Premier
voyage en Chine, septembre-novembre
2002
Expérience
précédente : The Yangshuo Experience (pt. 3).
24
novembre 2002 – 27 novembre 2002, The
Longest Way Home Experience,
de Shenzhen (Guangdong) à Lyon (France) en passant par Hong-Kong
(Hong-Kong), Frankfort (Allemagne) et Paris (France)
Quatre
petits jours peuvent paraître dérisoires en comparaison des huit
jours de la Long Way Home Experience,
mais je vous jure que ça a été long ! Les treize heures
d'avion, en particulier, m'ont semblé durer un an ! Et comme
nous le verrons, je n'étais pas au bout de mes peines une fois
arrivé à Francfort.
Iris
vient me chercher à l'arrêt de bus et je pénètre chez elle dans
un état de fatigue nerveuse qui dépasse l'imagination. Ses parents
ont un grand appartement cosy
avec trois domestiques, et je fais la connaissance d'Anaïs, la fille
d'Iris. Je raconte ce qui vient de m'arriver à Iris, l'épouvantable
Yangshuo
Experience,
le fait que je risque dans cette affaire de perdre la femme de ma
vie. Je répète comme un mantra : « If I don't get her
back, my whole life is fucked-up! ». Je le crois sincèrement
et Iris fait preuve d'une compréhension sans bornes. Elle n'est
absolument pas choquée par la conviction qui m'anime, toute cette
histoire de karma et de réincarnation. Pendant vingt-quatre heures,
elle me nourrit et m'écoute. Nous avons de profondes conversations
sur le sens de nos existences respectives. Je suis dans un tel état
que je ne fume même plus de clopes. Je me nourris avec peine mais la
nourriture est si bonne que je me laisse amadouer. De toute manière
c'est à peine si Iris ne me colle pas la bouffe de force dans la
bouche. Elle m'envoie sous la douche, me prête des fringues et
confie tout ce que j'ai sur le dos à la femme de ménage pour un
lavage-séchage express.
Elle est décidée à me remettre sur pied en vingt-quatre heures, au
moins assez pour que je ressemble à quelque chose en retrouvant ma
princesse indienne au retour. Iris est aussi une grande râleuse, qui
peste inlassablement contre sa sœur, les domestiques, son mari, les
Chinois en général. Ses récriminations, loin de me gonfler, me
permettent au contraire de penser à autre chose. J'aperçois les
parents et la sœur. Celle-ci passe en coup de vent, hyper bichonnée,
avant d'aller à quelque soirée. Sa superficialité, son côté
speed et mondain, exaspèrent Iris. Mon bref séjour à Shenzhen
passe comme un tourbillon, j'en ai peu de souvenirs. Anaïs, petite
fille timide et adorable qui m'invite à jouer avec elle. Un
supermarché immense dans lequel Iris me traîne, où je contemple
des kilomètres de rayons pour la plupart emplis d'aliments que je
n'arrive absolument pas à identifier. Un bar chic où nous allons
boire du thé. On se couche tard, je dors à peine. Le lendemain,
Iris me dépose dans une rame de métro, qui doit me conduire à
l'aéroport. Nous nous reverrons à plusieurs reprises, à Paris.
Le
vol, disais-je, est un cauchemar interminable. Je ne supporte pas
l'attente, je ne supporte pas de ne pas pouvoir m'attaquer tout de
suite à mon problème. Je réalise que j'ai dormi quatre heures en
trois jours, mais en dépit de cela, je ne parviens pas à fermer
l'œil. De temps en temps, je vais m'enfermer dans les WC pour
chialer, ça aide un peu. Je passe le reste du vol à élaborer un
plan pour reconquérir mon indienne. Je construis ma stratégie par
écrit, avec une précision mathématique assez saisissante,
compte-tenu de la fatigue et du chaos qui règne dans ma tête. Je
rédige un véritable mémoire, avec une structure argumentative, des
parties, des sous-parties, des petits trucs à faire pour la faire
craquer. Cela peut sembler calculateur, inhumain, incompatible avec
la spontanéité que l'on voudrait prêter à l'amour. C'est juste
une stratégie de survie. Compte-tenu des enjeux, je ne peux rien
laisser au hasard dans cette affaire ! Et puis ma princesse est
complètement paumée, en plein délire : nous avons une vie à
vivre ensemble, je dois la sauver d'elle-même ! À
ce stade, j'ignore tout de mon rival, je ne peux donc que miser sur
mes points forts et ceux de notre relation. Je trouverai plus tard
les éléments pour le miner. Je connais ma princesse, je sais qu'une
fois devant elle, je lirai en elle comme dans un livre ouvert. Cette
empathie me permettra d'ajuster ma stratégie à ses réactions en
temps réel, et ce qu'elle me révèle ou non ses pensées. Lorsque
j'ai tout écris, j'apprends mon plan par cœur. J'écris aussi que
je suis épuisé de mener une vie aussi hystérique, que je ne peux
pas continuer à vivre dans l'extrême comme ça, que j'ai besoin de
me poser,
d'avoir la paix !
Je
parviens à Francfort : plus que quatre heures. Deux heures
d'attente, une heure d'avion jusqu'à Lyon, une demi-heure de trajet,
et je serai en mesure de passer à l'action. Il est convenu qu'on
s'explique dès mon arrivée. Elle m'a au moins accordé ça. Je
prends conscience que je suis en Europe. Cette pensée me fait tout
bizarre.
Horreur !
Le vol pour Lyon est annulé ! Il y a grève des aéroports. Ces
enculés de Lufthansa m'expliquent qu'ils peuvent me payer une
chambre d'hôtel jusqu'à-ce que le trafic reprenne et que cela peut
prendre des jours, mais que si je décide de prendre le train, ils ne
paieront pas le billet. Comment rester dans cette attente ?
J'appelle mon meilleur ami qui devait venir me chercher à l'aéroport
et lui dis de laisser tomber. J'appelle ma princesse indienne et nous
convenons que je la rappelle le lendemain matin, dès que je saurais
à quelle heure nous pouvons nous voir. Elle est d'une froideur
encore plus insupportable que l'autre jour. Je fonce à la gare et
saute dans un train pour Paris (Dieu merci, il y en a un tout de
suite !). Là, je parle avec un Black pendant dix minutes et je
m'endors comme une pierre sur ma couchette. Dormir, enfin !
J'arrive
à Paris vers huit heures du matin. Je suis un peu reposé mais comme
en état de choc. J'écris que mon âme est tuméfiée.
Lorsque j'essaie de prendre un billet de train pour Lyon, la machine
refuse ma carte bleue : il me restait juste de quoi payer mon
billet Francfort-Paris. Qu'ils aillent au diable ! Je n'ai
jamais fraudé dans le train de ma vie mais je n'ai guère le choix.
Je rappelle ma princesse. Ce n'est plus de la froideur cette voix,
c'est la banquise. Ça ne lui coûterait pourtant rien d'être
aimable, ce serait même la moindre des choses ! J'ai envie de
la gifler pour son attitude glaciale ! J'appelle aussi ma
meilleure amie pour lui demander de venir me chercher à la gare. Je
suis à ce point abattu que je ne me sens même plus la force d'aller
seul jusque chez elle. Dans le train, le contrôleur me met une
prune. Ma carte d'identité indique mon ancienne adresse. Je ne
recevrai jamais l'amende, je l'attends toujours. Je passe les deux
heures de trajet à ressasser mon plan de reconquête. Mon cerveau
tourne en circuit fermé, en boucles infernales, ça ne peut plus
durer, il faut que j'agisse.
Dans
la station de métro de la gare Lyon Perrache, une femme s'approche
de moi, avec un bébé dans les bras. Ma meilleure amie. Son regard
bienveillant est la meilleure chose qui me soit arrivée depuis une
semaine. Et ce bébé, qui me contemple un peu étonné. Mon filleul,
que j'ai tant attendu, à peine eu le temps de connaître avant de
partir. Mon amie sait, bien-sûr, dans quel calvaire je suis
embarqué. Enfin une bouée de sauvetage, quelqu'un de proche à qui
parler ! Je les serre longuement dans mes bras, et nous allons
chez elle. Dans moins d'une heure, j'ai rendez-vous avec ma
princesse.
Prochaine
expérience : An epilogue 2 The China Experience: The Super-Hero Experience.
1 commentaire:
tu édites quand ?...au compte gouttes ça me suffit pas ! :)
Enregistrer un commentaire