que de parler des progrès de la médecine, mais la nouvelle est d'une telle importance pour moi (et quelques millions d'autres personnes !) que je ne peux m'empêcher de la partager avec vous !

Il semblerait que, pour la première fois, un traitement efficace contre les acouphènes soit en train de voir le jour ! Pour ceux qui l'ignorent, les acouphènes sont des sifflements dans les oreilles, permanents, d'intensité variable selon les individus, généralement acquis à la suite d'un traumatisme acoustique et jusque-là totalement incurables. On estime que 10% de la population des pays occidentaux en souffre. Chez certains individus (dont votre serviteur), le volume est suffisamment bas pour être recouvert par les bruits ambiants, et le cerveau apprend peu à peu à ignorer ce bruit parasite. Je suis « interdit de silence » depuis déjà quatre ans, et la gène est toujours présente, mais après quelques mois d'enfer j'ai appris à vivre avec... Chez d'autres individus toutefois, le volume est bien plus élevé et les acouphènes sont une torture quotidienne, dont la conséquence est inévitablement la dépression et, parfois même, le suicide.

Malheureusement, la recherche n'a jamais été très poussée : les gens qui ne souffrent pas d'acouphènes sont incapable de mesurer à quel point ceux-ci gâchent la vie de ceux qui en souffrent, et de fait l'argent et l'intérêt de la communauté scientifique ont toujours fait défaut. Il suffit d'ailleurs pour s'en rendre compte de discuter de votre maladie avec un ORL. La réponse est invariablement la même : « N'en faites pas tout un plat, ce n'est pas si terrible, vous allez vous habituer... ». « Mais... Heu... Docteur... J'ai une alarme de voiture qui sonne en permanence dans ma tête ! ». « Ce n'est rien du tout ! Vous faites toute une histoire d'une chose inconséquente ! Prenez du repos et vous verrez que d'ici quelques temps vous n'y ferez plus attention... ». Pour la petite histoire, les ophtalmos chantent exactement le même refrain aux personnes qui souffrent de corps flottants, une autre belle saloperie dont j'ai hérité à peu près en même temps que mes acouphènes, cicatrices parmi d'autres de deux ans d'exil à Marseille (n'allez pas là-bas, c'est un endroit épouvantable !)...

Et puis, il y a un an, une dépêche scientifique est tombée : des chercheurs américains sont parvenus à comprendre les mécanismes des acouphènes, à envisager un remède, et leurs expériences sur des rats s'avéraient suffisamment concluantes pour que l'on teste la méthode sur des êtres humains. Plus de détails ici. La nouvelle était excitante mais il convenait d'être prudent : il était plus que probable que cela ne mènerait nulle part... Les victimes d'acouphènes n'en étaient pas à leur premier espoir déçu...

Un an après, les tests sur humains effectués en Belgique se sont avérés très concluants. Il y a encore de nombreux ajustements à faire pour améliorer l'efficacité du traitement et l'adapter aux besoins de chaque patient, il est encore incertain qu'il parviendra à guérir tous les acouphènes, ou à les guérir tous complètement, mais le fait est que MicroTransponder, l'entreprise qui est derrière cette découverte, envisage une commercialisation en Europe d'ici un à deux ans. Pour l'instant, ce qui leur manque principalement ce sont les financements... Précisément parce que les investisseurs considèrent que les acouphènes sont un problème trop « mineur » pour générer un retour sur investissement. Les fous !

Will Rosellini, PDG de MicroTransponder, semble toutefois déterminé à poursuivre l'aventure. Même si rien n'est encore certain, le fait est qu'il est - enfin ! - envisageable que d'ici quelques années, des millions d'individus recouvrent leur droit à la sérénité. Muni d'un implant cérébral, votre Shaomi préféré serait alors un cyborg... et pourrait de nouveau écouter le silence !

Pour suivre l'actualité de ces recherches, vous pouvez vous inscrire à la mailing-list de MicroTransponder ici, et jeter régulièrement un œil au blog de Will Rosellini. Si vous souffrez d'acouphènes, vous pouvez également répondre à leur sondage en ligne ici. Et si, enfin, vous êtes très riche, il est possible de financer leurs recherches ici (on ne sait jamais, j'ai peut-être des lecteurs millionnaires ^^).

15 janvier 2012

The India Experience - 16/ The Om Beach Experience (Pt. 2)

Premier voyage en Inde, février-mars 2001.

Décollage ici.
Expérience précédente : The Om Beach Experience (Pt. 1).


12 mars 2001 - 17 mars 2001 : The Om Beach Experience, Gokarna (Karnataka)

Les jours s'écoulent. Quatre petites journées qui me font l'effet d'une éternité ! Je passe la plupart du temps à écrire des dizaines de poèmes de merde à propos de tout ça, dont les seuls fragments valables formeront plus tard le corpus de La plage d’Om. Je renonce totalement à la bouffe indienne et m’empiffre de pizzas, de chocolat et de corn flakes. J'y trouve un réconfort sans borne et ça finit par donner Mon bol de corn flakes, comme quoi l’humour s’immisce même dans les moments les plus pitoyables de l'existence… Je passe de longues heures à nager dans l’océan au péril de ma vie, avec un total mépris pour les courants dont on ne cesse de me répéter qu’ils tuent une demi-douzaine de touristes par an. Une fois, je disparais durant plus de trois heures. Lorsque je reviens, ils me croyaient tous noyé. Mais non, je n'ai même pas la chance de mourir en martyr ! Quelques chutes inédites de La plage d’Om : « Mélodie / Retrouvée / Présomptions / Ébauchées / Je mets mes idées sur les mots qui me plaisent / Si les 2 ne vont pas ensemble à vos yeux / Tant pis ! ». Et aussi : « Aimer sans être vulnérable / Est-ce un mythe ? ».

La fille aux yeux de miel vient me parler, exige des explications. Je ne veux pas être désagréable (je ne le suis d'ailleurs pas, je suis juste dans mon coin). On manque de peu de s'engueuler. On s'explique. Elle revendique sa liberté. Je revendique mes sentiments. Je fous en l'air tout espoir de la reconquérir. Avant Jaisalmer, elle a passé quelques semaines dans un dispensaire au Népal, à soigner des miséreux atteints de maladies incurables, livrés aux souffrances les plus insoutenables. Elle s'insurge : comment, par contraste, puis-je me laisser aller ainsi, dans ce décor de rêve, avec ma vie de rêve ? Bonne question. Elle provoque trois conversations en tout. Pour la seconde, elle m'embarque dans une calanque et exige qu'on se foute à poil. Pour elle c'est un symbole : on se met à nu, on se dit tout. Comme on parle, nos corps exposés me semblent grotesques. Il y a deux mois, ces corps brûlaient d'excitation, se faisaient du bien l'un à l'autre. Aujourd'hui, elle les transforme en revendication, les intellectualise. Nos chairs alors s'enlaidissent, deviennent un amas pathétique de cellules vivantes. La troisième conversation est vraiment tendue. Elle est furieuse. Je ne maîtrise plus rien à ce stade, je ne sais plus ce que je lui raconte, je suis une merde. Michaël aussi est très mal à l'aise, il vient me voir à plusieurs reprises, évoque l'idée de partir. Je le lui interdis, mon éthique m'y contraint : il n'y est pour rien. En plus j'aime vraiment bien nos rares moments ensemble. Qu'il reste : si quelqu'un doit partir, je partirai. Mais je ne pars pas. Nous maintenons tant bien que mal un équilibre. Elle fait preuve d'une patience sans borne à mon égard, d'une obstination absurde à régler ce problème qui pourtant n'appartient qu'à moi. Mais elle a tort : elle s'acharne à préserver notre amitié, j'échoue à préserver notre amour. On ne se bat pas sous les mêmes drapeaux. Et puisque après tout je ne fais chier personne avec mon spleen, elle devrait m'ignorer, me chasser ou partir. Je devrais me chasser moi-même, recouvrer ma liberté puisqu'elle tient tant à la sienne. Mais je ne pars pas. Je n’arrive pas à m’éloigner d'elle.

Il y a tout de même quelques moments de complicité. C'est déjà ça. Cet apéro lors duquel nous trinquons un whisky frelaté… Le menu en compte plusieurs marques mais nous savons que ça sera dégueulasse de toute façon. Alors nous demandons au serveur de nous servir le pire de ses whiskies. Il croit avoir mal compris, nous confirmons : nous voulons le plus ignoble de tous. Le serveur rigole, nous aussi. Une autre fois, une vache lui vole sa pastèque pendant qu'une autre, décornée, tente de m’encorner (ce qui fait tout de même l’effet d’un bel uppercut au foie)… Et puis il y a nos fous rires devant cette voiture qui parcourt inlassablement Gokarna. Le conducteur scande de mystérieuses incantations dans un haut parleur, d'un ton absolument monocorde… Nous apprenons finalement qu'il s'agit des résultats du loto, et ça nous amuse encore plus…

Les baba-cools de la plage et leurs feux de camps la comblent de joie et me laissent complètement indifférent. Je suis tellement dark qu'ils finissent par me taper sur les nerfs. Ils sont tous là à fumer leurs pétards. Les dreadeux jonglent et jouent de la guitare, draguent des dreadeuses boudinées à la peau couleur jambon. Tout ce beau monde est d'une superficialité scandaleuse et je n'ai pas la moindre envie de me mêler à eux. Ils n'ont que la « spiritualité » indienne à la bouche mais leur manière de la vivre n'est qu'une version tropicale du consumérisme européen. J'apprendrai d'ailleurs par la suite que les Indiens ont le plus grand mépris pour leur genre… Je leur abandonne ma jeune fille aux yeux de miel. Je regarde passer les sveltes Indiennes à la peau cuivrée, autrement plus attirantes que les dreadeuses. Je me fais quelques amis pourtant : les chiens errants (six ans plus tard, je sympathiserai de même avec leurs enfants). Un soir que je me sens particulièrement abattu et seul au monde, à dormir comme un con tout seul sur le sable et pas à côté d’elle, ils flairent mon mal-être et viennent se blottir tout contre moi. Je passe la nuit en sandwich entre cinq nounours, infiniment reconnaissant pour cet élan de tendresse. Je me sens, comme qui dirait, membre de la meute.

Comment, quelques jours après ma sortie triomphante de la Desert Experience, comment puis-je tomber si bas ? Je ne cesse de m'interroger. Il est vrai que je tiens terriblement à cette fille. Et dans ma tête, c'était ma dernière chance de parvenir à, enfin, être vraiment avec elle. J'ai cristallisé à mort sur cette idée : le trip romantique à deux, en Inde. Jolie carte postale. Il était couru que je tombe de haut. Mais ça ne peut tout expliquer. Je craque. Tout simplement, je craque. Je me pensais sauvé par le désert, je n'en étais que revigoré. Je me revois un an en arrière. Comme je triomphais alors, avec mon collectif d'artistes et ses succès. Tout semblait si bien s’enchaîner  Que de désillusions depuis. En un an, je suis devenu un adulte. Et je crois qu'à ce moment-là, ça ne me plaît pas du tout d'être un adulte. Putain, mais qu'est-ce qui s'est passé ? J'ai pourtant vécu tout ça comme une épopée merveilleuse. Justement ! Je n'ai pas mesuré la part des ténèbres, le poids des déceptions. Il y a un an, je croyais qu'il était possible de faire ensemble. Aujourd'hui je suis épuisé des gens, de leurs egos, de leurs caprices, de leurs crises de nerfs, de leurs mauvaises langues. J'ai été épouvanté par tout ce qui s'est dit sur mon compte. Je me suis bougé le cul pour faire avancer les choses, pour fédérer des gens, pour booster la vie culturelle lyonnaise. J'ai consacré de longs mois à cela, j'ai perdu beaucoup d'argent dans l'entreprise… J'y ai certes gagné des expériences de vie inestimables, des amis fidèles, des souvenirs incroyables et la possibilité, si je le souhaite, d'aller plus loin. Mais il faut bien avouer que j'ai été très affecté par les polémiques ridicules des uns et des autres… J'ai combattu, pourtant. Je suis peut-être une merde ici à Om Beach, mais à Lyon je suis un dragon ! Je suis allé au fond des choses en cette année 2000. J'ai expérimenté. J'ai vécu. J'ai grandi. De la Neweden Week jusqu'à ce voyage, j'ai mis en œuvre tous les trucs dingues qui me sont passés par la tête. La vie s'est chargée du reste. De rajouter le piment et les épices. Ça a été une année cosmique et je n'aurai jamais rien à regretter de cette folle épopée. Mais aujourd'hui, sur cette plage paradisiaque, je craque. J'ai trop encaissé. Trop de changements. Trop d'enjeux. Trop de pression. Et pas de cerise aux yeux de miel sur mon gâteau… Alors je me raccroche à ce vers de O(+> « Every now and then u must defend your right 2 die and live again, live again, live again! ». Toute ma putain de vie résumée en une phrase !

Comme en écho à ces idées de transhumance, un email m’apprend que la Casa Okupada a reçu un avis d'expulsion. J'hésitais à me désinvestir de ce projet-là aussi : voilà qui règle la question. En même temps, n’en étant plus à une contradiction près, je décide qu’il va falloir ouvrir un autre squat, pour poursuivre l’expérience et accomplir de nouvelles Combustions Spontanées. Je me jure au passage que les Taliban(E)s du Point Moc n’auront pas même le droit d’y mettre les pieds : « Ça me fait mal d’exclure, moi qui ai toujours prôné l’union faisant la force, mais je ne veux plus avoir de compte à rendre à ces gens-là. Je ne veux même plus entendre parler d’eux après toute la merde qu’ils ont déversée sur moi, Neweden et la Casa. Ils veulent du radicalisme, on va leur en donner ! ». Je décide aussi que je ne les pardonnerai jamais. C'est une promesse à laquelle je me tiendrai, par pur principe. Je peux pardonner qu'on s'en prenne à moi s'il y a des enjeux affectifs. Je peux pardonner qu'on s'en prenne à moi si je me comporte mal. Je ne pardonnerai jamais qu'on s'en prenne à moi sans raison. Pourtant, dix ans plus tard, comme replongeant dans mes cahiers de voyage et rédigeant ce récit, je songe à cette réplique du scénariste Peter David : « Je me suis fait quelques ennemis… Mais, hé ! Ils se sont tous volatilisés en poussière et je suis toujours là. Alors je suppose que ça veut dire que j'ai gagné ». Mais en ce début d'année 2001, les jeux ne sont pas encore faits !

Et nous voici prêts à quitter Om Beach. Il semble qu'il ne s'est rien produit entre Michaël et la jeune fille aux yeux de miel. C'est déjà ça… Notre piteux trio se trouve augmenté d'une jeune Allemande, récoltée sur la plage. La fille aux yeux de miel précise d'un ton sec « Et j'espère que désormais tout est clair entre nous, et que cela ne dérange personne ! ». J'ai envie de la gifler. C'est si humiliant de sa part, de nous adresser ça à moi et à Michaël, quand tout le monde sait que ça n'est destiné qu'à moi. Mais après tout, je suis une merde. Ma réponse, évidemment, s'impose d'elle-même : « Non… Non non… Pas du tout… ».

Lorsque le bus quitte Gokarna, je me demande si je reviendrai jamais profiter mieux de cet endroit magique. Je le ferai finalement en 2007. La seconde Om Beach Experience sera aussi merveilleuse que celle-ci aura été lamentable. Les voies du karma sont impénétrables…


Expérience suivante : The Hampi Experience.

14 janvier 2012

De l'insomnie et de la France qui se lève tôt...

L'insomnie est parfois une pression, une contrainte, une abomination pour celui ou celle qui ne l'a pas choisie et qui doit se lever le lendemain. Pour cela, Dieu a inventé les somnifères.

Mais l'insomnie est avant tout une pulsion, une envie, un besoin, un élan de vie... Parce que peu importe combien nous dormons, nous allons tous mourir un jour, et nous avons parfois besoin d'aller au bout des choses...

Ils disent que l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt (et M. Sarkozy nous a assez fait chier avec ça !), mais pour me lever tous les matins à six heures et m'endormir à coups de Stilnox depuis sept mois, pour être crevé néanmoins, et ce bien que cela soit un choix de ma part et que j'aime ce pourquoi je me lève, je puis dire que cette expérience d'enseignant -destinée à durer encore plus ou moins un an (après quoi je prends ma retraite, je retourne à mes errances en Asie et à l'écriture de livres que personne n'achètera !)- me coûte davantage d'espérance de vie que toute la fête, toutes les drogues et toutes les saines nuits blanches d'écriture que j'ai pu ingurgiter auparavant. Faire ça quelques mois, une fois de temps en temps, à l'autre bout du monde, c'est cool. Mais quand je pense aux pauvres gens qui doivent faire ça toute leur vie... Mama mia !

Alors qu'on ne vienne pas m'emmerder avec la France qui se lève tôt parce que désormais, je sais que cette France, elle souffre ! Hors il n'y a aucun mérite à souffrir sauf pour être beau. Hors cette France-là n'est pas belle (ou en tout cas très rarement). 

Et même si je dois me lever à six heures lundi matin, et même si je dois me traîner toute la semaine, ce soir je veille ! Quoi qu'on en dise, l'aube est un spectacle épouvantable quand on vient de se lever, et magnifique lorsque l'on n'a pas dormi... Ce n'est pas Annie Lennox et Dave Stewart, qui me diront le contraire (et pourtant, M. Sarkozy, ils sont bien plus riches que vous ne le serez jamais !)...


Les animaux sont arrivés
Jour par jour se travailler

Dans les trains

En auto
Sur les bicyclettes
Dans les rues
C'est partout
Dans les places publiques

Les animaux sont arrivés
Jour par jour se travailler
Jour par jour se travailler

Dans les trains
Chaque semaine
Sur les bicyclettes
Dans les rues
C'est partout
Dans les places publiques

Toutes les bêtes de la cité

Toutes les personnes fatiguées
A les maisons retournées
Les métiers c'est terminé

Dans les trains

En auto
Sur les bicyclettes
Dans les rues
C'est partout
Dans les places publiques

Les animaux sont arrivés

Jour par jour se travailler
Regardez Regardez
Toutes les personnes fatiguées

Quelle horreur qu'est ce que c'est ?

C'est la vie juste la vie
Quelle horreur qu'est ce que c'est ?
C'est la vie juste la vie
Quelle horreur qu'est ce que c'est ?
C'est la vie juste la vie

(PS : à peine sept heures du matin et déjà j'entends les disqueuses des artisans forgerons qui bossent en bas de chez moi... un dimanche... sans déconner, ils sont complètement malades ces Cambodgiens des fois !!!)

6 janvier 2012

The India Experience - 15/ The Om Beach Experience (Pt. 1)

Premier voyage en Inde, février-mars 2001.

Décollage ici.
Expérience précédente : The Jaisalmer Experience (Pt. 3).


12 mars 2001 - 17 mars 2001 : The Om Beach Experience, Gokarna (Karnataka)

C'est le matin. La jeune fille aux yeux de miel monte dans le bus. Nous quittons Jaisalmer. Un regard, un sourire, tout va bien. Et puis derrière, j'aperçois Michaël, le Français rencontré la veille. Il hisse son sac à dos dans le véhicule. La jeune fille aux yeux de miel capte mon air étonné. « Oh, à propos, Michaël m'a demandé s'il pouvait nous accompagner à Om Beach. J'espère que ça te dérange pas…? ». Il semble que cette phrase, ce « j'espère que ça te dérange pas », soit destinée à devenir un rituel entre nous. Alors je sacrifie au rituel : « Non… Non non… Pas du tout… ». Pendant le trajet, Michaël s'explique : « Je savais pas trop où aller après Jaisalmer. Vous êtes adorables, cette histoire de plage m'a inspiré, alors voilà… ». Et comme un écho : « J'espère que ça te dérange pas ? ». Il ignore tout de ce qui s'est joué, de ce qui se joue, entre elle et moi. Il nous prend pour de simples amis. Elle aussi d'ailleurs, nous prend désormais pour de simples amis. Je joue au perroquet : « Non… Non non… Pas du tout… ». Bien-sûr que ça me dérange ! Comment peuvent-ils être aussi bêtes ?! Lui encore, je comprends, il n'a aucune raison de se sentir de trop. Mais elle, nom de Dieu, à quoi pense-t-elle ? D'accord, elle m'a fait comprendre que notre « histoire » est terminée, qu'on est passé à autre chose. D'accord, j'ai menti, j'ai dis que j'étais cool avec ça. Mais enfin quand-même, quand bien même ! C'était notre trip ! Elle aurait pu imaginer que ça me gonfle qu'elle… Oh, et puis merde, tant pis ! Je reste souriant, je ne montre rien, je ne vais pas, en plus, perdre la face. Ni nous gâcher nos vacances.

Il faut dire que dans d'autres circonstances, j'eus été ravi de voir débarquer Michaël. Tout comme Rotem, il est un compagnon de voyage idéal sous tous rapports. Ce n'est pas un mec cool, c'est un mec bien. Je le trouve vraiment, vraiment chouette. Et puis je me rappelle mon sentiment de la veille, toutes les « coïncidences », tous les « signes ». L'Univers tout entier est là qui veille sur moi, qui conspire à me conduire absolument là où je dois être, à vivre précisément ce que je dois vivre, à rencontrer exactement qui je dois rencontrer. Michaël fait donc partie du « plan ». Je décide d'avoir un peu confiance en mes dieux, et je me détends.

Nous cheminons longuement vers Gokarna. Je passe la totalité du voyage, c'est-à-dire près de quarante heures, sans dormir. Je me souviens des Indiens non-anglophones, amassés en cercle autour de nous à la gare d’Ahmedabad, fascinés par la fille aux yeux de miel, la contemplant avec des sourires hébétés, résistant d’un même sourire à toutes nos entreprises de communication. Je me souviens comme ça l'agace, la pauvre (mais moi je trouve ça rigolo). Je me souviens de notre tentative pour squatter en seconde classe avec nos billets troisième classe, de l’intraitable contrôleur qui nous somme de regagner notre compartiment. Je me souviens comme ça l'agace, la pauvre (mais moi je trouve ça rigolo). Je me souviens d’un ciel au crépuscule, avec des nuages multiformes, qui ne ressemble à aucun autre ciel que j’aie jamais vu ni avant ni depuis. Je me souviens comme ça la laisse indifférente, elle qui d'habitude tombe en transe devant le moindre arbuste (mais moi je trouve ça magnifique). Je pourrais bien, finalement, être aussi cool qu'elle. Je me souviens de nos récits de désert, de son safari en duo avec un camel driver lubrique, qui n'a rien osé tenter mais qui aurait bien voulu. Je me souviens que nous évoquons les inaccessibles et irrésistibles Indiennes avec Michael. Comme il a une copine en France, je glisse que « de toutes façons t'es maqué ». Je me fiche éperdument de son couple, je veux juste m'assurer qu'il ne tentera rien avec la fille aux yeux de miel. « Oh, tu sais, je suis parti pour des mois… alors si une occasion se présente de vivre un truc chouette, ça restera mon jardin secret et voilà tout… ». Et merde ! Je me souviens qu'à la fin, la fatigue me fait badder. Je me souviens qu'elle me demande si ça va, que je lui mens une fois encore : « Je suis naze, c'est tout ». Vers la fin du périple, j’écris ces mots : « Impossible de dormir et je sais qu’à ce stade, je ne suis plus en condition de penser de façon structurée, seulement de ressentir des intuitions qui me déplaisent. Je ne peux me fier à rien dans cet état où tout est fossé par l'épuisement, et je déteste décidément ces moments entre la porte qui se ferme et la porte qui s’ouvre ». Finalement, nous arrivons à Gokarna, un village minuscule et charmant dont le nom signifie « oreille de vache », encore un lieu sacré pour les hindous. L'Inde du Sud, je le vois tout de suite, est plus détendue, plus smooth que l'Inde du Nord. Nous vidons une partie de nos sacs à dos dans le coffre d'une guesthouse. Le bon sens voudrait que nous prenions un rickshaw, mais nous entreprenons avec je ne sais quelle détermination surhumaine de marcher une heure à travers les collines. Jusqu’à, enfin, atteindre Om Beach.

Parvenu à destination, il nous faut louer non pas des chambres mais des huttes. La logique, l'évidence, voudrait qu'elle et moi prenions une hutte à deux. Ou alors que nous en prenions une chacun. Mais avant que quiconque n'ait le temps de suggérer quoi que ce soit, la fille aux yeux de miel proclame sa décision : « Bon, on prend une hutte à trois, alors ? ». Je devrais protester, mais que dire ? Une fois encore je me tais. Ivre de fatigue, je m'écroule avec eux dans la petite cahute et nous dormons une éternité.

Au réveil, j'essaie de ranimer ma bonne humeur, mais cette histoire de hutte m'a achevé. Sans la hutte, je suis fichu. Tous mes plans tombent à l'eau. Il ne s'agissait pas, bien sûr, de lui sauter dessus dès la première nuit. Mais la présence de Michaël rend tout impossible. Et là, je ne sais pas ce qui m'arrive. Le poids de toutes les épreuves que j'ai traversées depuis un an me retombe sur les épaules. Les babapunks qui veulent ma peau, la pression incessante liée à mes projets artistiques, la fatigue, l'abus d'alcool et autres substances, la mort de ma mère, la connerie de mon père, l'obligation de me faire chier vingt-quatre heures par semaines à jouer à « l'agent de sécurité » pour le fric, ces deux longues années sans véritable histoire d'amour ni vacances, les interrogations qu'on a à vingt-quatre ans quand on n'a pas un diplôme pour attester d'une culture générale pourtant excellente, pas une compétence professionnelle en dehors du si précaire domaine de la culture. Et bien-sûr, et surtout, la fille aux yeux de miel qui n'est pas amoureuse de moi, qui n'arrête pas de m'annoncer des trucs de merde et de me demander avec candeur si « ça ne me dérange pas »…

Parvenu au soir, tout le monde festoie autour d'un feu de camp et je me tire à l'écart avec mon stylo et mon cahier. Je me sens totalement abattu. Fatalement déprimé. Elle vient me voir plusieurs fois, Michaël également. Mon changement soudain d'attitude les étonne, les inquiète. Je leur répète comme un mantra que « tout-va-bien-j'ai-juste-un-coup-de-blues-j'ai-besoin-d'être-seul-ça-va-passer ». Au moment de se coucher, j'annonce que je me sens à l'étroit dans cette hutte, qu'il fait trop chaud et qu'on est trop nombreux. Je m'en vais dormir à la belle étoile, sur la plage. Et comme cette nouvelle excentricité les affole de plus belle, j'affirme que ça ira mieux demain.

Mais ça ne va pas mieux demain. Je sombre d'heure en heure dans une déprime inextricable et profonde. Avec le recul, ou vu de l'extérieur, ça peut paraître ridicule. Ça me paraît déjà ridicule sur le moment. OK il y a cette histoire de Michaël. Mais si j'étais au summum de mon groove, je me débrouillerais pour passer des moments seul avec elle. Je jouerais le jeu du mec hyper-sociable, je copinerais avec tout le monde et je serais si cool qu'elle me mangerait dans la main. Il y aurait bien, alors, un moment propice pour l'embrasser. Et sinon je pourrais lui proposer une hutte à deux à Hampi, qui est la destination suivante. Je pourrais même penser à long terme, prendre sur moi ici pour être à ce point cool qu'elle craquera plus tard en France. Elle m'aime. Elle n'est pas amoureuse de moi mais elle m'aime. Elle me trouve séduisant. Elle a aimé se faire câliner. C'est juste que, par quelque obstination stupide du genre qu'en ont les filles, elle a décrété que je serais son ami et pas son mec. C'est vraiment ça : un décret. Elle n'a pas l'ombre d'une raison valable... Avec un peu de jugeote et beaucoup de patience, je pourrais désamorcer ça. Bref, je suis ridicule, je le sais, et le fait de le savoir me plonge plus profondément encore dans ma dépression spontanée. Pour couronner le tout, Om Beach est une sorte d’oasis paradisiaque, totalement coupé du monde. Une plage, des huttes et des paillotes encastrées entre la jungle et les collines d'un côté, l'Océan Indien de l'autre. On ne peut pas imaginer pire endroit pour déprimer, précisément parce que tout est conçu pour ne pas déprimer ! C'est beau. Tout le monde est détendu. Le soleil brille. Il fait chaud. Le sable, les palmiers, la nature, la mer. On aperçoit même des putains de dauphins au loin ! Déprimer ici implique d'être vraiment pas bien dans sa tête. Et cette idée-là vient encore s'ajouter à la montagne de choses qui me désolent !

La dernière phase du voyage s'annonce glauque...

Expérience suivante : The Om Beach Experience (Pt. 2).

3 janvier 2012

La Compagnizz, la série : épisode 11 - Les grands projets de Denis Lecarme

Je viens de me souvenir qu'il restait trois épisodes inédits du feuilleton de La Compagnizz. Presque deux ans après l'épisode 10, voici donc... l'épisode 11 ^^

Explications et épisode 1 ici.
Épisode 2 ici.
Épisode 3 ici.
Épisode 4 ici.
Épisode 5 ici.
Épisode 6 ici.
Épisode 7 ici.
Épisode 8 ici.
Épisode 9 ici.
Épisode 10 ici.

Dans ce nouvel épisode, vous allez découvrir que Denis Lecarme n'est pas sans ambition, même si sa collègue Lucile Brisset n'est pas toujours aussi enthousiaste que lui !

La Compagnizz, la série : épisode 11 - Les grands projets de Denis Lecarme

<a href="http://www.grapheine.com/creation-carte-de-voeux-f9.html" title="logo graphisme">changement d'identite visuelle</a>

A la semaine prochaine pour un nouvel épisode !!!

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