6 décembre 2016

The China Experience – 44/ The Longest Way Home Experience

Premier voyage en Chine, septembre-novembre 2002

Expérience précédente : The Yangshuo Experience (pt. 3).
Décollage ici.

24 novembre 2002 – 27 novembre 2002, The Longest Way Home Experience, de Shenzhen (Guangdong) à Lyon (France) en passant par Hong-Kong (Hong-Kong), Frankfort (Allemagne) et Paris (France)

Quatre petits jours peuvent paraître dérisoires en comparaison des huit jours de la Long Way Home Experience, mais je vous jure que ça a été long ! Les treize heures d'avion, en particulier, m'ont semblé durer un an ! Et comme nous le verrons, je n'étais pas au bout de mes peines une fois arrivé à Francfort.

Iris vient me chercher à l'arrêt de bus et je pénètre chez elle dans un état de fatigue nerveuse qui dépasse l'imagination. Ses parents ont un grand appartement cosy avec trois domestiques, et je fais la connaissance d'Anaïs, la fille d'Iris. Je raconte ce qui vient de m'arriver à Iris, l'épouvantable Yangshuo Experience, le fait que je risque dans cette affaire de perdre la femme de ma vie. Je répète comme un mantra : « If I don't get her back, my whole life is fucked-up! ». Je le crois sincèrement et Iris fait preuve d'une compréhension sans bornes. Elle n'est absolument pas choquée par la conviction qui m'anime, toute cette histoire de karma et de réincarnation. Pendant vingt-quatre heures, elle me nourrit et m'écoute. Nous avons de profondes conversations sur le sens de nos existences respectives. Je suis dans un tel état que je ne fume même plus de clopes. Je me nourris avec peine mais la nourriture est si bonne que je me laisse amadouer. De toute manière c'est à peine si Iris ne me colle pas la bouffe de force dans la bouche. Elle m'envoie sous la douche, me prête des fringues et confie tout ce que j'ai sur le dos à la femme de ménage pour un lavage-séchage express. Elle est décidée à me remettre sur pied en vingt-quatre heures, au moins assez pour que je ressemble à quelque chose en retrouvant ma princesse indienne au retour. Iris est aussi une grande râleuse, qui peste inlassablement contre sa sœur, les domestiques, son mari, les Chinois en général. Ses récriminations, loin de me gonfler, me permettent au contraire de penser à autre chose. J'aperçois les parents et la sœur. Celle-ci passe en coup de vent, hyper bichonnée, avant d'aller à quelque soirée. Sa superficialité, son côté speed et mondain, exaspèrent Iris. Mon bref séjour à Shenzhen passe comme un tourbillon, j'en ai peu de souvenirs. Anaïs, petite fille timide et adorable qui m'invite à jouer avec elle. Un supermarché immense dans lequel Iris me traîne, où je contemple des kilomètres de rayons pour la plupart emplis d'aliments que je n'arrive absolument pas à identifier. Un bar chic où nous allons boire du thé. On se couche tard, je dors à peine. Le lendemain, Iris me dépose dans une rame de métro, qui doit me conduire à l'aéroport. Nous nous reverrons à plusieurs reprises, à Paris.

Le vol, disais-je, est un cauchemar interminable. Je ne supporte pas l'attente, je ne supporte pas de ne pas pouvoir m'attaquer tout de suite à mon problème. Je réalise que j'ai dormi quatre heures en trois jours, mais en dépit de cela, je ne parviens pas à fermer l'œil. De temps en temps, je vais m'enfermer dans les WC pour chialer, ça aide un peu. Je passe le reste du vol à élaborer un plan pour reconquérir mon indienne. Je construis ma stratégie par écrit, avec une précision mathématique assez saisissante, compte-tenu de la fatigue et du chaos qui règne dans ma tête. Je rédige un véritable mémoire, avec une structure argumentative, des parties, des sous-parties, des petits trucs à faire pour la faire craquer. Cela peut sembler calculateur, inhumain, incompatible avec la spontanéité que l'on voudrait prêter à l'amour. C'est juste une stratégie de survie. Compte-tenu des enjeux, je ne peux rien laisser au hasard dans cette affaire ! Et puis ma princesse est complètement paumée, en plein délire : nous avons une vie à vivre ensemble, je dois la sauver d'elle-même ! À ce stade, j'ignore tout de mon rival, je ne peux donc que miser sur mes points forts et ceux de notre relation. Je trouverai plus tard les éléments pour le miner. Je connais ma princesse, je sais qu'une fois devant elle, je lirai en elle comme dans un livre ouvert. Cette empathie me permettra d'ajuster ma stratégie à ses réactions en temps réel, et ce qu'elle me révèle ou non ses pensées. Lorsque j'ai tout écris, j'apprends mon plan par cœur. J'écris aussi que je suis épuisé de mener une vie aussi hystérique, que je ne peux pas continuer à vivre dans l'extrême comme ça, que j'ai besoin de me poser, d'avoir la paix !

Je parviens à Francfort : plus que quatre heures. Deux heures d'attente, une heure d'avion jusqu'à Lyon, une demi-heure de trajet, et je serai en mesure de passer à l'action. Il est convenu qu'on s'explique dès mon arrivée. Elle m'a au moins accordé ça. Je prends conscience que je suis en Europe. Cette pensée me fait tout bizarre.

Horreur ! Le vol pour Lyon est annulé ! Il y a grève des aéroports. Ces enculés de Lufthansa m'expliquent qu'ils peuvent me payer une chambre d'hôtel jusqu'à-ce que le trafic reprenne et que cela peut prendre des jours, mais que si je décide de prendre le train, ils ne paieront pas le billet. Comment rester dans cette attente ? J'appelle mon meilleur ami qui devait venir me chercher à l'aéroport et lui dis de laisser tomber. J'appelle ma princesse indienne et nous convenons que je la rappelle le lendemain matin, dès que je saurais à quelle heure nous pouvons nous voir. Elle est d'une froideur encore plus insupportable que l'autre jour. Je fonce à la gare et saute dans un train pour Paris (Dieu merci, il y en a un tout de suite !). Là, je parle avec un Black pendant dix minutes et je m'endors comme une pierre sur ma couchette. Dormir, enfin !

J'arrive à Paris vers huit heures du matin. Je suis un peu reposé mais comme en état de choc. J'écris que mon âme est tuméfiée. Lorsque j'essaie de prendre un billet de train pour Lyon, la machine refuse ma carte bleue : il me restait juste de quoi payer mon billet Francfort-Paris. Qu'ils aillent au diable ! Je n'ai jamais fraudé dans le train de ma vie mais je n'ai guère le choix. Je rappelle ma princesse. Ce n'est plus de la froideur cette voix, c'est la banquise. Ça ne lui coûterait pourtant rien d'être aimable, ce serait même la moindre des choses ! J'ai envie de la gifler pour son attitude glaciale ! J'appelle aussi ma meilleure amie pour lui demander de venir me chercher à la gare. Je suis à ce point abattu que je ne me sens même plus la force d'aller seul jusque chez elle. Dans le train, le contrôleur me met une prune. Ma carte d'identité indique mon ancienne adresse. Je ne recevrai jamais l'amende, je l'attends toujours. Je passe les deux heures de trajet à ressasser mon plan de reconquête. Mon cerveau tourne en circuit fermé, en boucles infernales, ça ne peut plus durer, il faut que j'agisse.

Dans la station de métro de la gare Lyon Perrache, une femme s'approche de moi, avec un bébé dans les bras. Ma meilleure amie. Son regard bienveillant est la meilleure chose qui me soit arrivée depuis une semaine. Et ce bébé, qui me contemple un peu étonné. Mon filleul, que j'ai tant attendu, à peine eu le temps de connaître avant de partir. Mon amie sait, bien-sûr, dans quel calvaire je suis embarqué. Enfin une bouée de sauvetage, quelqu'un de proche à qui parler ! Je les serre longuement dans mes bras, et nous allons chez elle. Dans moins d'une heure, j'ai rendez-vous avec ma princesse.


1 commentaire:

Mandy Rukwa a dit…

tu édites quand ?...au compte gouttes ça me suffit pas ! :)

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