30 septembre 2014

Le sexe et l'effroi

« Une pièce de Térence qui date de -165 met en scène Philumena qui a été violée une nuit en se rendant aux mystères dans l'obscurité. Elle épouse Pamphilus sans faire état de ce viol mais son nouvel époux ne la touche pas parce qu'il aime à la passion Bacchis la prostituée. Pamphilus part en voyage. Philumena découvre qu'elle est enceinte du violeur alors que son mari l'a laissée intacte. Elle attend dans la terreur le retour de son mari. Finalement Pamphilus découvre que c'est lui-même qui l'avait violée, sans savoir qui elle était. Tout le monde pleure de joie : le violeur est le mari. Ce happy end est au sens romain ''chaste''. »

Pascal Quignard, Le sexe et l'effroi.

24 septembre 2014

Requiem pour une solitude

Avant, j'étais tout seul chez moi. Je passais des nuits entières à me noyer dans les délices de l'auto-contemplation. À présent, j'ai des petits fantômes domestiques et autres amis imaginaires. Ils ne sont pas vraiment là mais c'est tout comme si... Ils bavardent sans arrêt, et je leur réponds, et ils me répondent, et je leur réponds, et tout cela est tellement, tellement fatiguant !

Avant, il n'y avait personne pour interrompre la nuit. Juste cette cochonnerie de téléphone. Je le regardais sonner, sachant pertinemment que l'insolant qui avait l'audace de me déranger se découragerait avant moi. Et puis de toute façon, passée une certaine heure plus personne n'appelait. C'était bien.

Mais tout ça, c'est fini. Maintenant, je suis obligé de m'occuper de mes invités indésirables en permanence. Ils grignotent mes miettes. Des fois, c'est vrai, ils me divertissent. Souvent, ils m'agacent. Parfois même, ils ont l'audace de me snober, sous mon propre toit. Des fois, je voudrais bien aller dormir et puis je me laisse prendre au jeu d'une conversation délibérément absurde. Des fois je suis tranquille, bien posé, et puis d'un coup voilà qu'un de mes amis imaginaires m'impose sa triste vision du monde ou sa colère, me colle un petit coup de stress pour la route. Pas terrible quand déjà, à la base, on est un agneau insomniaque.

Ce qu'il y a de bien pourtant avec la solitude, c'est que c'est un moment où l'on peut vraiment être à soi. Ce n'est pourtant pas que je me donne trop de mal à faire des faux-semblants avec les autres mais quoi qu'on en dise, il y a une part de représentation dans l'interaction. Dès qu'il y a l'autre il y a, c'est implacable, une part de nous qui sait que cet autre, là en face, il va forcément peser nos paroles et nos actes, au kilo, avec la délicatesse d'un garçon-boucher. On aura beau dire et beau faire, cette prise en compte de l'autre est ancrée bien trop profondément dans notre ADN d'animal social. Elle a forcément une incidence, fut-elle subtile. On est génétiquement programmés au métier d'acteur, je crois.

Dans la solitude, personne ne vient vous contaminer la pensée avec ses exigences, ses opinions creuses, ses mots lourds de sens interdits... Ils sont trop envahissants, mes amis imaginaires. J'ai déjà assez de mes pensées à moi, de mes diversions, de mes souvenirs. Déjà, à moi tout seul, je suis tout une foule. J'ai déjà assez, aussi, des gens que je croise au dehors. Il faut les digérer. Alors quand je rentre chez moi, je n'ai pas forcément envie de recevoir mais je n'ai pas le choix : ma piaule est en mode open bar depuis sept ans. Les bouquins, les films, la musique, même la tarévision, ce sont également des distractions mais c'est différent. Ça nourrit davantage que ça ne pollue. Je ne réponds jamais à un bouquin lorsqu'il me contredit.

Et puis je me rends compte qu'au fil des ans j'ai oublié, j'ai oublié ce que c'est que la solitude. J'ai oublié ce que c'est que de passer une soirée entière vraiment, complètement avec moi-même. J'ai oublié ce que c'est que de ne pas être grossièrement interrompu dans le fil de mes pensées. J'ai oublié ce que c'est que d'oublier les autres. Je voudrais bien me souvenir. Je voudrais bien savoir comment ça serait, la vie, sans tout ça, sans cet incessant vacarme humain. Je voudrais bien retrouver mes miettes. Je crois que tous ces amis imaginaires, ils sont en train de me changer. Je crois que ça pèse lourd sur ma tronche. Je crois que ça m'éloigne de l'idée que, jadis, je me faisais de la sérénité. Je crois qu'il est temps que je fasse quelque chose. Temps de ne plus trop me connecter à Facebook, Twitter et compagnie parce que les gars, je suis navré de vous le dire : je vous aime bien mais vous me sucez la cervelle !

23 septembre 2014

... (53)

picore des épices & prends la clé
ouvre grand les narines &
crache tes couleurs
on le savait bien, vieux, que tu sniffais
du verre pilé


22 septembre 2014

... (52)

j'éternue grotesque lorsque les mandibules
de tes navrances essaient
de me coller un slip sur le crâne
si tu veux bien, barbie barbue, je garderai
mes jupes



6 septembre 2014

Médiocre météo
















temporiser
en attendant que des plats réchauffés
se déversent dans nos trous

se suspendre aux haruspices
en cas que leurs prévisions soient bonnes
astiquer les parapluies

sans se disperser trop
sans décortiquer les croquis
juste attester l'empreinte
des flagorneries
sur la durée

(l'hystérie s'immisce indiscrète
dans nos évaluations)

« Je n'avais aucune idée des raisons de ma présence, je m'étais simplement dépêtré d'un mauvais rêve »

recyclant des excuses antédiluviennes
nous nous précipitons en rangs serrés vers le
débordement               (mais ce n'est pas grave du tout)

boucle          de boucle          de boucle           de boucle
les écorchures gravées sur les murs (like)
la laideur des façades               anticipée
pour mieux
craqueler l'autre

pour mieux chercher
à classifier les inventaires au nom d'antagonismes
encadrés
de paroles bien apprises & dépourvues
d'hygiène

« tiens ! & si on allait plutôt faire du shopping ? »

l'abus d'excuses est favorable à l'exagération
à terre la logique !
exaltées nos étroitesses vacancières
camping apprivoisé
la toile inflammable insensible
aux bistouris
des éventreurs du port

mais lorsque l'on se donne la peine d'écouter
un air de bossa nova trépidant trépane & transforme les os du crâne en pots de fleurs
sans élucubrations il faut danser
s'informer des petites guerres &
frétiller en retour

c'est juste pour le style
mais ça n'intéresse pas grand monde

« hourra ! », s'écriera-t-on plutôt avant de s'enfoncer dans les cahiers comptables & de dessiner
les enfants morts
instantanés répétitifs
indignations jetables

« tiens », dit la serveuse au superviseur
« voici donc les premières traces de moisissure »
« tiens », dit la serveuse au superviseur
« voici donc le feu-semblant
que nous avons
tant cherché ! »

« ne vous y trompez pas
il tremblera demain
prévoyez de prendre vos paraséismes »
sans doute, un conseil avisé en vaut deux

médiocre météo

5 septembre 2014

L'assiette du pauvre et ta mère

Alors aujourd'hui je lisais sur Facebook (oui, toujours cette putasserie de réseau social moraliste) que autrefois les parents de mes @mis laissaient une assiette vide sur la table et que quand ils demandaient à leur papa et leur maman c'était quoi cette assiette, on leur répondait fièrement que c'était au cas où un pauvre viendrait taper à la porte.

Ce que mes @mis oubliaient de préciser je pense, c'est que les pauvres ne venaient jamais taper à la porte ou que, quand ils avaient l'outrecuidance de le faire, ils se faisaient refouler à coups de balais au cul.

Le problème de « l’assiette du pauvre » est peut-être justement que cette assiette est toujours restée vide sur la table, pendant que les pauvres crevaient de faim dehors et que les parents lower middle class hypocrites faisaient la morale aux enfants qui demandaient pourquoi il y avait une assiette vide sur la table.

Un symbole ? Oui. Mais un symbole inconséquent. La solidarité entre pauvres, j'y crois pas : l'idée même selon laquelle les pauvres sont moins égoïstes que les riches est un putain de mythe. Il n'y a pas plus égoïste qu'un pauvre.

J'en ai rencontré plein des pauvres dans ma vie. Je parle pas des pauvres en Asie ni des pauvres français de 1940, parce que eux ils vivent/vivaient tellement sur une autre putain de planète que j'ai pas de jugement à porter sur eux. Mais les « pauvres » français de 2014 (vous savez, les pauvres avec un écran plat et une Playstation), je les ai bien rencontrés. Assez pour dire que je n'ai vu nulle part davantage d’égoïsme, de rancœur et de mesquinerie que chez eux. Le Très Pauvre il peut bien crever éventré devant le pavillon du Pauvre que le Pauvre ne fera pas un geste pour l'aider. Et quant au Moins Pauvre (je parle même pas du Riche), il n'a qu'à bien se tenir, car le Pauvre va l'enculer à sec à la première occasion.

Honnêtement je ne les blâme même pas pour ça, les pauvres : quand les ressources sont limitées il est bien normal d'être égoïste. Ce qui me casse profondément les couilles c'est ce mythe selon lequel « les pauvres sont généreux et gentils et les riches sont égoïstes et méchants ». Cette glorification du pauvre, c'est une honte, alors si c'est comme ça ben je fais aussi des raccourcis et on va dire que les pauvres sont tous des crevards et les riches des princesses et puis voilà ^^

La glorification du pauvre est une hypocrisie de salons.

#RealismVsRomanticism
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