Voici quelques bribes de mon second voyage en Inde, d’infimes fragments somme toute, mais c’est ce qui est ressorti avec deux semaines de recul. Le reste, il faudra que vous y alliez vous-même pour le découvrir…
« Dites, qu’est-ce qu’il y a à gagner dans le voyage ?
Cette distance qui fait que le regard s’aiguise et qu’on voit clair, cette distance qui fait que les liens se tendent et qu’on aime dur, cette clarté qui a pour nom détachement. »
Lanza Del Vasto, Le Pèlerinage aux Sources.
07 novembre 2007 : Mumbai (Bombay)
Premier constat, et je n’en reviens pas : sept ans après
mon premier voyage, l’Inde m’est aussi familière que si je l’avais quittée la semaine précédente ! Je m’attendais à une seconde première fois et je me retrouve presque comme chez moi. Le plus marquant, c’est cette odeur si particulière de l’air, que je retrouverais partout durant ces deux mois. Une odeur épicée, comme si la bouffe indienne, à force de millénaires, avait imprégnée la terre elle-même ! La seule chose qui – au premier abord - a changée, c'est cette omniprésence des téléphones portables, dont les sonneries viennent s’ajouter au capharnaüm ambiant. Car l’Inde est avant tout un royaume de bruit, pour ne pas dire de boucan.
08 novembre 2007 : Panjim (Goa)
Second constat : soixante-douze heures sans dormir, à enchaîner avions, taxis et bus, ça cartonne ! L’insomnie est une inévitable part de l’expérience et permet d’appréhender certains moments dans un état décalé, qui s’ajoute à celui – naturel - que provoque ma présence ici. Il m’arrive, de plus, la chose la plus ridicule : je dois me lever demain à huit heures pour prendre un bus, et je rêve de m’endormir dès à présent. Mais il est dix-neuf heures et mon réveil est un réveil à aiguilles : impossible de le régler pour huit heures avant vingt heures trente. Insomnie prolongée.
09 novembre 2007-17 novembre 2077 : Hampi (Karnataka)
Retour, enfin !, à Hampi qui reste pour moi le plus bel endroit du monde, si magnifique que je n’oserais pas essayer d’en capturer la beauté en images (les nombreuses photographies que j’ai vues y ont toutes échoué). Chaque jour, je m’en vais marcher dans la nature et de quelque côté que j’aille, j’ai un immense sourire sur les lèvres au bout de vingt minutes, qui ne me quitte plus.
Durant trois jours, je cherche vainement à voir les crocodiles qui habitent la rivière et, faute de les trouver, je donne des bananes à des mamans singes, leurs bébés accrochés autour du cou.
À ce stade, je me mélange peu avec les autres touristes, préférant consacrer mon temps aux Indiens. Un adolescent m’explique comment Hampi est devenu Hampi : cherchant un remède qu’il ne trouvait pas, le dieu-singe Hanuman finit par soulever et ramener à son roi toute la région. Une fois le remède trouvé, Hanuman, trop fatigué pour ramener un si gros morceau de terre, décida de jeter Hampi à travers les airs. L’atterrissage fut rude et la géographie du lieu s’en trouva bouleversée, devint cet incroyable empilement de rochers que l’on connaît aujourd’hui.
Je m’émerveille devant les femmes du Karnataka : même les plus pauvres des paysannes qui travaillent aux champs ont ici, dans leur sari, la grâce de princesses !
Comme à chaque voyage, les premiers jours toutes sortes de souvenirs douloureux m’assaillent. Ce phénomène est normal : lorsque l’on purifie son âme dans une eau sacrée, toutes les impuretés remontent à la surface, processus sain et nécessaire.
Le quotidien Deccan Herald titre « Bangalore prend froid ». Selon l’article : « Il est temps pour les Bangaloriens de se couvrir de laine. L’hiver s’est installé et la ville a connu un temps glacial ces derniers jours avec des températures variant entre 14 et 12 degrés celcius ». Je souris en lisant ces lignes : foutus veinards d’Indiens !
La veille de mon départ, je rencontre Naina, la plus belle fille du monde, une Indienne de Mumbai, très occidentalisée. Je voudrais rester, la séduire et l’épouser sur le champ, mais je sais que le temps est pour moi venu de quitter Hampi. Je grimpe sur la plus haute montagne pour contempler une dernière fois ces paysages de rêve. Ce n’est qu’un au revoir : je reviendrai à Hampi.
19 novembre 2007-24 novembre 2007 : Tiruvannamalai (Tamil Nadu)
Fin de mousson dans le Tamil Nadu. Tiruvannamalai est débordante de milliers de pèlerins à l’occasion d’un festival dédié à Shiva. Les Indiens pataugent allègrement dans la boue et je me fait « bénir » par l’éléphant du temple. Le festival se clôture par un feu d’artifice collectif et le ciel de Tiruvannamalai explose de mille feux dans un boucan infernal. La dévotion passionnée des Hindous est tangible pendant ces quelques minutes, une énergie de foi intense envahit l’air et me fait frissonner en même temps que je m’assure de ne pas être décapité par une fusée mal envoyée.
Loin de toute spiritualité, les publicités que l’on voit à la télévision vantent un univers ultra-matérialiste. La réussite et le confort sont mis en exergue d’une manière qui dépasse les pires fantasmes des publicitaires occidentaux. Il n’est question que d’hommes et de femmes comblés par les marques qu’ils portent sur le dos, les bijoux qu’ils s’offrent, les téléphones MP3 qui les font danser… « A diamond is forever. »
Un soir, mon ami Sivalingam m’emmène camper dans la nature. L’épuration intérieure continue et je m’interroge sur le passé et l’avenir. Atteint d’une diarrhée féroce et fiévreuse, je m’en vais derrière des buissons et peine à me laver ensuite, car j’ai trop peu d’eau pour boire et faire ma toilette. Je craque et pleure comme un enfant, caché dans mon buisson. Lorsque je reviens, Sivalingam perçoit ma détresse et me berce de paroles rassurantes sur Dieu, la vie et le recul que l’on peut avoir sur les choses. Je me laisse aller à l’écouter comme s’il était un prophète et m’endors serein.
Je constate que Lanza Del Vasto a perçu la même chose que moi : les Indiens ont un très curieux rapport au temps. Tout ce qui touche à l’heure et à la durée semble totalement hors de leurs préoccupations. Les questions telles que « depuis quand… », « combien de temps dure… » ou « dans combien de temps… » doivent être reformulées trois fois pour obtenir une réponse, et ce même lorsque l’anglais de mon interlocuteur est parfait. La ponctualité (que ce soit pour les gens ou les bus) est un concept inexistant en Inde. Je m’enquiers de cela auprès de Sivalingam qui m’explique que « les choses arrivent ». Si quelqu’un a rendez-vous et que quelqu’un passe chez lui de manière inattendue, ou que quelque chose – n’importe quoi -, se produit et le détourne de son rendez-vous, l’Indien se laissera détourner le temps nécessaire, puis se rendra avec le retard conséquent au rendez-vous. « Et si la personne, lasse d’attendre, est partie ? », je demande. « Les choses arrivent… » Cela procède d’une vision métaphysique de la vie tout à fait différente de la notre, la même qui explique la présence de vaches endormies au milieu des rues sans que personne ne songe à les déloger. Les Indiens ne cherchent pas à maîtriser leur environnement : il font avec.
Quelques extraits du Pélerinage aux Sources de Lanza Del Vasto, qui font écho à cela :
« Et je n’ai pas l’habitude de m’ingérer dans les évènements quand je remarque chez eux l’intention de suivre leur cours sans tenir compte de mes projets. Je laisse alors les évènements s’expliquer jusqu’au bout, afin de ne pas manquer ce qu’ils ont à m’apprendre. »
C’est comme ça qu’il faut voyager. C’est comme ça qu’il faudrait vivre. Et Lanza d’ajouter :
« Le sot est celui qui ne sait pas que les faits qui lui surviennent sont des signes et qui n’essaie pas de se lire. »
Autre constat commun entre Del Vasto et moi :
« Ceux qui veulent dormir montrent le plus grand respect pour le tintamarre de ceux qui veulent veiller. »
Cette dernière citation illustre l’une des choses que j’aime tant en Inde : le concept de tapage nocturne y est quasiment inexistant. Les Indiens ont un absolu respect pour le droit à chacun de faire le boucan qu’il veut, de jour comme de nuit. J’ai toujours pensé que celui qui est fatigué et qui veut dormir n’a qu’à fermer les yeux et se connecter à son silence intérieur pour trouver le sommeil. Le problème, avec nous autres Occidentaux, est que nous ignorons ce qu’est le silence intérieur. Aussi nous activons-nous à persécuter les noctambules.
Quand j’y pense, écouter de la musique est peut-être ma plus grande joie en cette existence.
25 novembre 2007-05 décembre 2007 : Pondichéry (Tamil Nadu)
Pondichéry ressemble à une station balnéaire hors-saison. C’est une ville agréable, étonnamment propre pour l’Inde, mais un peu trop calme peut-être.
Après deux nuits dans un hôtel glauque, je rencontre Manoj, qui me propose de prendre une chambre dans son adorable guest-house. Une fois installé, les rencontres se font et s’enchaînent naturellement. Pour moi, Pondichéry sera essentiellement une expérience entre touristes.
Je trouve très inquiétant de vivre sur une planète où existent les insectes. Je trouve leur présence, leur nombre et leur nature très angoissants, ne serait-ce que sur le plan métaphysique. La prochaine fois, j’aimerais me réincarner dans un monde sans insectes.
En terrasse d’un café, je rencontre cet Indien fou qui a grandi à Marseille et parle un français parfait. Il m’assène un flot de contresens un quart d’heure durant. « J’adore la France mais j’aime pas les Français » et cinq minutes plus tard « j’adore les Français mais j’aime pas la France ». Allez comprendre… Moi, plus le temps passe plus j’adore l’Inde et les Indiens.
Si la vie est une bouteille que l’on voit à moitié pleine ou à moitié vide selon son humeur, il conviendrait de s’interroger sur la nature du liquide que l’on y introduit.
Je rencontre un éditeur indien francophone et me présente, naturellement, comme auteur. Il me demande « Par qui êtes-vous publié ? » et lorsque je lui réponds que je ne suis pas encore publié, il me rétorque « Comment peut-on être auteur si l’on n’est pas publié ? ». Je dois me mordre la langue pour ne pas lui répondre : « En sacrifiant tout à l’écriture, en refusant tous les boulots intéressants et rémunérateurs qu’on aurait pu avoir pour pouvoir écrire tous les jours, en étant au RMI à trente-et-un ans, en affrontant les refus inévitables, répétitifs et parfois méprisants des éditeurs, en pensant à son travail – en vivant avec l’écriture - à chaque instant… ». Je ne me suis jamais considéré comme courageux d’avoir fait les choix qui sont les miens et je ne me plains de rien : tout ce que la vie me devait, la vie me l’a déjà donné. Mais lorsque je pense à cette phrase qui est sortie toute seule en 2002, dans mon poème
Lijiang, Yunnan, « je pense je pense je pense au prix à payer pour mon art (sacrifices ?) », j’en mesure à présent toute la portée. De fait, je ne peux plus accepter ce type de remarques ! Quand je fais le bilan, j’ai tout mis de côté pour pouvoir écrire, ou plutôt apprendre à écrire car une discipline artistique est un apprentissage de tous les jours. La joie de ce que l’on a acquit coexiste avec la honte du savoir-faire qui nous manque encore. C’est l’extase des moments d’inspiration et la douleur du manque d’inspiration. C’est l’apprentissage contradictoire de la fierté, indispensable pour trouver la force de continuer, et de l’humilité la plus grande, pour être capable d’évoluer. Je ne suis pas à plaindre et je ne me plains pas mais je pense que tout artiste qui centre sa vie autour de sa création et renonce à tout pour pouvoir peut-être en vivre un jour, le tout en toute honnêteté vis-à-vis de lui-même et des autres, mérite un minimum de respect, du moins un tout petit peu de considération, un tout petit peu par principe !
« L’espoir était illogique. La vie consistait à faire avec ce qui était. »
06 décembre 2007 : Trichy (Tamil Nadu)
Je m’étonne sans cesse de la manière dont les barrières sociales entre Occidentaux disparaissent en voyage. Ici on a le « droit » de s’aborder à tout moment et de démarrer une conversation avec un inconnu, chose souvent délicate en France. De même, on se tutoie (entre Français, le « vous » étant absent de la langue anglaise) et on se fréquente indifféremment des différences d’âge, de milieu socioculturel, de nationalité…
07 décembre 2007-13 décembre 2007 : Cochi (Kerala)
Cochi est moins sublime que ce qu’on m’avait décrit, mais reste une petite ville agréable.
Sur MSN, mon amie
Pulsize affiche « Parle pas au chat c’est pas une plante ! ». Je l’interroge sur le sens de cette phrase ésotérique mais n’obtient nulle explication.
Je reste émerveillé de voir ici hindous, chrétiens et musulmans se côtoyer et se lier d’amitié avec une telle nonchalance. Avant mon départ en Inde, je consulte la fiche Wikipedia de l’écrivain Florian Zeller dont j’ai adoré le roman La fascination du pire. Avec effroi, je lis la chose suivante : « Son roman La fascination du pire est un appel à la haine envers les musulmans ». Je m’empresse de retirer de l’article cette remarque mensongère et m’insurge au passage ! Le roman de Zeller aborde en effet des sujets tels que la relation des pays islamiques avec la sexualité et la liberté d’expression, il évoque certes certains actes barbares commis par certains intégristes et il cite mot pour mot quelques passages peu glorieux du Coran. Néanmoins, Zeller s’efforce de rester objectif et de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. En lisant le commentaire sur Wikipedia, je constate avec dépit que le bébé est jaloux de l’eau du bain et qu’il se jette lui-même dans l’égout. Car le message est clair : si la moindre critique formulée vis-à-vis de l’Islam est « un appel à la haine envers les musulmans », cela signifie qu’il n’y a pas de demi-mesure, pas de critique possible – si légère soit-elle. On est forcément « avec » ou « contre » et celui qui n’embrasse pas l’islam est forcément un ennemi acharné de l’islam. Dire « je ne suis pas d’accord » ou « je doute » ne peut et ne doit signifier que « tuez les tous ! ». Ainsi donc, l’obscurantisme primaire que Zeller évoque avec prudence et discernement dans son roman est confirmé par les détracteurs même du roman en question ! L’Inde n’est pas exempte de tensions religieuses mais elles restent l’exception.
À plusieurs reprises, j’interroge des musulmans à propos des caricatures du prophète, du port du voile, du problème israëlo-palestinien, de la guerre en Irak ou d’Al Qaida. Leur réponse est toujours la même : ils s’en moquent éperdument ! Leur islam est fort éloigné de toutes ces conneries et ils trouvent ça naturel de côtoyer tous les jours des hindous, des chrétiens, des sikhs… ! De mon côté, je me disais l’autre fois que quand même, Florian Zeller avait publié son premier roman à l’âge de vingt-deux ans et moi toujours rien à trente-et-un et que c’était pas très glorieux pour moi. Et puis j’ai lu qu’il est le compagnon de l’actrice Marine Delterme et après vérification, j’ai constaté avec soulagement que ma dernière copine et même celles d'avant d'ailleurs étaient vachement plus belles que la sienne ! Ouf ! Nous voilà quittes !
14 décembre 2007 : Irinjalakuda (Kerala)
Fashion TV fait office de chaîne pornographique en Inde, pays où la pornographie est officiellement interdite. Chaque soir à partir de vingt-et-une heures, Fashion TV diffuse en boucle les défilés et prises de vue de mannequins en maillots de bain.
16 décembre 2007 : Mangalore (Karnataka)
Dans une chambre d’hôtel crasseuse, je contemple le petit lézard qui squatte le mur en face de mon lit. Soudain, j’aperçois un cafard aussi gros que le lézard qui passe sous la porte et se précipite dans la chambre. Le lézard fonce sur le cafard et lui donne littéralement un coup de boule, ce qui a pour effet de faire repartir immédiatement le cafard d’où il vient. Je remercie le lézard et m’émerveille de la solidarité qui existe entre vertébrés.
17 décembre 2007-20 décembre 2007 : Colva & Benaulim (Goa)
Après près d’une semaine sur les routes, je décide de me reposer dans ces deux villages jumeaux, au bord de la mer. La plage est cool mais Colva et Banaulim ne sont remplis que de touristes russes obèses, soixantenaires et riches. Un soir que je me perds en rentrant chez moi, je manque de me faire dévorer par des chiens, m’en sors à l’aide d’un bâton (très dissuasif, le bâton !). Je reste là trois jours sans parler à personne, à profiter de la plage, et puis je me casse parce que ça suffit !
Je profite tout de même de cette pause pour prendre quelques notes :
D’abord cette phrase du groupe
Avenue D., qui pourrait être la troisième citation en tête de mon recueil de poèmes
Fragments Nocturnes : « You call me a whore, but you always come back for more ! ».
Ensuite ce paragraphe que j’adore du roman
How Stella got her groove back (titre sublime, lamentablement traduit en
Stella par l’éditeur français) de
Terry McMillan. Comme j’ai lu le roman en anglais, la traduction est de moi : « J’ai l’impression que plus rien n’est comme avant et ce n’est pas que je sois nostalgique ou quoi que ce soit mais je me demande si je me sens comme ça parce que je n’arrive pas à croire que j’ai vraiment quarante-deux putains d’années parce que les gens me disent tout le temps que je n’ai pas l’air d’avoir quarante-deux ans et pour être honnête je n’ai aucun plan immédiat pour en acquérir l’air si toutefois il y a un air à avoir lorsque l’on a
quarante-deux ans et je ne me sens certainement pas quarante-deux ans et ce que je sais est que ça ne me dérange pas d’avoir quarante-deux ans. (…) Je me demande si je pourrais secrètement faire une crise de la quarantaine ? » Remplacez « quarante-deux » par « trente-et-un » et ce passage correspond parfaitement à ce que je vis en ce moment !
Et le jour de mon départ de Colva et Benaulim, j’écris : « ce matin, je n’ai plus peur ».
21 décembre 2007-30 décembre 2007 – Om Beach, Gokarna (Karnataka)
Je sais désormais pourquoi je me dois à moi-même de partir vivre en Inde, du moins en Asie, dans quelques années. Je veux dire, il y a des dizaines de raisons, mais je sais quelle est la plus importante d’entre elles. Ce qui est drôle c’est que j’y avais pensé, sous MDMA, lors d’une free-party en septembre dernier. Deux mois de voyage plus tard : c’est une évidence. Je dois vivre en Asie car être là m’aide à devenir une bien meilleure personne. Or, à trente-et-un ans, j'en ai la certitude : devenir une meilleure personne est le but principal de mon existence ! De mon expérience, les relations humaines en Occident sont une permanente compétition d’ego. Il faut avoir tout fait, tout vu, tout expérimenté, avoir le plus de fric, avoir fait le plus de voyages, avoir baisé le plus de meufs, faire les blagues les plus drôles et les remarques les plus pertinentes, avoir les fringues les plus cool, etc… Ici, les relations humaines ne sont pas une éternelle compétition. Chacun est à sa place, chacun est et sais ce qu’il est et cela a tout avoir avec cette acceptation du réel et ces « choses » qui « arrivent » dont je parlais plus haut. Du coup, les gens ne s’intéressent pas forcément à vous mais lorsqu’ils le font, ce n’est pas pour se mettre en compétition avec vous. Épuisé que je suis des conflits d’ego et de cette compétition de merde, sans pourtant parvenir tout le temps à y échapper, je comprends que ma place est ici. Qu’en Inde je pourrais enfin avoir des relations saines avec les gens, sans arrières pensées, sans compétition…
Ensuite je passe noël de la façon suivante : un marathon de quarante-huit heures sans dormir à picoler et à rigoler sur la plage en faisant des feux de camps avec quatre jeunes Indiens de Bangalore et c’est le plus beau noël de ma vie. Ensuite le Père Noël passe et me fait mon cadeau et elle s’appelle Nitya.
La vision de vaches sur la plage est assez fascinante et pour le moins amusante. J’adore ! Je sympathise aussi franchement avec les deux chiens de la guest-house, qui m’adoptent totalement. Parfois, avec d’autres chiens, ils se mettent en meute et courent après les vaches en aboyant.
Je passe toujours autant de temps que je le peux en compagnie d’Indiens et le reste avec des touristes. Je réalise un beau jour que je passe mon temps à poser mille questions aux Indiens, que je suis avide comme un petit enfant de comprendre le monde qui m’entoure, la culture indienne, la pensée indienne, la société indienne. Je dévore chaque information avec ferveur. Plus je suis amoureux de ce pays, plus j’ai besoin de le comprendre. Finalement, je sympathise et passe deux jours avec deux adorables Suédois et comme ma curiosité s’étend à tout, je leur pose mille questions sur la Suède !
La seconde Om Beach Experience aura finalement été aussi merveilleuse que la première, sept ans plus tôt, avait été pénible. Je repars réconcilié avec cet endroit merveilleux !
31 décembre 2007-06 janvier 2008 – Dharwad (Karnataka)
Visite chez mon ami, le musicien
Sylvain Gérard, qui vit maintenant en Inde. Il se passe beaucoup, beaucoup de chose très intenses mais je décide de ne rien en écrire. En lieu et place, je note quelques faits amusants :
Une marque de cadenas très répandue en Inde est la marque « Hitler Star » (!) et chaque cadenas porte la mention « Hitler tested OK » (!!!).
Partout en Inde, de nombreux magasins d’artisanat affichent cet étonnant écriteau : « exhibition cum sales ». En argot anglais, « cum » signifie « foutre ». Ces magasins, dans une innocence toute indienne, affichent donc « exposition et vente de foutre ».
Dans un restaurant, le menu indique que le temps de préparation des plats est de « vingt-deux minutes à trente minutes ». Cette étonnante précision (vingt-deux minutes !) l’est d’autant plus que l’on est en Inde et que les plats sont bien sûr prêts, soit entre dix et vingt-et-une minutes, soit après trente minutes !
Dans la rue, un chauffeur de rickshaw éternue avec les sons appropriés : « iiiick-shaw ! ».
Dans le bus, le vendeur de tickets insiste pour que je range précieusement mon ticket dans mon sac. Comme je l’y enfourne négligemment, il stoppe délicatement mon geste et me montre comment glisser précautionneusement le ticket entre deux pages de mon cahier. Personne, évidemment, ne devra me réclamer ce ticket par la suite.
Je lis un panneau indiquant que stationner dans cette zone expose le contrevenant à une amende de « seulement 500 roupees » (« rps. 500 only »). La dissuasion à l’indienne !
11 janvier 2008 – Marseille (France)
J’ai retrouvé mon groove !