30 janvier 2012
27 janvier 2012
La pénétration de Bill Laswell
Pas nécessairement le meilleur album de Bill Laswell, mais probablement l'un des plus envoûtants, ce qui n'est pas peu dire dans le cadre d'une oeuvre qui en compte plusieurs centaines...
Ce disque fut en tout cas ma première rencontre avec Laswell, en 1996. Depuis, notre histoire d'amour n'a connue nulle intempérie. Et pour paraphraser W.G. Darling, ma perception tout entière de ce qu'était la musique, de ce qu'elle pouvait être, en fut changée à jamais.
Et comme ce morceau qui n'est peut-être pas le meilleur mais qui n'en n'est pas moins magique est le premier de l'album, ce sera pour vous une entrée en matière comme une autre...
Si ça a marché pour moi, ça ira bien pour vous ^^
26 janvier 2012
Mémoires d'un élève amnésique
Un
jour, un petit garçon qui était en fait une petite fille
mais-ça-y-faut-pas-le-répéter amena en classe un sac. Mais un
bruit étrange émanait de ce sac et de fait tous les élèves,
intrigués, se réunirent autour du sac et ce malgré les
imprécations de la maîtresse (qui souhaita que tous les enfants et
petits enfants de ses élèves perdent toutes leurs dents à l'âge
de quatorze ans). En fait, le sac contenait une voiture que son
conducteur tentait en vain de faire démarrer, et le bruit était
celui du moteur. Toutefois, la Ferrari - car c'en était une - démarra
finalement et sortit en trombe du sac. Les élèves stupéfaits
eurent juste le temps d'entendre le pilote leur crier:
-
Prenez garde. Il y a un trou au fond du sac !
En
effet, le sac - maintenant vide - était troué, ce qui fit que tout le
vide contenu dans le sac s'échappa. Son vide s'en étant allé, le
sac n'était donc plus vide. N'étant plus vide il était donc
forcément plein. Mais plein de quoi ? De grenouilles. Le sac était
plein de grenouilles et ces grenouilles jaillirent hors du sac et
s'envolèrent. Elles atteignirent bientôt les nuages les plus bas du
Paradis et en profitèrent pour faire quelques bulles. Toutefois, elles n'avaient pas de temps à perdre et elles se dirigèrent vers
le septième ciel qu'elles rejoignirent sans mal.
La
première chose qu'elles firent une fois arrivées fut de manger
quelques pâquerettes pour se remettre de leur éprouvant voyage,
puis elles allèrent directement voir Dieu pour lui demander:
-
Pourquoi sommes-nous des grenouilles et non des loups-garous ? Et
d'ailleurs, qui a mangé le foie gras du petit chat ?
-
Mais je ne sais pas, moi !, vociféra Dieu. Pour qui me prenez-vous,
pour Dieu, peut-être ?! Je ne peux pas être partout à la fois,
moi. Allez plutôt demander ça à Saint Pierre, il est plus au
courant que moi de ces choses là !
Désappointées
mais nullement découragées, les grenouilles allèrent trouver Saint
Pierre. Mais celui-ci était tant absorbé à jouer aux dés avec sa
femme qu'il ne prêta nulle attention à leur présence. Les
grenouilles eurent beau hurler
« Saint Pierre, vieille vipère
! », ce dernier - dont l'oreille était pourtant sensible à la
poésie - ne réagit même pas. Lassés, les batraciens grimpèrent
sur la table et se mirent en devoir de gober tous les dés - et ils
étaient légions - du couple de joueurs. La femme de Saint Pierre en
mourut. Quant à lui, voyant qu'il n'avait plus ni dés ni camarade
de jeu, il remarqua enfin les grenouilles.
-
Mais qui êtes-vous, et que voulez-vous ? leur demanda-t-il.
-
Nous sommes des grenouilles issues d'un sac qui fut plein de vide et
c'est Dieu qui nous envoie.
-
Dieu ?! Encore celui-là ! Ça n'en finira donc jamais ? Enfin,
puisque vous êtes là... Voyons voir : quel jour sommes-nous ?... Ah,
mardi ! Le jour de la veuve éplorée.
Saint
Pierre se transforma alors en veuve éplorée et s'écria :
-
Dieu ? Jésus Marie Joseph ! Ainsi c'est le Seigneur qui vous envoie
pour me rendre mon époux ! Oh merci Seigneur, que Votre nom soit
béni. Mais dites-moi, vous qui sous cette apparence primaire devez
être des Anges, que voulez-vous de moi en échange ?
-
Et bien, dirent les grenouilles pour le moins étonnées, nous
voulions savoir pourquoi nous étions des grenouilles et non des
loups-garous, qui avait mangé le foie gras du petit chat, et aussi
si le père de ce dernier était Rintintin ?
-
Oh, je comprends, dit la veuve éplorée en fondant en larmes, c'est
une énigme. Attendez voir que je consulte ma boule de cristal.
Elle
dirigea en effet son regard vers une boule de cristal violette qui
venait d'apparaître sur la table et s'exclama :
-
Oui... Je vois... Je vois... Une poule borgne ! J'ai la solution de
l'énigme : il s'agit de l'homme, qui marche à quatre pattes enfant,
sur ses deux jambes adulte et s'aide d'une canne arrivé à la
vieillesse. Ne montez jamais dans un avion avant l'an 2000.
-
Merci, dirent les grenouilles, combien vous devons-nous ?
-
Ce sera cinq-cent francs pour la consultation, plus vingt francs de
pourboire.
Les
grenouilles payèrent, dirent au revoir à la voyante et prirent le
premier métro en direction de Nantes.
Malheureusement,
le métro entra en collision avec un cycliste et dérailla. Les
grenouilles trouvèrent toutes la mort dans l'accident. Mais
l'existence n'est qu'un éternel recommencement et les grenouilles se
réincarnèrent en élèves et, un jour de classe, l'un d'entre eux
amena un sac. De ce sac émanait un bruit étrange et en ouvrant le
sac ils eurent la surprise de constater qu'il contenait un extra-terrestre (qui n'était pas un hamster, précisa l'un d'entre eux).
Pourtant, à leur grand étonnement l'extra-terrestre dégaina son
colt et fit feu. De l'arme sortit un petit drapeau sur lequel il
était inscrit « Je suis un hamster ». Et l'extra-terrestre - en fait un hamster déguisé - éclata de rire, disant aux
élèves qu'il les avait bien eus.
Morale :
L'habit ne fait pas le Martien.
Ce petit texte fut composé en 1993 : l'élève de seconde que j'étais alors faisait ses premières armes ! En 1999, il fut illustré par mon amie Léa et publié dans un numéro hors-série du
fanzine Scrach. Il remporta ensuite un
certain succès à l'occasion de lectures publiques organisées par
Neweden en 2000-2001.
Tiroir(s) :
conte pour adultes,
neweden,
processus créatif
24 janvier 2012
The India Experience - 17/ The Hampi Experience
Premier
voyage en Inde, février-mars 2001.
18
mars 2001 - 21 mars 2001 : The
Hampi Experience,
Hampi (Karnataka)
Je
ne sais ni pourquoi ni comment je m'obstine à voyager avec la fille
aux yeux de miel. Non que nous soyons fâchés mais le malaise est
tangible et pesant, aussi serait-il plus raisonnable d’aller chacun
de notre côté à présent. Sauf que j’ai l’intuition profonde
qu’il me faut aller à Hampi et puisqu’elle y va aussi… Rien ne
m’attend en fait là-bas que l’un de mes deux endroits préférés
au monde (l’autre étant Lijiang, en Chine, que je découvrirai en 2002), et aussi un retour à une expérience indienne véritable,
dont l’interlude Om Beach m’avait coupé.
Dans
le bus qui nous emporte, je découvre vraiment les paysages tropicaux
du Sud. L'inde du Nord est jaune, toute de poussière et de sable. Le Karnataka, à l'inverse, est verdoyant. Le trajet
m'inspire cette phrase ésotérique : « Les chiots ont
grandi. La manière d'être de la vie est similaire à la manière dont
mangent les chameaux ». Je n’ai absolument aucune idée de ce
que j’ai bien pu vouloir dire par là…
Lorsque
mon regard se pose pour la première fois sur les paysages de Hampi,
le décor qui s’offre à moi est à ce point surréaliste de
beauté, à ce point différent de tout ce que j’ai pu contempler
auparavant, que j’ai l’impression de voir des images de
synthèses. Cela ne peut pas être réel,
cela ne peut qu'être qu'une planète sortie de Star
Wars. En
comparaison, même le désert du Thar semble fadasse. Je ne me
risquerai même pas à tenter une description. Je n’ai jamais rien
vu d’aussi beau et je pense que je ne verrai jamais rien d’aussi
beau de ma vie entière… Je suggère de chercher une guesthouse
dans le Lonely
Planet,
mais la jeune fille aux yeux de miel exige de « suivre son
intuition ». Son intuition, fort heureusement, nous conduit
jusqu'à un élégant assemblage de huttes confortables, disposées
au milieu des bananiers. La jeune fille décrète ensuite que, cette
fois-ci, nous prendrons une hutte chacun. Nul ne se risque à
contester sa décision, et surtout pas moi !
Le
village lui-même est assez petit. Il y a quelques siècles pourtant,
Hampi était une cité d'un demi-million d'habitants, capitale
florissante de l’empire hindou du Vijayanâgara.
Les sultanats musulmans du Nord, royaumes rivaux, se chargèrent de
réduire en miettes et l'empire et la ville. Ne restent de ce carnage
que les ruines de divers temples et bâtiments, éparpillés sur
plusieurs kilomètres au milieu de ce que Wikipedia qualifie à juste
titre de « paysages insolites et grandioses ».
À
l’exception de ce cadre incroyable, l’expérience la plus
marquante est celle de la chaleur. Il doit faire dans les 45° mais
l’air est beaucoup plus humide qu’à Jaisalmer ou même à Om
Beach. Au réveil, la chaleur me fait à peu près le même effet
qu'un gros bang
de haschisch. Il me faut végéter deux heures devant mes corn-flakes
pour trouver la force de prendre une douche et quitter enfin le
jardin de l’hôtel. Il en résulte que je commence mes longues
ballades aux alentours de midi, heure où le soleil tape le plus
fort. Mais dès-lors que je me suis mis en mouvement, mon corps est
comme pourvu d’une énergie miraculeuse. Je gambade et grimpe avec
l'assurance de mes amies les chèvres. Toute cette chaleur devient
une véritable expérience dans l'expérience. J’ai toujours aimé
la canicule mais celle-ci est d'une démesure telle… J’adore
ça ! Je dégouline de sueur du matin au soir mais j’ai
l’impression de baigner dans un bain de vitamines. Mon corps est
comme câliné
par l’air. L'idée même du froid s'efface ! Bizarrement, ma sexualité s'en trouvera
bouleversée : ce n'est rien d'autre que le climat tropical
d'Hampi, que je rechercherai désormais à travers mes partenaires…
Je
passe mes journées à vagabonder entre les temples, les rochers et
les bananeraies. Je me réconcilie avec le monde après le marasme
d’Om Beach. Hampi agit sur moi comme un baume. Le second soir,
j’essaie le bhang-lassi
(sorte de milk-shake au cannabis, plus ou moins légal en Inde selon
les régions). Le mélange d’herbe et de chaleur m’envoie en
orbite. Je trouve Dieu sait comment le moyen de regagner la
guest-house. Là, je m'avachis sur un fauteuil, devant la télé que
regardent avec attention un petit groupe de mamas
indiennes. Le spectacle de la télé indienne est déjà un trip en
soi mais dans l’état où je suis, la bouillie de publicités
kitschs et de dramas
cheaps,
tout ça en langue kannada, se mue en expérience psychédélique ! Sur le chemin de ma hutte, je
tombe sur la jeune fille aux yeux de miel, en train de s'extasier
devant les dessins de la jeune Allemande qui nous accompagne. J'y
jette un œil nonchalant, bien trop stone
pour savoir si je les trouve jolis ou hideux, puis je vais m'écrouler
sur mon lit. Je ne sais pas ce qui ce trame entre ces deux-là et à
ce stade, je m'en fiche éperdument : je préfère me
laisser emporter par le sommeil…
On
se « retrouve » un peu, avec la jeune fille aux yeux de
miel. On déambule quelques heures en tête à tête. La tendresse et
la confiance reviennent. Fouinant dans une grotte, nous dérangeons
des chauves-souris. C'est un moment si étrangement romantique que
c'en est presque déplacé. Je suis si honteux de mon attitude à Om
Beach que je me réjouis simplement de cette complicité retrouvée,
sans plus rien espérer d'autre. Hampi est bâti aux abords d'une
rivière et nous logeons de l'autre côté. Le troisième soir, nous
devons regagner nos huttes. Probablement fatigués de ramer (ils ont
d’ailleurs depuis adopté les barques à moteur), les bateliers
exigent cinquante roupies, c'est-à-dire cinq fois le tarif habituel.
La fille aux yeux de miel se met dans une telle rage qu’elle finit
par leur jeter avec mépris un billet de deux-cent roupies. Son geste
est accompagné d'une phrase du genre de celle qu'assène Leia à
Yan Solo dans Un
nouvel espoir :
« Si c’est l’argent qui vous intéresse, c’est tout
ce que vous aurez ! ».
Tant qu’à être sur une planète de Star
Wars,
autant traverser la rivière avec la princesse Leia !
Plus
tard ce même soir, je médite sur ma créativité :
« J’apprendrai de nouveaux mots car j’ai presque fait le
tour des miens, je trouverai des manières toujours plus habiles de
les agencer en phrases et en discours. Il est des formules magiques
que j’ignore encore, des équations spontanées qui naîtront en
moi au fur et à mesure que je re-sculpterai le réel ». Il est
vrai que mon « vocabulaire » artistique s'est
considérablement enrichi depuis un an. Ma poésie a pris de
nouvelles directions, plus abstraites.
Mon premier roman, L'incident
Œdipe
(inédit), s'est consolidé en même temps que mon savoir-faire. Avec
mon ami DaBoostemp, je viens de réaliser mon rêve de groupe
electrofunk. Ça s'appelle Shoona Sassi et les premières répétitions
se sont déroulées juste avant mon départ. Pulsize m'a invité à
composer le scénario de Small City,
un film expérimental. J'ai commis mes premières lectures publiques
au cours de la Neweden Week.
Florence Bordarier et moi avons brièvement entrepris de mettre en
scène une de mes nouvelles, Diamant sans canapé,
sous la forme d'une performance lecture-danse. Le spectacle Rumeur publique
m'a mis dans la peau d'un dramaturge et d'un comédien… Tout ça en
quelques mois à peine… De ces nouvelles cordes à mon arc, la
performance est la plus vibrante. Je suis tombé amoureux de la
scène, j'ai envie de développer ça. La Casa s'y prêtait
parfaitement. Tout au long de l'automne, chaque jeudi, nous avons
organisé des soirées portes ouvertes. Les fameux Jeudis
de la Casa.
Il fallait nourrir ces soirées de contenu artistique… Alors j'en
ai profité pour essayer des trucs avec mes Neweden
Freaks
et d'autres. Musique, projections, lectures, danse : tout
mélangé, en improvisation totale. On a appelé ça Combustions Spontanées.
Le résultat était parfois hasardeux mais j'y ai pris un pied
monstre. Chaque nouvelle expérience, en tout cas, contribuait
amplement à ma révolution intérieure, à l'aspect vertigineux de
cette année 2000. Chacune de ces découvertes artistiques était un
coup de langue inédit sur le clitoris électrisé de ma muse !
Un nouveau frisson dans ma chair, une nouvelle étincelle dans mon
psychisme… Créer est un acte sacré. « Au commencement était
le Verbe… ».
Et
d'ajouter : « Tout est différent, rien n’a changé ».
Tout est son contraire ? Peut-être…
La
veille de mon départ, la nuit tombe et comme je rentre d’une
longue promenade, je m’assois quelques minutes au bout de la rue
principale. En face de moi, à l’autre bout, le temple vertigineux.
Au milieu, la vie grouille. Les enfants s’amusent devant la
boutique de leurs parents qui chargent et déchargent
quelque marchandise. Les rickshows
klaxonnent pour écarter les chèvres, qui à leur tour bêlent pour
écarter les rickshaws.
Toute cette foule humaine et animale court dans tous les sens, parle
fort dans des langues inconnues, s’agite et déborde d’une vie
telle qu’on n'en verra jamais dans une rue européenne. Je me
prends d'un coup une sorte de claque, exactement comme celle que j’avais pris devant le temple d’or près de deux mois auparavant.
Je suis ici,
en Inde.
Je m’étais déjà tant habitué que j’en avais presque oublié à
quel point le simple fait d’être ici
est hallucinant. Lors de mes futurs voyages, grâce au souvenir de ce
moment précis, je ne l’oublierai plus jamais.
Je
crois que c’est à cet instant exactement que je suis tombé
amoureux de l’Inde. De la même manière que l'on tombe amoureux
d’une femme que l’on fréquente depuis quelque temps, mais que
l’on n’avait jamais vue avec ce
regard-là.
Toute cette vie, là devant moi,
débordante, colorée. Cette femme en sari qui
court après son enfant qui court après le pneu qui lui sert de
jouet… Je ne sais pas encore où ça me mènera mais je sais que
je suis amoureux. J’écrirai d’ailleurs, peu après : « J’ai
le sentiment que je pourrais être beaucoup plus perdu à mon retour
en France que je ne l’étais à mon arrivée en Inde ».
L’idée me parait saugrenue sur le coup, mais elle est prophétique.
Je passerai mes quatre ou cinq premiers jours à Lyon à errer,
ébahi et paumé dans ma propre ville.
Mais
il est temps de partir, d'abandonner Hampi et la fille aux yeux de
miel à leurs magies respectives, car un avion m’attend dans une
semaine à Karachi. J’ai passé trop peu de temps ici, quelques jours
à peine. Je sais qu'Hampi et moi devrons un jour reprendre les
choses là où je les laisse aujourd’hui. Je me jure de débuter
mon prochain voyage en Inde par cet endroit où se termine le
premier. Je tiendrai ma promesse, six ans plus tard.
Prochaine
expérience : The Long Way Home Experience (Pt. 1).
22 janvier 2012
Un espoir de traitement contre les acouphènes !
Ce
n'est pas trop le propos de ce blog que de parler des progrès de la
médecine, mais la nouvelle est d'une telle
importance pour moi (et quelques millions d'autres personnes !) que
je ne peux m'empêcher de la partager avec vous !
Il
semblerait que, pour la première fois, un traitement
efficace contre les acouphènes soit en train de voir le jour !
Pour ceux qui l'ignorent, les acouphènes sont des sifflements dans
les oreilles, permanents, d'intensité variable selon les individus,
généralement acquis à la suite d'un traumatisme acoustique et
jusque-là totalement incurables. On estime que 10% de la population
des pays occidentaux en souffre. Chez certains individus (dont votre
serviteur), le volume est suffisamment bas pour être recouvert par
les bruits ambiants, et le cerveau apprend peu à peu à ignorer ce
bruit parasite. Je suis « interdit de silence » depuis
déjà quatre ans, et la gène est toujours présente, mais après
quelques mois d'enfer j'ai appris à vivre avec... Chez d'autres
individus toutefois, le volume est bien plus élevé et les
acouphènes sont une torture quotidienne, dont la conséquence est
inévitablement la dépression et, parfois même, le suicide.
Malheureusement,
la recherche n'a jamais été très poussée :
les gens qui ne souffrent pas d'acouphènes sont incapable de mesurer
à quel point ceux-ci gâchent la vie de ceux qui en souffrent, et de
fait l'argent et l'intérêt de la communauté scientifique ont
toujours fait défaut. Il suffit d'ailleurs pour s'en rendre compte
de discuter de votre maladie avec un ORL. La réponse est
invariablement la même : « N'en faites pas tout un plat,
ce n'est pas si terrible, vous allez vous habituer... ».
« Mais... Heu... Docteur... J'ai une alarme de voiture qui
sonne en permanence dans ma tête ! ». « Ce n'est
rien du tout ! Vous faites toute une histoire d'une chose
inconséquente ! Prenez du repos et vous verrez que d'ici
quelques temps vous n'y ferez plus attention... ». Pour la
petite histoire, les ophtalmos chantent exactement le même refrain
aux personnes qui souffrent de corps flottants, une autre belle
saloperie dont j'ai hérité à peu près en même temps que mes
acouphènes, cicatrices parmi d'autres de deux ans d'exil à
Marseille (n'allez pas là-bas, c'est un endroit épouvantable !)...
Et
puis, il y a un an, une dépêche scientifique est tombée : des
chercheurs américains sont parvenus à comprendre les mécanismes
des acouphènes, à envisager un remède, et leurs expériences sur
des rats s'avéraient suffisamment concluantes pour que l'on teste la
méthode sur des êtres humains. Plus de détails ici. La nouvelle
était excitante mais il convenait d'être prudent : il était
plus que probable que cela ne mènerait nulle part... Les victimes
d'acouphènes n'en étaient pas à leur premier espoir déçu...
Un
an après, les tests sur humains effectués en Belgique se sont
avérés très concluants. Il y a encore de nombreux ajustements à
faire pour améliorer l'efficacité du traitement et l'adapter aux
besoins de chaque patient, il est encore incertain qu'il parviendra à guérir tous les acouphènes, ou à les guérir tous complètement, mais le fait est que MicroTransponder, l'entreprise qui est
derrière cette découverte, envisage une commercialisation en Europe
d'ici un à deux ans. Pour l'instant, ce qui leur manque
principalement ce sont les financements... Précisément parce que
les investisseurs considèrent que les acouphènes sont un problème
trop « mineur » pour générer un retour sur
investissement. Les fous !
Will
Rosellini, PDG de MicroTransponder, semble toutefois déterminé à
poursuivre l'aventure. Même si rien n'est encore certain, le fait est qu'il est - enfin ! - envisageable que d'ici quelques années, des
millions d'individus recouvrent
leur droit à la sérénité. Muni d'un implant cérébral, votre
Shaomi préféré serait alors un cyborg... et pourrait de nouveau écouter le silence !
Pour
suivre l'actualité de ces recherches, vous pouvez vous inscrire à
la mailing-list de MicroTransponder ici, et jeter régulièrement un œil
au blog de Will Rosellini. Si vous souffrez d'acouphènes, vous pouvez également répondre à leur sondage en ligne ici. Et si, enfin, vous êtes très riche, il est possible de financer leurs recherches ici (on ne sait jamais, j'ai peut-être des lecteurs millionnaires ^^).
15 janvier 2012
The India Experience - 16/ The Om Beach Experience (Pt. 2)
Premier
voyage en Inde, février-mars 2001.
12
mars 2001 - 17 mars 2001 : The
Om Beach Experience,
Gokarna (Karnataka)
Les
jours s'écoulent. Quatre petites journées qui me font l'effet d'une
éternité ! Je passe la plupart du temps à écrire des
dizaines de poèmes de merde à propos de tout ça, dont les seuls
fragments valables formeront plus tard le corpus de La plage d’Om.
Je renonce totalement à la bouffe indienne et m’empiffre de
pizzas, de chocolat et de corn flakes. J'y trouve un réconfort sans
borne et ça finit par donner Mon bol de corn flakes,
comme quoi l’humour s’immisce même dans les moments les plus
pitoyables de l'existence… Je passe de longues heures à nager dans
l’océan au péril de ma vie, avec un total mépris pour les
courants dont on ne cesse de me répéter qu’ils tuent une
demi-douzaine de touristes par an. Une fois, je disparais durant plus
de trois heures. Lorsque je reviens, ils me croyaient tous noyé.
Mais non, je n'ai même pas la chance de mourir en martyr !
Quelques chutes inédites de La
plage d’Om :
« Mélodie / Retrouvée / Présomptions / Ébauchées / Je mets
mes idées sur les mots qui me plaisent / Si les 2 ne vont pas
ensemble à vos yeux / Tant pis ! ». Et aussi :
« Aimer sans être vulnérable / Est-ce un mythe ? ».
La
fille aux yeux de miel vient me parler, exige des explications. Je ne
veux pas être désagréable (je ne le suis d'ailleurs pas, je suis
juste dans
mon coin).
On manque de peu de s'engueuler. On s'explique. Elle revendique sa
liberté. Je revendique mes sentiments. Je fous en l'air tout espoir
de la reconquérir. Avant Jaisalmer, elle a passé quelques semaines
dans un dispensaire au Népal, à soigner des miséreux atteints de
maladies incurables, livrés aux souffrances les plus insoutenables.
Elle s'insurge : comment, par contraste, puis-je me laisser
aller ainsi, dans ce décor de rêve, avec ma vie de rêve ?
Bonne question. Elle provoque trois conversations en tout. Pour la
seconde, elle m'embarque dans une calanque et exige qu'on se foute à
poil. Pour elle c'est un symbole : on se met à nu, on se dit
tout. Comme on parle, nos corps exposés me semblent grotesques. Il y
a deux mois, ces corps brûlaient d'excitation, se faisaient du bien
l'un à l'autre. Aujourd'hui, elle les transforme en revendication,
les intellectualise. Nos chairs alors s'enlaidissent, deviennent un
amas pathétique de cellules vivantes. La troisième conversation est
vraiment tendue. Elle est furieuse. Je ne maîtrise plus rien à ce
stade, je ne sais plus ce que je lui raconte, je suis une merde.
Michaël aussi est très mal à l'aise, il vient me voir à plusieurs
reprises, évoque l'idée de partir. Je le lui interdis, mon éthique
m'y contraint : il n'y est pour rien. En plus j'aime vraiment
bien nos rares moments ensemble. Qu'il reste : si quelqu'un doit
partir, je partirai. Mais je ne pars pas. Nous maintenons tant bien
que mal un équilibre. Elle fait preuve d'une patience sans borne à
mon égard, d'une obstination absurde à régler ce problème qui pourtant n'appartient qu'à moi. Mais elle a tort : elle s'acharne à préserver notre
amitié, j'échoue à préserver notre amour. On ne se bat pas
sous les mêmes drapeaux. Et puisque après tout je ne fais chier
personne avec mon spleen, elle devrait m'ignorer, me chasser ou
partir. Je devrais me chasser moi-même, recouvrer ma liberté
puisqu'elle tient tant à la sienne. Mais je ne pars pas. Je n’arrive
pas à m’éloigner d'elle.
Il
y a tout de même quelques moments de complicité. C'est déjà ça.
Cet apéro lors duquel nous trinquons un whisky frelaté… Le menu
en compte plusieurs marques mais nous savons que ça sera
dégueulasse de toute façon. Alors nous demandons au serveur de nous
servir le
pire de
ses whiskies. Il croit avoir mal compris, nous confirmons : nous
voulons le plus ignoble
de tous. Le serveur rigole, nous aussi. Une autre fois, une vache lui
vole sa pastèque pendant qu'une autre, décornée, tente de
m’encorner (ce qui fait tout de même l’effet d’un bel uppercut
au foie)… Et puis il y a nos fous rires devant cette voiture qui
parcourt inlassablement Gokarna. Le conducteur scande de mystérieuses
incantations dans un haut parleur, d'un ton absolument monocorde…
Nous apprenons finalement qu'il s'agit des résultats du loto, et ça
nous amuse encore plus…
Les
baba-cools de la plage et leurs feux de camps la comblent de joie et
me laissent complètement indifférent. Je suis tellement dark
qu'ils finissent par me taper sur les nerfs. Ils sont tous là à
fumer leurs pétards. Les dreadeux
jonglent et jouent de la guitare, draguent des dreadeuses
boudinées à la peau couleur jambon. Tout ce beau monde est d'une superficialité scandaleuse et je n'ai pas la moindre
envie de me mêler à eux. Ils n'ont que la « spiritualité »
indienne à la bouche mais leur manière de la vivre n'est qu'une
version tropicale du consumérisme européen. J'apprendrai d'ailleurs
par la suite que les Indiens ont le plus grand mépris pour leur
genre… Je leur abandonne ma jeune fille aux yeux de miel. Je
regarde passer les sveltes Indiennes à la peau cuivrée, autrement
plus attirantes que les dreadeuses.
Je me fais quelques amis pourtant : les chiens errants (six ans plus tard, je sympathiserai de même avec leurs enfants). Un soir que
je me sens particulièrement abattu et seul au monde, à dormir comme
un con tout seul sur le sable et pas à côté d’elle, ils flairent
mon mal-être et viennent se blottir tout contre moi. Je passe la
nuit en sandwich entre cinq nounours, infiniment reconnaissant pour
cet élan de tendresse. Je me sens, comme qui dirait, membre de la
meute.
Comment,
quelques jours après ma sortie triomphante de la Desert Experience,
comment
puis-je tomber si bas ? Je ne cesse de m'interroger. Il est vrai
que je tiens terriblement à cette fille. Et dans ma tête, c'était
ma dernière chance de parvenir à, enfin,
être vraiment avec elle. J'ai cristallisé à mort sur cette idée :
le trip romantique à deux, en Inde. Jolie carte postale. Il était
couru que je tombe de haut. Mais
ça ne peut tout expliquer. Je craque. Tout simplement, je craque. Je
me pensais sauvé
par le désert, je n'en étais que revigoré. Je me revois un an en
arrière. Comme je triomphais alors, avec mon collectif d'artistes et
ses succès. Tout semblait si bien s’enchaîner Que de désillusions
depuis. En un an, je suis devenu un adulte. Et je crois qu'à ce
moment-là, ça ne me plaît pas du tout d'être un adulte. Putain,
mais qu'est-ce qui s'est passé ? J'ai pourtant vécu tout ça
comme une épopée merveilleuse. Justement ! Je n'ai pas mesuré
la part des ténèbres, le poids des déceptions. Il y a un an, je
croyais qu'il était possible de faire
ensemble.
Aujourd'hui je suis épuisé des gens, de leurs egos, de leurs
caprices, de leurs crises de nerfs, de leurs mauvaises langues. J'ai été épouvanté par tout ce qui s'est dit sur mon
compte. Je me suis bougé le cul pour faire avancer les choses, pour
fédérer des gens, pour booster
la vie culturelle lyonnaise. J'ai consacré de longs mois à cela,
j'ai perdu beaucoup d'argent dans l'entreprise… J'y ai certes gagné
des expériences de vie inestimables, des amis fidèles, des
souvenirs incroyables et la possibilité, si je le souhaite, d'aller
plus loin. Mais il faut bien avouer que j'ai été très affecté par
les polémiques ridicules des uns et des autres… J'ai
combattu, pourtant. Je suis peut-être une merde ici à Om Beach,
mais à Lyon je suis un dragon ! Je
suis allé au fond des choses en cette année 2000. J'ai expérimenté.
J'ai vécu. J'ai grandi. De la Neweden
Week
jusqu'à ce voyage, j'ai mis en œuvre tous les trucs
dingues
qui me sont passés par la tête. La vie s'est chargée du reste. De
rajouter le piment et les épices. Ça a été une année cosmique
et je n'aurai jamais rien à regretter de cette folle épopée.
Mais aujourd'hui, sur cette plage paradisiaque, je craque. J'ai trop
encaissé. Trop de changements. Trop d'enjeux. Trop de pression. Et
pas de cerise aux yeux de miel sur mon gâteau… Alors je me
raccroche à ce vers de O(+> « Every now and then u must defend your right 2 die and live
again, live again, live again! ». Toute ma putain de vie résumée en une phrase !
Comme
en écho à ces idées de transhumance, un email m’apprend que la
Casa Okupada a reçu un avis d'expulsion. J'hésitais à me
désinvestir de ce projet-là aussi : voilà qui règle la
question. En même temps, n’en étant plus à une contradiction
près, je décide qu’il va falloir ouvrir un autre squat, pour
poursuivre l’expérience et accomplir de nouvelles Combustions Spontanées.
Je me jure au passage que les Taliban(E)s du Point Moc n’auront pas
même le droit d’y mettre les pieds : « Ça me fait mal
d’exclure, moi qui ai toujours prôné l’union
faisant la force, mais je ne veux plus avoir de compte à rendre à
ces gens-là. Je ne veux même plus entendre parler d’eux après
toute la merde qu’ils ont déversée sur moi, Neweden et la Casa.
Ils veulent du radicalisme, on va leur en donner ! ». Je
décide aussi que je ne les pardonnerai jamais. C'est une promesse à
laquelle je me tiendrai, par pur principe. Je peux pardonner qu'on
s'en prenne à moi s'il y a des enjeux affectifs. Je peux pardonner
qu'on s'en prenne à moi si je me comporte mal. Je ne pardonnerai
jamais qu'on s'en prenne à moi sans
raison.
Pourtant, dix ans plus tard, comme replongeant dans mes cahiers de
voyage et rédigeant ce récit, je songe à cette réplique du
scénariste Peter David : « Je me suis fait quelques ennemis…
Mais, hé ! Ils se sont tous volatilisés en poussière et je
suis toujours là. Alors je suppose que ça veut dire que j'ai
gagné ». Mais en ce début d'année
2001, les jeux ne sont pas encore faits !
Et
nous voici prêts à quitter Om Beach. Il semble qu'il ne s'est rien
produit entre Michaël et la jeune fille aux yeux de miel. C'est déjà
ça… Notre piteux trio se trouve augmenté d'une jeune Allemande,
récoltée sur la plage. La fille aux yeux de miel précise d'un ton
sec « Et j'espère que désormais tout est clair entre nous, et
que cela ne dérange personne ! ».
J'ai envie de la gifler. C'est si humiliant de sa part, de nous
adresser ça à moi et
à Michaël, quand tout le monde sait que ça n'est destiné qu'à
moi. Mais après tout, je suis une merde. Ma réponse, évidemment,
s'impose d'elle-même : « Non… Non non… Pas du
tout… ».
Lorsque
le bus quitte Gokarna, je me demande si je reviendrai jamais profiter
mieux de cet endroit magique. Je le ferai finalement en 2007. La
seconde Om Beach Experience sera aussi merveilleuse que celle-ci aura été lamentable. Les voies
du karma sont impénétrables…
Expérience
suivante : The Hampi Experience.
14 janvier 2012
De l'insomnie et de la France qui se lève tôt...
L'insomnie est parfois une pression, une contrainte, une abomination pour celui ou celle qui ne l'a pas choisie et qui doit se lever le lendemain. Pour cela, Dieu a inventé les somnifères.
Mais l'insomnie est avant tout une pulsion, une envie, un besoin, un élan de vie... Parce que peu importe combien nous dormons, nous allons tous mourir un jour, et nous avons parfois besoin d'aller au bout des choses...
Ils disent que l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt (et M. Sarkozy nous a assez fait chier avec ça !), mais pour me lever tous les matins à six heures et m'endormir à coups de Stilnox depuis sept mois, pour être crevé néanmoins, et ce bien que cela soit un choix de ma part et que j'aime ce pourquoi je me lève, je puis dire que cette expérience d'enseignant -destinée à durer encore plus ou moins un an (après quoi je prends ma retraite, je retourne à mes errances en Asie et à l'écriture de livres que personne n'achètera !)- me coûte davantage d'espérance de vie que toute la fête, toutes les drogues et toutes les saines nuits blanches d'écriture que j'ai pu ingurgiter auparavant. Faire ça quelques mois, une fois de temps en temps, à l'autre bout du monde, c'est cool. Mais quand je pense aux pauvres gens qui doivent faire ça toute leur vie... Mama mia !
Alors qu'on ne vienne pas m'emmerder avec la France qui se lève tôt parce que désormais, je sais que cette France, elle souffre ! Hors il n'y a aucun mérite à souffrir sauf pour être beau. Hors cette France-là n'est pas belle (ou en tout cas très rarement).
Et même si je dois me lever à six heures lundi matin, et même si je dois me traîner toute la semaine, ce soir je veille ! Quoi qu'on en dise, l'aube est un spectacle épouvantable quand on vient de se lever, et magnifique lorsque l'on n'a pas dormi... Ce n'est pas Annie Lennox et Dave Stewart, qui me diront le contraire (et pourtant, M. Sarkozy, ils sont bien plus riches que vous ne le serez jamais !)...
Les animaux sont arrivés
Jour par jour se travailler
Dans les trains
En auto
Sur les bicyclettes
Dans les rues
C'est partout
Dans les places publiques
Les animaux sont arrivés
Jour par jour se travailler
Jour par jour se travailler
Dans les trains
Chaque semaine
Sur les bicyclettes
Dans les rues
C'est partout
Dans les places publiques
Toutes les bêtes de la cité
Toutes les personnes fatiguées
A les maisons retournées
Les métiers c'est terminé
Dans les trains
En auto
Sur les bicyclettes
Dans les rues
C'est partout
Dans les places publiques
Les animaux sont arrivés
Jour par jour se travailler
Regardez Regardez
Toutes les personnes fatiguées
Quelle horreur qu'est ce que c'est ?
C'est la vie juste la vie
Quelle horreur qu'est ce que c'est ?
C'est la vie juste la vie
Quelle horreur qu'est ce que c'est ?
C'est la vie juste la vie
(PS : à peine sept heures du matin et déjà j'entends les disqueuses des artisans forgerons qui bossent en bas de chez moi... un dimanche... sans déconner, ils sont complètement malades ces Cambodgiens des fois !!!)
8 janvier 2012
6 janvier 2012
The India Experience - 15/ The Om Beach Experience (Pt. 1)
Premier
voyage en Inde, février-mars 2001.
12
mars 2001 - 17 mars 2001 : The
Om Beach Experience,
Gokarna (Karnataka)
C'est
le matin. La jeune fille aux yeux de miel monte dans le bus. Nous
quittons Jaisalmer. Un regard, un sourire, tout va bien. Et puis
derrière, j'aperçois Michaël, le Français rencontré la veille.
Il hisse son sac à dos dans le véhicule. La jeune fille aux yeux de
miel capte mon air étonné. « Oh, à propos, Michaël m'a
demandé s'il pouvait nous accompagner à Om Beach. J'espère que ça
te dérange pas…? ». Il semble que cette phrase, ce
« j'espère que ça te dérange pas », soit destinée à
devenir un rituel entre nous. Alors je sacrifie au rituel :
« Non… Non non… Pas du tout… ». Pendant le trajet,
Michaël s'explique : « Je savais pas trop où aller après
Jaisalmer. Vous êtes adorables, cette histoire de plage m'a inspiré,
alors voilà… ». Et comme un écho : « J'espère
que ça te dérange pas ? ». Il ignore tout de ce qui
s'est joué, de ce qui se joue, entre elle et moi. Il nous prend pour
de simples amis. Elle aussi d'ailleurs, nous prend désormais pour de
simples amis. Je joue au perroquet : « Non… Non non…
Pas du tout… ». Bien-sûr que ça me dérange ! Comment
peuvent-ils être aussi bêtes ?!
Lui encore, je comprends, il n'a aucune raison de se sentir de trop.
Mais elle, nom de Dieu, à quoi pense-t-elle ? D'accord, elle
m'a fait comprendre que notre « histoire » est terminée,
qu'on est passé à autre chose. D'accord, j'ai menti, j'ai dis que
j'étais cool
avec ça. Mais enfin quand-même, quand bien même ! C'était
notre
trip ! Elle aurait pu imaginer que ça me gonfle qu'elle… Oh,
et puis merde, tant pis ! Je reste souriant, je ne montre rien,
je ne vais pas, en
plus,
perdre la face. Ni nous gâcher nos vacances.
Il
faut dire que dans d'autres circonstances, j'eus été ravi de voir
débarquer Michaël. Tout comme Rotem, il est un compagnon de voyage
idéal sous tous rapports. Ce n'est pas un mec
cool,
c'est
un mec
bien. Je
le trouve vraiment, vraiment chouette. Et puis je me rappelle mon
sentiment de la veille, toutes les « coïncidences »,
tous les « signes ». L'Univers tout entier est là qui
veille sur moi, qui conspire à me conduire absolument là où je
dois être, à vivre précisément ce que je dois vivre, à
rencontrer exactement qui je dois rencontrer. Michaël fait donc
partie du « plan ». Je décide d'avoir un peu confiance
en mes dieux, et je me détends.
Nous
cheminons longuement vers Gokarna. Je passe la totalité du voyage,
c'est-à-dire près de quarante heures, sans dormir. Je me souviens
des Indiens non-anglophones, amassés en cercle autour de nous à la
gare d’Ahmedabad, fascinés par la fille aux yeux de miel, la
contemplant avec des sourires hébétés, résistant d’un même
sourire à toutes nos entreprises de communication. Je me souviens
comme ça l'agace, la pauvre (mais moi je trouve ça rigolo). Je me
souviens de notre tentative pour squatter en seconde classe avec nos
billets troisième classe, de l’intraitable contrôleur qui nous
somme de regagner notre compartiment. Je me souviens comme ça
l'agace, la pauvre (mais moi je trouve ça rigolo). Je me souviens
d’un ciel au crépuscule, avec des nuages multiformes, qui ne
ressemble à aucun autre ciel que j’aie jamais vu ni avant ni
depuis. Je me souviens comme ça la laisse indifférente, elle qui
d'habitude tombe en transe devant le moindre arbuste (mais moi je
trouve ça magnifique). Je pourrais bien, finalement, être aussi
cool
qu'elle. Je me souviens de nos récits de désert, de son safari en
duo avec un camel
driver
lubrique, qui n'a rien osé tenter mais qui aurait bien voulu. Je me
souviens que nous évoquons les inaccessibles et irrésistibles
Indiennes avec Michael. Comme il a une copine en France, je glisse
que « de toutes façons t'es maqué ». Je me fiche
éperdument de son couple, je veux juste m'assurer qu'il ne tentera
rien avec la fille aux yeux de miel. « Oh, tu sais, je suis
parti pour des mois… alors si une occasion se présente de vivre un
truc chouette, ça restera mon jardin secret et voilà tout… ».
Et merde ! Je me souviens qu'à la fin, la fatigue me fait
badder.
Je me souviens qu'elle me demande si ça va, que je lui mens une fois
encore : « Je suis naze, c'est tout ». Vers la fin
du périple, j’écris ces mots : « Impossible de dormir
et je sais qu’à ce stade, je ne suis plus en condition de penser
de façon structurée, seulement de ressentir des intuitions qui me
déplaisent. Je ne peux me fier à rien dans cet état où tout est
fossé par l'épuisement, et je déteste décidément ces moments
entre la porte qui se ferme et la porte qui s’ouvre ». Finalement,
nous arrivons à Gokarna, un village minuscule et charmant dont le
nom signifie « oreille de vache », encore un lieu sacré
pour les hindous. L'Inde du Sud, je le vois tout de suite, est plus
détendue, plus smooth
que l'Inde du Nord. Nous vidons une partie de nos sacs à dos dans le
coffre d'une guesthouse.
Le bon sens voudrait que nous prenions un rickshaw,
mais nous entreprenons avec je ne sais quelle détermination
surhumaine de marcher une heure à travers les collines. Jusqu’à,
enfin, atteindre Om Beach.
Parvenu
à destination, il nous faut louer non pas des chambres mais des
huttes.
La logique, l'évidence, voudrait qu'elle et moi prenions une hutte à
deux. Ou alors que nous en prenions une chacun. Mais avant que
quiconque n'ait le temps de suggérer quoi que ce soit, la fille aux
yeux de miel proclame sa décision : « Bon, on prend une
hutte à trois, alors ? ». Je devrais protester, mais que
dire ? Une fois encore je me tais. Ivre de fatigue, je m'écroule
avec eux dans la petite cahute et nous dormons une éternité.
Au
réveil, j'essaie de ranimer ma bonne humeur, mais cette histoire de
hutte m'a achevé. Sans la hutte, je suis fichu. Tous mes plans
tombent à l'eau. Il ne s'agissait pas, bien sûr, de lui sauter
dessus dès la première nuit. Mais la présence de Michaël rend
tout impossible.
Et là, je ne sais pas ce qui m'arrive. Le poids de toutes les
épreuves que j'ai traversées depuis un an me retombe sur les
épaules. Les babapunks qui veulent ma peau, la pression incessante liée à mes projets artistiques, la fatigue, l'abus d'alcool et autres substances, la mort de ma mère, la connerie de mon père, l'obligation de me faire
chier vingt-quatre heures par semaines à jouer à « l'agent de
sécurité » pour le fric, ces deux longues années sans
véritable histoire d'amour ni vacances, les interrogations qu'on a à
vingt-quatre ans quand on n'a pas un diplôme pour attester d'une
culture générale pourtant excellente, pas une compétence
professionnelle en dehors du si précaire domaine de la culture. Et
bien-sûr, et surtout, la fille aux yeux de miel qui n'est pas
amoureuse de moi, qui n'arrête pas de m'annoncer des trucs de merde
et de me demander avec candeur si « ça ne me dérange pas »…
Parvenu
au soir, tout le monde festoie autour d'un feu de camp et je me tire
à l'écart avec mon stylo et mon cahier. Je me sens totalement
abattu. Fatalement déprimé. Elle vient me voir plusieurs fois,
Michaël également. Mon changement soudain d'attitude les étonne,
les inquiète. Je leur répète comme un mantra que
« tout-va-bien-j'ai-juste-un-coup-de-blues-j'ai-besoin-d'être-seul-ça-va-passer ».
Au moment de se coucher, j'annonce que je me sens à l'étroit dans
cette hutte, qu'il fait trop chaud et qu'on est trop nombreux. Je
m'en vais dormir à la belle étoile, sur la plage. Et comme cette
nouvelle excentricité les affole de plus belle, j'affirme que ça
ira mieux demain.
Mais
ça ne va pas mieux demain. Je sombre d'heure en heure dans une
déprime inextricable et profonde. Avec le recul, ou vu de
l'extérieur, ça peut paraître ridicule. Ça me
paraît déjà ridicule sur
le moment.
OK il y a cette histoire de Michaël. Mais si j'étais au summum de
mon groove,
je me débrouillerais pour passer des moments seul avec elle. Je
jouerais le jeu du mec hyper-sociable, je copinerais avec tout le
monde et je serais si cool
qu'elle me mangerait dans la main. Il y aurait bien, alors, un moment
propice pour l'embrasser. Et sinon je pourrais lui proposer une hutte
à deux à Hampi, qui est la destination suivante. Je pourrais même
penser à long terme, prendre sur moi ici pour être à ce point cool
qu'elle craquera plus tard en France. Elle m'aime. Elle n'est pas
amoureuse de moi mais elle m'aime. Elle me trouve séduisant. Elle a
aimé se faire câliner. C'est juste que, par quelque obstination
stupide du genre qu'en ont les filles, elle a décrété
que je serais son ami
et pas son mec.
C'est vraiment ça : un décret.
Elle n'a pas l'ombre
d'une raison valable... Avec un peu de jugeote et beaucoup de
patience, je pourrais désamorcer ça. Bref, je suis ridicule, je le
sais, et le fait de le savoir me plonge plus profondément encore
dans ma dépression
spontanée.
Pour couronner le tout, Om Beach est une sorte d’oasis
paradisiaque, totalement coupé du monde. Une plage, des huttes et
des paillotes encastrées entre la jungle et les collines d'un côté,
l'Océan Indien de l'autre. On ne peut pas imaginer pire
endroit
pour déprimer, précisément parce que tout
est
conçu pour ne
pas
déprimer ! C'est beau. Tout le monde est détendu. Le soleil
brille. Il fait chaud. Le sable, les palmiers, la nature, la mer. On
aperçoit même des putains de dauphins au loin ! Déprimer ici
implique d'être vraiment pas
bien dans sa tête.
Et cette idée-là vient encore
s'ajouter à la montagne de choses qui me désolent !
La
dernière phase du voyage s'annonce glauque...
Expérience
suivante : The Om Beach Experience (Pt. 2).
3 janvier 2012
La Compagnizz, la série : épisode 11 - Les grands projets de Denis Lecarme
Je viens de me souvenir qu'il restait trois épisodes inédits du feuilleton de La Compagnizz. Presque deux ans après l'épisode 10, voici donc... l'épisode 11 ^^
Dans ce nouvel épisode, vous allez découvrir que Denis Lecarme n'est pas sans ambition, même si sa collègue Lucile Brisset n'est pas toujours aussi enthousiaste que lui !
La Compagnizz, la série : épisode 11 - Les grands projets de Denis Lecarme
A la semaine prochaine pour un nouvel épisode !!!
Explications et épisode 1 ici.
Épisode 2 ici.
Épisode 3 ici.
Épisode 4 ici.
Épisode 5 ici.
Épisode 6 ici.
Épisode 7 ici.
Épisode 8 ici.
Épisode 9 ici.
Épisode 10 ici.
La Compagnizz, la série : épisode 11 - Les grands projets de Denis Lecarme
A la semaine prochaine pour un nouvel épisode !!!