22 novembre 2006

Marseille, donc...

Marseille ! Après onze ans de vie lyonnaise, me voici Marseillais pour une durée indéterminée, d’au moins quelques années en tout cas. Dépaysement ou déracinement ? Un peu des deux sans doute. Ce déménagement me fait en tout cas prendre la mesure - indépendamment de ma joie d’être dans l’ailleurs - de mon attachement à Lyon ! L’autre jour je me suis demandé si je devais corriger la mention « auteur lyonnais » dans la bio de mon ancien blog et le négatif m’est apparu comme évident. Je vis à Marseille mais je vis Marseille comme une étape, un transit, une « house » mais pas un « home ». Lyon est la ville où je me suis formé, humainement comme artistiquement. Toute ma vie d’adulte s’y est déroulée, Lyon m’a nourri, énormément apporté : l'homme et l'artiste seraient radicalement différents si ces onze ans s'étaient déroulés ailleurs ! J’ai parfois détesté cette ville à force d’y errer, mais quelle histoire d'amour n'a pas ses moments difficiles ? Lyon et sa Croix-Rousse resteront donc mon « home » pendant longtemps, en tout cas mes racines et une partie de mon identité. Pourtant, si je n'ai pas fini d'y retourner en week-ends, je sais que je n’y revivrai pas, jamais, parce que ce serait revenir en arrière. Hors, où que me mène ce départ sur Marseille, ce ne peut être que vers l’avant (et encore plus de soleil !). Cela fait d’ailleurs partie de l’aspect un peu vertigineux de ce départ à Marseille : l’après Marseille est un ailleurs inconnu, il n’y a pas de rassurant retour en arrière possible. J’ai fait le « grand saut ». Mais si je dois rattacher mon nom et ma fonction à une ville, ce sera encore longtemps à Lyon. Donc : Shaomi, auteur lyonnais vivant à Marseille.

Une des principales raisons qui m’ont poussé à partir (hormis une certaine jolie brune), était de me retrouver seul face à mon travail d’auteur. 
À Lyon, je cohabitais avec de très nombreux amis et par extension de très nombreux projets collectifs. Entre les Combustions Spontanées, Bébé Coma, Mercure Liquide et autres, les « distractions » étaient nombreuses. Non que je plaque tout en bloc, je reste solidaire et acteur (même lointain) des dits projets mais au quotidien, c’est désormais devant mon ordinateur que ça se passe. Je n’ai plus grand chose d’autre à faire de mon temps - hormis, certes, aller nager - que d’écrire et démarcher les éditeurs. Me voici donc face à moi-même (et paradoxalement face à l’autre puisque je n’habite plus seul) et pour le moment, depuis début septembre, c’est plutôt efficace : je travaille enfin tous les jours mon écriture et les pages s’accumulent heureusement. Mais nous y reviendrons dans les jours qui viennent (promis)...

Je voulais aussi dire quelques mots de mes coups de cœur de l’été. Je me suis bouffé un gros paquet de romans ces derniers mois et j’ai notamment (enfin !) découvert Kafka. J’ai lu Le Château, précisément, et je suis tombé des nues. Je m’attendais à quelque chose de très bon, mais pas à cette folie géniale qui confine à l’hystérie littéraire. Kafka aurait écrit que « Le Château n’existe que pour être écrit, pas pour être lu ». Comment pourtant jeter la pierre à Max Brod, héritier des manuscrits de Kafka, pour les avoir publiés contre la volonté du défunt ? Il eut été criminel de priver l’humanité d’un tel auteur ! Mais ce qui est extraordinaire c’est que Le Château est un chef d’œuvre justement parce qu’il n’a pas été écrit pour être lu ! Bien que Kafka ait fait de nombreuses corrections sur le manuscrit de ce récit inachevé, le roman laisse l’impression d’un premier jet déstructuré, brouillon, sauvage dans sa construction, presque insolent tant le lecteur n’est pas pris en compte ! Et tout est là ! Le génie de Kafka réside justement dans les apartés inattendus, les digressions interminables, les commentaires superflus (voire incompréhensibles), les détails absurdes et les conversations surréalistes qui sont partout présents dans ce livre ! Le Château fait état d’une réalité aussi mouvante que l’est le style de Kafka, qui évolue au fil du récit. La sensation de flottement qui en découle nous rend solidaire du géomètre K. dans sa détresse. Car le lecteur est malmené en même temps que le personnage ! Peut-être même davantage car, alors que le géomètre K. semble partager l’absurdité comportementale des autres personnages, le lecteur est pris au dépourvu à chaque instant. Et je vous parle de mon point de vue de lecteur de 2006, qui en a vu d’autres, qui connaît Ionesco, Beckett et David Lynch. Je n’ose imaginer la stupéfaction du lecteur de 1926 ! Bref, Le Château m’a bien scotché et si vous ne devez lire qu'un classique cette année, que ce soit celui-là !

En cadeau de bienvenue et pour finir, un petit coup de cœur musical et vidéo.
ADULT. est un groupe que j’aime bien, mais les lecteurs habitués de ce blog le savent : je suis gourmand d’electroclash.

Voilà, ce sera tout pour aujourd’hui mais à très bientôt puisque ce blog est réactivé !!!
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...