« Chez Homère, chez Tolstoï, la guerre possédait un sens tout à fait intelligible : on se battait pour la belle Hélène ou pour la Russie. (…) Mais quel est donc le moteur d’une guerre si ce n’est ni Hélène ni la patrie ? La simple force voulant s’affirmer comme force ? Cette « volonté de volonté » dont parlera plus tard Heidegger ? Pourtant, n’a-t-elle pas été derrière toutes les guerres depuis toujours ? Si, bien entendu. (…) Pourquoi l’Allemagne hier, la Russie aujourd’hui veulent-elles dominer le monde ? Pour être plus riches ? Plus heureuses ? Non. L’agressivité de la force est parfaitement désintéressée ; immotivée ; elle ne veut que son vouloir ; elle est le pur irrationnel. »
Milan Kundera, L’art du roman.
Ramenée d’un niveau global, politique, à un niveau personnel, cette citation de Milan Kundera me semble illustrer parfaitement la nature des conflits entre individus : familiaux, en couple, entre collègues, entre voisins ou entre ivrognes dans les ruelles sombres. Rétroactivement il m’apparaît qu’il ne se cachait pas autre chose derrière tous les conflits dont j’ai, au cours de ma vie, été acteur ou témoin. À bien y réfléchir alors, derrière toutes les raisons, les excuses que l’on s’invente pour déclencher une engueulade, il convient de se souvenir qu’il ne s’agit en fait que d’un désir de domination, de démonstration de force et donc d’ego. Garder cela en tête peut être un moyen d’éviter de se laisser entraîner dans la spirale de la discorde. Car sans toutes les bonnes raisons que l’on se trouve pour justifier l’agression et/ou la réponse à l’agression, ne se sentirait-on pas ridicule, bête, vain, si l’on admettait qu’il ne s’agit en fait que d’affirmer sa volonté sur celle de l’autre ? Sans raison. Par pur principe. Par pur désir d’être « le plus fort. » Nous sommes, en fait, infantiles et risibles à chaque fois que nous nous laissons entraîner dans un conflit.
Bonne année à tous !