28 septembre 2011

La petite coquille de David Pujadas...

C'était au J.T. de France 2 la semaine dernière. Suite au braquage d'un fourgon blindé, on nous apprend que (je cite) : « En un an le nombre de vols à main armée contre les sociétés de transports de fond a augmenté de 75% ».

Ah ben oui, 75% c'est énorme, ça fait froid dans le dos ! Sauf que... regardez bien ce qu'il y a écrit sur votre petit écran :


Et oui ! Il s'est gouré Pujadas ! Les braquages n'ont pas augmenté de 75% mais de 75 euros ! 

Ouf ! On a vachement moins froid dans le dos tout d'un coup !

3 septembre 2011

The India Experience - 8/ The Pushkar Experience (Pt. 3)

Premier voyage en Inde, février-mars 2001.

Décollage ici.
Expérience précédente : The Pushkar Experience (Pt.2).


12 février 2001 - 23 février 2001 : The Pushkar Experience, Pushkar et ses environs (Rajasthan)

Après une courte pause, me voici reparti sillonner le désert. Mes errances me conduisent jusqu'à à une maisonnette isolée, où ne semblent vivre que des femmes. Petites filles, adultes et vieillardes, elles sont une quinzaine en tout peut-être. Elles m’offrent de leur chapati et beaucoup de sourires, mais comme nulle ne parle anglais, la nature exclusivement féminine de leur communauté restera pour moi un mystère. Je repars de cet oasis de paix avec le sentiment d’avoir découvert Shangri-la.

Quotidiennement, quelque berger passe par là. Ces hommes n'ont aucun mot que je comprenne, pour me demander pourquoi je suis là à squatter leur campagne. Alors ils s'arrêtent, me contemplent avec étonnement. Parfois même ils s'assoient et restent là deux ou trois minutes, comme hypnotisés. On se regarde en chèvres de faïence, notre dialogue muet en harmonie avec le silence environnant. Puis ils repartent vers leur quotidien. Il semble que je suis pour eux l'aventure de la semaine.

En parlant d'aventures, il ne se passe pas grand chose tout au long de ces journées. Alors je songe à l'avenir. Songer à l'avenir implique de songer à mon collectif d’artistes, Neweden. Songer à l'avenir implique donc de songer au passé. Je ne puis tout raconter (cela serait le sujet d'un autre récit), mais je me dois de retracer les grandes lignes. J'en ai besoin pour décider de poursuivre ou d'arrêter, car c'est cela qui est en jeu en ce début d'année 2001. Quand je songe à Neweden, je me sens comme au lendemain de la bringue ultime, avec des souvenirs incroyables et une gueule de bois spectaculaire… Cette association est devenue, depuis deux ans, le fil conducteur de mon existence tout entière. La première remarque qui me vient, au sujet de Neweden, est celle-ci : « C’est dommage que tous ces gens se soient réunis autour de moi au lieu de se réunir tout court ». « Ces gens », ce sont la quarantaine de membres du collectif, du moins était-ce leur nombre huit mois plus tôt, en juin 2000.

Tout est parti d'un fanzine créé en 1995 avec mon ami Frédéric Thirion. Le fanzine a tôt fait d'entraîner dans son sillage une vingtaine de créateurs. En 1996, je rencontre Florence Bordarier. Elle écrit, elle peint, elle est comédienne, pas encore danseuse. Très vite, elle s'investit. Nous caressons le rêve d'un collectif pluridisciplinaire. Les autres nous suivent. L'association Neweden voit le jour. En 1998 nous rencontrons le photographe Fred Grégeois, qui devient rapidement le quatrième pilier du projet. Ensuite, tout va très vite : fin 1998, nous organisons une première soirée et lançons un second fanzine, en parallèle du premier. De 1999 à 2000, les événements Neweden s’enchaînent : concerts, mix, performances, expositions, pièce de théâtre…

Le petit collectif méconnu commence à se faire remarquer. Il ne se passe pas un mois sans que de nouveaux jeunes créateurs ne se joignent à nous. Nous investissons peu à peu des lieux plus grands, plus hype. Nous invitons des artistes plus mûrs à participer ponctuellement. Le public suit : début 2000, chacune de nos soirées draine près de trois-cent personnes. Les médias locaux commencent à s'intéresser à nous. C'est là que nous décidons de nous lancer dans une entreprise complètement délirante : la Neweden Week. L'idée est simple : un festival pluridisciplinaire d'une semaine, dans cinq lieux différents. Expositions, performances, danse, théâtre, courts métrages, concerts, mix : tout y passe. Le but n'est rien moins que d'offrir un panorama aussi complet que possible de la jeune création lyonnaise. Entre nous et nos invités, ce sont plus de cent artistes programmés ! Un millier de spectateurs est attendu. Coût de l'opération : vingt-deux-mille francs (c'est colossal pour nos petites épaules). Nous fonçons. C'est une entreprise impossible, compte-tenu de nos moyens, de notre inexpérience, du délai de préparation. C'est impossible mais nous y parvenons : le festival a lieu en juin, se déroule plutôt bien, les mille spectateurs se déplacent.

Ces deux années d'expansion, jusqu'à l'apogée du festival, nous plongent dans un tourbillon. C'est beaucoup de travail. C'est aussi et surtout une aventure humaine : engueulades, déchirements, amitiés, histoires d'amour. Tout ceci prend, pour nombre d'entre nous, des allures de conte initiatique. Nous devenons adultes à travers Neweden. C'est ce que je me suis dit, à l'aube de la Neweden Week : « C'est le plus grand défi de ma vie jusqu'ici. Si je craque en route, tout est foutu. Mais si j'y arrive, je serai devenu un adulte ». Il faut comprendre que ce festival est un véritable cauchemar logistique et que je suis en haut de la pyramide organisationnelle. De mars à juin 2000, je vis Neweden Week. Pour moi (et pour plusieurs autres), c'est un marathon permanent. Je suis en première ligne en termes d'organisation mais aussi en tant que porte-parole de l'association. Je deviens une sorte de personnage public alors même que Neweden est l'objet d'un buzz grandissant. Le petit monde de la culture lyonnaise a les yeux braqués sur ces petits jeunes qui en veulent, sur ce collectif qui monte qui monte… et donc sur moi ! Au début, c'est très excitant. Très vite, la pression augmente, je commence à trouver ça éprouvant. Mais je tiens bon. Nous tenons tous bon jusqu'à la fin du festival. Nous avons une montagne à déplacer, alors nous la déplaçons.

Je sonde le sens de tout cela. Pourquoi je suis allé chercher tous ces gens ? Pourquoi les ai-je embarqués dans cette histoire ? La première réponse est évidente : parce qu'ils en avaient autant envie que moi. Nous étions jeunes, plein d'idéaux. Nous ressentions le besoin d'appartenir à quelque chose, un mouvement ou un collectif. On se sent moins vulnérable en meute. Mais d'ici à taper si fort, si vite, à prendre de tels risques au lieu de se consolider ? C'est simple : c'était enivrant. On a tenté un truc, ça a marché. On en a tenté un autre, ça a marché. On a commencé entre nous, ça a marché. On a invité des artistes « confirmés », ça a marché. On a commencé dans des cafés-concerts obscurs, ça a marché. On a courtisé des lieux plus branchés, ça a marché. Alors tant que ça marche, on fonce ! Et tant qu'on fonce, ça marche ! Et parce que ça marche, ça attire d'autres gens, qui se joignent à vous. Et c'est juste ça qui s'est passé. C'est comme ça qu'on s'est retrouvés quarante, et qu'on a organisé le plus gros festival lyonnais indépendant de l'année 2000. On nous a accusés de beaucoup de choses, moi en particulier : d'être ambitieux, d'être opportunistes, d'être carriéristes. La vérité c'est que nous pensions être un peu de tout ça, mais que nous étions juste une bande de jeunes freaks idéalistes, qui avaient envie de faire des trucs signifiants et dingues ! Comme tant d'autres bandes de jeunes freaks idéalistes avant nous, ni plus ni moins !

Moi, mon job consistait essentiellement à regrouper, coordonner et focaliser des énergies : tout seul, je n'aurais abouti à rien. Mais comme je l'ai dit, j'étais le membre le plus visible de l'association. Ça m'a valu ma dose d'admirateurs et de détracteurs. Au début, les uns flattent et on ignore les autres. Puis les détracteurs commencent à s'acharner, à taper plus fort. Puis au bout du compte on se rend compte que tous ces gens, les admirateurs comme les détracteurs, ne savent rien. On réalise que l'idée qu'ils se font de nous est fondée sur des légendes urbaines, n'a pas grand-chose à voir avec notre réalité. Et c'est là qu'on commence à se poser des questions. Pourquoi je fais ça ? Où ça mène ? Qu'est-ce que je veux vraiment ? Est-ce le genre de « gloire » qui m'intéresse ? Et puis il y a un autre problème : la structure devient trop lourde à gérer. Il va falloir choisir : être artiste ou être administrateur, organisateur, entrepreneur de spectacles. Et on se souvient que l'idée au départ, c'était de promouvoir notre création artistique. La nôtre, pas celle du monde entier. Alors on se demande si l'on n'est pas un peu sorti du cadre, si l'emballage n'est pas en train de prendre le dessus sur le produit…

C'est à l'issue de la Neweden Week que ces questions se sont imposées à moi, à nous tous. Le festival avait été une réussite remarquable. Il y avait eu quelques couacs, il y avait quelques mécontents, mais tout s'était quand même plutôt bien déroulé. Nous avions certes perdu cinq-mille francs, mais j'avais de l'argent de côté et j'avais pris sur moi de régler ça. Je pensais que tout le monde se réjouirait : on avait de quoi être fiers, et pas qu'un peu ! La réunion-bilan, pourtant, fut un désastre. Les uns se plaignirent des autres, les autres des uns, les reproches fusèrent, cinq personnes quittèrent l'association… C'est ce jour-là précisément que j'ai compris que tous, ils s'étaient réunis autour de moi et pas entre eux. Il s'était créé de réelles amitiés, mais on était loin de la famille d'artistes. Un certain nombre de personnes n'avaient pas d'affinités, s'étaient juste retrouvées ensemble et vite tapées sur les nerfs. J'étais un peu écœuré. Nous avions accompli un exploit, merde ! Le public avait kiffé, les artistes invités également, on avait fait un buzz de ouf... Qu'est-ce qu'il leur fallait de plus ? Je sauvai les meubles avec quelques personnes de bonne volonté. C'était le temps des vacances. Nous avions l'été pour nous en remettre, réfléchir et si besoin redéfinir notre projet en septembre… Tout le monde se quitta sur cette pensée optimiste…

J'ai passé un été calme, sinon que j'ai travaillé à plein temps, ce fameux job de pseudo-agent de sécurité, pour renflouer mes caisses. Il y a juste eu une soirée littéraire à la Casa Okupada, qui fut pour moi l'occasion de composer, lire et exposer Rien ici…. Le mois d'août fut paisible. Quand je n'étais pas au taf, je lisais chez moi en écoutant du jazz et en buvant un peu de vin rouge. Smooth. Un mois de solitude, pour faire le point et attaquer la rentrée avec une pèche d'enfer. Mais pour quoi faire ? De quelle rentrée avais-je envie ? J'avais connu la satisfaction du travail bien fait, la joie de contribuer à la vie culturelle de ma communauté, j'avais ressenti la vanité et l'euphorie, les gens qui vous courtisent, les filles qui font les yeux doux, les ennemis qui s'arrachent les cheveux devant vos succès répétés... Et puis j'avais entrevu le revers de la médaille. Il y a des gens qui ont besoin de vivre ça pendant des années pour l'entrevoir. Moi j'étais en mouvement. Toujours. Une longueur d'avance. C'est cette propension au mouvement qui m'avait donné l'énergie d'initier une telle dynamique. Et c'est cette même propension au mouvement qui m'a poussé à la briser. Il faudra que je revienne là-dessus, plus tard au cours de ce récit. Dans cette aventure comme dans les autres, j'étais sans cesse en mouvement, incapable de m'arrêter. J'avais juste trouvé suffisamment de fous pour m'accompagner dans ma course folle. Ce mouvement perpétuel, c'est encore mon meilleur atout… Alors même ici je continue de me mouvoir, de déménager chaque jour ou presque, d'un coin de désert à un autre… Retour à l'expérience indienne…

Les deux derniers jours, mon pain de mie a ranci au soleil. Du coup, je renonce à m'alimenter, quoi que la faim me contraigne à en absorber un minimum en dépit du goût de moisi. Les mouches, quant à elles, me tapent sur le système : elles sont partout à me tourner autour, à se poser sur moi sans arrêt. Il y a aussi ces espèces de petites boules végétales pleines de piquants, qui s'accrochent aux vêtements et me lacèrent la peau. Je commence à me lasser un peu de tout cet inconfort mais, en même temps, j’apprécie le retour à la nature et la solitude. Lorsque j'arrive à court d'eau, le cinquième jour, je rempile pour une longue marche au soleil…

De retour à Pushkar, je recroise le jeune brahmane qui m'a arnaqué le premier jour. Il s'est à présent mis en tête de me faire visiter un temple. Lorsque je lui explique que je n'ai que trois roupies sur moi, il me toise d'un air méprisant : « Three rupees are nothing for me ». Alors va donc au diable ! Libéré de ce parasite, j’écris Elle est même dans mon funk au bord du lac. La fille aux yeux de miel, bien sûr… Faisant le bilan de ces dix derniers jours, je réalise combien je suis empli de colère et d’exaspération. Loin de tout, dans le silence du Thar, j’ai pu entendre le bruit assourdissant qu’il y avait dans ma tête. Je m’interroge sur les moyens de trouver, enfin, la paix… Une piste peut-être : hormis le fait que je continue d'écrire, ce sont mes premières vraies vacances en un an et demi. Rien depuis août 99, pas une seule pause, ne fut-ce qu'une semaine ! Ça s'est enchaîné : les cours, Neweden, l'écriture, les jobs alimentaires, la Casa Okupada, les performances… Sans parler de ma vie privée… Et ce n'est qu'en prenant du recul que je réalise combien j'étais fatigué. Ce voyage a une saveur de vacances et je kiffe ! Par contre je note que, pour le moment, je n’ai pas eu la « révélation indienne » dont on m’a tant parlé. Je rencontre une Suisse prénommée Asha. Elle aussi a vécu la vie mondaine, les sorties incessantes, la Sainte Fête Permanente. Mais contrairement à moi, elle ne s'est pas investie émotionnellement : « Je veux connaître beaucoup de choses mais je ne veux pas être ces choses ». Et c'est sur cette sage pensée que, le lendemain matin, je quitte Pushkar…


Prochaine expérience : The Jaisalmer Experience (Pt. 1).
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