19 novembre 2016

The China Experience – 42/ The Yangshuo Experience (Pt. 2)

Premier voyage en Chine, septembre-novembre 2002

Expérience précédente : The Yangshuo Experience (Pt. 1).
Décollage ici.


18 novembre 2002 – 24 novembre 2002 : The Yangshuo Experience, Yuangshuo (Guangxi)

Troisième journée à Yangshuo. Je me réveille et je ne me souviens pas. Puis ça surgit dans mon esprit. J'ai fait un mauvais rêve, rien n'est arrivé. Puis si. La douleur revient aussi sec, toujours aussi physique. J'essaie de nier, tente de me rendormir mais il n'y a rien à faire. Je ne peux pas nier. Je ne peux pas modifier le réel. Je ne peux pas fuir. Je me lève et affronte mon visage livide dans le miroir.

Histoire d'en ajouter une couche, le ciel est gris, il pleut et il fait même un peu froid ! Troidoublevé.deprime.cn. J'aurais pourtant bien besoin de soleil. Je songe peu à peu aux conséquences pratiques. L'une d'entre elle me rend fou de rage. J'avais trouvé un pur plan taf alimentaire : en gros c'était de la prise de rendez-vous pour une banque, sauf que l'ordinateur composait les numéros, que les gens répondaient genre une fois toutes les quinze minutes (pour des entretiens d'une minute en moyenne). Le reste du temps, nous étions autorisés à lire, et je m'enfilais environ un roman par jour, en raison de six heures de travail quotidien. Les horaires étaient cool et de surcroît souples : comme j'étais payé à l'heure et non au mois, je pouvais ne pas y aller les jours de répétitions, dès-lors que j'annonçais mes absences une semaine à l'avance. Bref, j'avais pour projet de reprendre ce job à mon retour. Mais j'ai refilé le plan à ma princesse indienne qui, elle-même artiste à la dèche, avait besoin d'un job alimentaire. Il est évidemment impensable que je travaille tous les jours avec elle, sachant qu'elle va ensuite baiser avec un fils de pute ! La dignité, la décence voudrait qu'elle quitte le job dès mon retour, pour me laisser la place. C'est ce que je ferais à sa place. Mais au vu de l'égoïsme, de l'absence totale de scrupule dont elle fait preuve (si elle voulait me quitter sans rien me dire pour ne pas me laisser seul dans ma détresse à l'autre bout du monde, la décence eut voulu qu'elle me mente habilement jusqu'au bout, plutôt que de me laisser dans un silence qui révélait tout !), je songe que la garce refusera de lâcher un aussi bon plan et tant pis pour ma gueule si je suis dans la merde ! Je ne veux plus jamais la voir ni entendre parler d'elle, je la qualifie de divers noms d'oiseaux mais au bout du compte, je sais qu'elle va me manquer. Je peux bien être en colère autant que je veux, ma tendresse pour elle est plus forte...

Comment a-t-elle pu me faire ça ? Comment une femme peut-elle affirmer vouloir se marier et fonder une famille avec un homme et deux semaines plus tard se jeter dans les bras du premier venu ? Comment ? Tromper sur un dérapage, passer une nuit avec quelqu'un parce que l'attirance est la plus forte et se ressaisir le lendemain, je peux le comprendre. Mais me quitter ! Après tout ce qui a été dit ! Les êtres humains sont-ils à ce point, pourris, faibles, menteurs, lâches ? Il y a quelque chose de très révélateur, au fond, dans la manière dont cette histoire personnelle me renvoie à un rapport plus large avec l'humanité tout entière...

Je parviens pourtant à trouver, Dieu sait où, la force d'aller un peu mieux. Je passe la soirée au Happy Star Café. Je parle longtemps avec Sunny et plus la bière me monte à la tête, plus je la trouve ravissante. Je ne tente rien, mais Sunny n'est pas idiote et elle finit, spontanément, par me dire qu'elle me trouve charmant et que c'est bien dommage que je parte dans trois jours... Traduction : elle n'est pas une fille facile et, si elle est ouverte à l'idée d'une histoire d'amour, elle ne couche pas avec les touristes de passage. Après ça je retrouve Johnson et ses amis et, je ne sais comment, nous avons une interminable conversation à propos de la patience. Je bois jusqu'à n'en plus pouvoir et me réfugie dans un sommeil libérateur.

Quatrième jour à Yangshuo. Au réveil, même cérémonie que la veille : j'ai oublié, je me rappelle, l'effroi m'envahit...

À peine me suis-je assis en terrasse que le flûtiste revient me harceler avec sa musique de merde (le but du procédé étant de vendre ses flûtes pourries aux touristes). Je ne mesure toujours pas le gag a répétition dont je suis l'objet, ni l'ironie morbide de la coïncidence. En toute candeur, je note : « Putain, ce joueur de flûte me tape sur les nerfs ! Je le HAIS ! ». Je me traîne toute la journée une envie de vomir abominable, qui n'a absolument rien à voir avec ma gueule de bois. C'est juste un dégoût sans borne qui s'est emparé de moi, un besoin de gerber la douleur hors de moi !

La veille, j'ai promis à Johnson de contribuer à l'un de ses cours d'anglais. C'est une séance de perfectionnement, avec des élèves confirmés. Le but est essentiellement de les faire pratiquer dans le contexte de conversations authentiques. Les étudiants sont tous plus adorables les uns que les autres. Une heure durant, je mets un peu mes problèmes de côté et passe un relatif bon moment. Mais dès la fin du cours le malaise revient au grand galop.

Contrairement aux deux premiers jours, la douleur ne s'atténue pas au fur et à mesure que la journée passe, mais au contraire empire. Alors je décide qu'il n'y a que la bière pour me soulager un peu, ce qui d'ailleurs n'est pas faux. Je reprends mon rituel alcoolisé dès l'heure de l'apéro, passe ensuite la soirée à picoler Dieu sait où avec Dieu sait qui en parlant de Dieu sait quoi (je n'en conserve ni souvenirs ni notes). Sur le chemin du retour, une vieille femme me hèle et me demande si je veux un massage, pour cinquante yuans. Compte-tenu de l'heure je me doute bien de la teneur du « massage » en question. Je suis tellement amer, tellement écœuré de tout, que j'hésite une seconde à accepter. Puis je me souviens que je ne fais pas ces choses-là, alors je trace mon chemin.


Prochaine expérience : The Yanghuo Experience (Pt. 3).

1 commentaire:

Claude Curutchet a dit…

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