19 juillet 2004

Fahrenheit 9/11

J’ai beaucoup entendu critiquer ce film dans mon entourage comme dans les médias : on reproche clairement à Michael Moore son manque d’objectivité, sa manipulation constante des images, reproche qui me semble hors de propos si l’on considère le contexte tant de Fahreinheit 9/11 en particulier que du documentaire en général.
Le documentaire accède en effet de plus en plus souvent aux salles de cinéma, et ce phénomène n’est pas, à mon sens, sans lien avec le fait qu’une certaine génération de « documentaristes » se considèrent davantage comme des cinéastes au sens classique du terme que comme de simples témoins de la réalité.

Cette évidence m’est d’abord apparu par le biais de
Chloé Scialom et Nicolas Lebras, deux amis dont le film Qui ça ? Personne a été diffusé lors du festival Garden Freaks. Le programmer fut avant tout pour moi l’occasion de le découvrir : j’ai parlé deux années durant de ce « documentaire » sur la Bosnie avec ses créateurs, sans l’avoir vu. Et si j’ai décidé pourtant de l’inscrire dans un festival dédié à la création artistique, c’est précisément parce que la démarche de ses auteurs (démarche que je me garderai bien de formuler à leur place) était définitivement d’ordre artistique : non pas restituer une certaine réalité, mais une expérience personnelle et subjective de celle-ci. Dès-lors, on sort de la sphère du documentaire, où alors Las Vegas Parano (le livre) est un documentaire (oui, je sais, le journalisme gonzo et tout ça, mais enfin c'est quand même, au bout du compte, de littérature qu'il s'agit).

Il suffit également de jeter un coup d’œil au sublime « documentaire » de
Rithy Panh, Les gens d’Angkor (diffusé sur Arte cet hiver) : il est vrai que je l’ai découvert dans un état un peu particulier, puisqu’au lendemain d’une nuit blanche, mais enfin bon… toujours est-il que j’en suis sorti bouleversé, la larme à l’œil, et avec le sentiment d’avoir vu un grand moment d’ART, pour ne pas dire un grand chef d’œuvre du cinéma.

Ceci étant, à présent que nous sommes sorti d'une vision « documentaire animalier » de
Fahreinheit 9/11, ajoutons que qui a vu plusieurs films de Moore ne peut douter du fait qu'il a constamment un discours idéologique, donc un point de vue, donc une vision, et nul désir d'être objectif. Qui songerait à reprocher au Manifeste du Parti Communisme ou à Mein kampf de manquer d'objectivité ?! Disons-le donc clairement : oui, Fahreinheit 9/11 est une suite d’images manipulées, remontées et enchaînées de manière à influer sur l'opinion du spectateur. Non, Fahreinheit 9/11 n’est pas au dessus de tous soupçons quant à la véracité absolue des informations qu’il nous donne, en ce sens qu’elles nous sont livrées dans un certain contexte et pas dans un autre. Non, Moore ne nous parle pas de la reproduction des abeilles ni même de la Seconde Guerre Mondiale : il nous parle du présent et, j’y reviendrai, son but est d’avoir une action sur ce présent. On est donc loin du documentaire, au sens où nous l’entendons généralement. On est dans le domaine du manifeste, du pamphlet, et c’est tout à fait autre chose (et peut-être aussi dans le domaine de l’art, mais c’est un autre débat).

Ce qui frappe dans ce film, c’est la manière dont Moore nous prend à l’affect : il nous fait rire avec ses bonnes blagues sur Bush et ses gros débiles de sbires, il nous fait pleurer en insistant lourdement (il le dit lui même, c’est épuisant) sur le visage de cette mère brisée par le décès de son fils G.I.… Là encore j’entends dire que c’est « facile », plus facile en tout cas que ne le serait une pure démonstration factuelle. En gros, on a l’impression que Moore cède à la facilité de l’émotion pour cacher le manque de solidité de son discours.

Raté.

Si vous avez vu le film, vous avez vu comment il démonte la machine de propagande Bushiste (ça se dit, « Bushiste » ?), comment il s’attaque à la façon dont le gouvernement américain a « spectacularisé » la peur de l’attentat, la peur des ennemis de l’Amérique ; et comment, en même temps, il a glorifié le patriotisme bas de gamme et la fierté d’appartenir à une nation qui se veut le garant mondial de la démocratie. La peur, le patriotisme : si ce n’est pas prendre les gens par l’affect, alors qu’on m’explique ce que c’est. Car ce que l’on a peut-être trop tendance à oublier, dans notre eurocentrisme anti-américain, c’est que
Fahreinheit 9/11 est un film fait par un américain pour les américains. Moore se tape de convaincre une opinion mondiale déjà hostile aux Républicains, et qui de toute façon n’aura pas l’occasion de voter pour ou contre eux cet automne ! Ce qui préoccupe Moore, c’est de convaincre ses concitoyens qu’ils se sont fait rouler dans la farine, c’est de les faire voter Kerry. Or les américains, on l’a vu, si on veut les toucher il faut les attraper par les tripes, les faire rire et chialer, les faire rêver et les terroriser. Ça, Moore l’a très bien compris, et il a aussi compris que Bush et les siens sont très bons à ce jeu-là. Très, très bons. Alors, une fois n’est pas coutume, il faut combattre le feu par le feu, et c’est précisément ce que fait Fahreinheit 9/11. Résultat des courses : on obtient le « documentaire » qui, loin devant les autres, obtient les meilleures entrées jamais réalisées aux States pour un film de cette catégorie. Le premier objectif est atteint : le message a été entendu. Sera-t-il pour autant écouté ? Réponse dans quelques mois.

J’en terminerai en répondant à une dernière critique, à savoir que ce film ne nous apprend rien que nous ne savions déjà, et de fait est parfaitement inutile. Il est vrai que quiconque suit un chouïa l’actualité internationale était déjà parfaitement au courant que le seul but de cette guerre/colonisation était économique et plus spécialement « pétrolier », que l’Irak ne représentait de danger pour personne et n’avait rien à voir avec Al Quaida. C’est vrai : pour nous, et sans doute pour nombre d’Américains (ils ne sont quand même pas tous complètement idiots), ce film ne révèle rien d’extraordinaire. Pourtant, si vous êtes attentifs, vous remarquerez que, faute de preuves et prudence oblige, les journalistes les plus crédibles persistent à se demander si oui ou non, Bush et Blair ont menti sur le danger Irakien.

Alors je vous le demande : si moi, pauvre artiste lyonnais qui suit vaguement l’actualité, je savais déjà en mars 2003 que l’Irak ne disposait d’aucune arme de destruction massive… Si moi je le savais, comment voulez-vous que le président des États-Unis et le premier ministre anglais, avec leurs services secrets pour les tenir au courant, l’aient ignoré ? Et pourtant, partout, les spécialistes s'interrogent : « Bush et Blair ont-ils menti ? ».

Inutile,
Fahreinheit 9/11 ?

16 juillet 2004

Vendredi soir... espoir ?

Hier, alors que le duel Sarko/Chirac bat son plein, France 2 diffuse un documentaire sur la prise d'otage d'une école par « Human Bomb » il y a une dizaine d'années... montrant Sarko en pleine action, prenant la situation en main et jouant le rôle du sauveur : j'ai zappé en me demandant : si France 2 est un organe du pouvoir, de quel pouvoir ?

Pendant ce temps, on nous annonce que les nouvelles lois anti-échanges de fichiers sur internet prévoient, outre des amendes démesurées, la possibilité de se voir « interdit d'accès à internet ». Après le permis à points, on peut donc imaginer bientôt la connexion internet à points ! Téléchargement de fichiers mp3 : trois points en moins, consultation de sites pornos : deux points en moins, propos immoraux sur un forum : deux points en moins, échange de mails contestataires : un point en moins par mail, etc… À terme on peut donc supposer l’octroi d’un abonnement téléphonique à points, d’une redevance télé à points (vous n’avez regardé que cinq émissions de divertissement contre trente-quatre documentaires et vingt-huit émissions littéraires : quatre points en moins !), et pourquoi pas une autorisation de lire à points, avec des pertes de points si vous prêtez un livre (après tout, vous nuisez à l’industrie de l’édition en échangeant ou prêtant des livres !).

Accablant…

L'autre jour, un vieux paysan palestinien israélien raconte avec le sourire : « un matin, en 1948, des types arrivent et commencent à poser des plots ; et à peindre une ligne blanche entre ma ferme et mon champ, m'expliquant que c'est la nouvelle frontière israëlo-palestinienne. Je leur dit « Hé, vous pouvez pas faire ça, mettez-moi du coté que vous voulez mais vous pouvez pas séparer la ferme et le champ comme ça ! », et le chef me répond « Hé, c'est pas possible, on peut pas changer la carte, c'est comme ça ! ». Alors j'ai attendu qu’ils aient le dos tourné et j'ai commencé par déplacer les plots, en mettant la ferme et le champs du coté d’Israël. Ensuite j'ai effacé la ligne et je l’ai repeinte de l’autre coté. Voilà comment j'ai agrandi le pays de quelques hectares ! ».

L’autre jour (bis), je tombe sur un docu sur Tchernobyl, qui me rappelle ce site que j'ai découvert il y a quinze jours.
La ville fantôme, toutes ces fermes abandonnées, me rappellent qu’il existe une autre réalité, étrange et sombre, où les morts reproduisent sans cesse des mouvements répétitifs et absurdes. Tchernobyl est l’un des rares endroits de notre monde qui appartienne aussi à l’autre, et je rêve d’aller un jour errer de nuit dans la ville fantôme, rêve brisé d’avance par la nécessité d’un permis spécial pour s’y rendre. Dans le cadre d’un projet de BD avec le dessinateur 2080, encore au stade de sa recherche primaire (mais 2080 me presse), je cherche à tisser des liens entre les photographies de Cindy Sherman et les vidéos de snuff qui traînent sur internet. Les deux me paraissent figées dans cet autre monde, et l’on se demande même si elles sont effectivement liées de quelque façon à notre réalité. Le fait que les vidéos de meurtres, de décapitations et autres amputations que l’on trouve sur les p2p soient généralement de très mauvaise qualité accentuent en fait leur aspect horrible. La pixelisation à outrance des images les rend plus sombres, leur donne l’aspect d’appartenir à la vidéothèque d’un dément qui aurait vécu dans une cave au début des années 80 (ô époque bénie des VHS pourries, qui donnaient encore plus de goût aux films gores de mon enfance). Le son déformé des cris d’agonie rend ceux-ci plus proche d’un râle inhumain sorti d’outre tombe, un peu comme ces faux cris de l’au-delà dont on nous abreuvait dans l’émission Mystère il y a dix ans. Je suis certain que les mêmes films, avec une image et un son lisses, perdraient de leur aspect épouvantable en dépit d’une vision plus précise des détails. Il y a une autre réalité. et pourtant tout ceci est réel, quoi que transformé en apparitions numériques. Que se passerait-il si tout le monde se mettait à regarder ces vidéos ? Que se passerait-il si tout le monde visitait Tchernobyl ? Est-ce que tout le monde se réveillerait d’une longue indifférence, ou au contraire est-ce que tout le monde en redemanderait ?

J’imagine déjà une situation de cette BD avec 2080, où le personnage principal (enquêtant sur une série de suicides où les victimes ont reconstitué avec minutie des clichés de Sherman avec leur propre corps) a un nouveau voisin. C’est un type bizarre, vraiment bizarre, qui passe son temps à voir les morts, et du coup à regarder en boucle des snuffs pour oublier les morts qui traversent son appartement, pour se convaincre que la mort n’est qu’une fiction numérique, qu’il est fou. Les WC du « héros » sont accolés à l’appartement du type, de sorte qu’à chaque fois qu’il va aux chiottes, il entend des hurlements d’agonie et des coups de feu. La scène, répétée deux ou trois fois, serait je pense très efficace dans un film, mélangeant effet comique et effroi. Je me demande ce qu’elle donnera en BD.

Il existe un autre monde…

Mais le notre contient ses zones d’ombre, aussi.

12 juillet 2004

Nuits blanches















attendre
que la boite aux lettres sonne
me rappelle à l’ordre
« vous devez 700 € à l’ordre des créanciers validés par l’état de droit(e) »
les berceuses électroniques
me contiennent & me supportent
en ces temps complexes
refus d’obtempérer
de ma conscience
« dors ! dis-je »
« jamais ! jamais ! »
les nuits sont blanches parce que le ciel s’illumine toujours avant que mes yeux ne se ferment
totalement
les nuits sont blanches & les conversations d’ivrognes
m’accablent
m’ensablent
je suis un prophète lorsque je dépasse mon propre taux d’alcoolémie
je prêche des sourds
tout cela finit dans des lieux moites & bruyants
« n’êtes-vous pas dégoutté ? »
« non, c'est mon métier »
tu parles d’un métier !
« sweet dreams are made of this… »
qu'ils sont étranges les rêves humains
donnez-moi juste un peu de temps
pour trouver mes mots
ma propre berceuse électronique vous emmènera loin de tout ça
au centre des choses
loin de cet obscène samsara
je prie, surtout, pour que nul ne m’entende prier
je veux être un artiste anonyme
dans cette société de stars
continuer de rêver de voyages en iran
il m’apparaît clairement
que là-bas
m’attend
j’ignore comment
j’y retourne d’un songe à l’autre
bienvenu
malvenu
était mon réveil ce jour…

10 juillet 2004

Bon, voilà, tout commence ici

Pourquoi je fais ça, moi ?

Exhibitionnisme ? Bah, surement un peu, c'est mon métier, après tout... Mais surtout un pis-aller en attendant un www.shaomi.com...

Il est 4 heures 24 du matin, ELLE dort et les chats m'accompagnent dans une nouvelle nuit semi-blanche que je compte bien noircir dans quelques minutes.

Un petit tuyau : allez voir www.namlive.com
.

Outre le fait que leur electrofunk sombre (et malheureusement non audible sur le site) est délicieusement pervers, leur philosophie brut de pomme de l'art dans ta face me rappelle doucement à mes propres fantasmes postadolescents d'art dénué d'intermédiaires (marre d'avoir à créer des collectifs d'artistes, monter des revues et organiser des festivals pour ne pas avoir à quémander le bon vouloir des éditeurs et des lieux culturels...).

C'est peut-être pour ça, juste pour ça, que je me lance dans cette histoire de blog... pour aller directement de mon cerveau aux vôtres, chers anonymes du web, spectateurs actifs et passifs...

(mon Dieu va falloir que je fasse gaffe aux fautes d'orthographe, je suis perdu, moi, sans le correcteur de Word - ah ben non y'en a un sur le site mais est-ce qu'il capte le français au moins ?)

Bon, allez, ça ira pour ce soir...

Il fallait bien commencer quelque part.
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