Premier
voyage en Chine, septembre-novembre
2002
Expérience
précédente : The Yangshuo Experience (Pt. 1).
18
novembre 2002 – 24 novembre 2002 : The
Yangshuo Experience,
Yuangshuo (Guangxi)
Troisième
journée à Yangshuo. Je me réveille et je ne me souviens pas. Puis
ça surgit dans mon esprit. J'ai fait un mauvais rêve, rien n'est
arrivé. Puis si. La douleur revient aussi sec, toujours aussi
physique.
J'essaie de nier, tente de me rendormir mais il n'y a rien à faire.
Je ne peux pas nier. Je ne peux pas modifier le réel. Je ne peux pas
fuir. Je me lève et affronte mon visage livide dans le miroir.
Histoire
d'en ajouter une couche, le ciel est gris, il pleut et il fait même
un peu froid ! Troidoublevé.deprime.cn. J'aurais pourtant bien
besoin de soleil. Je songe peu à peu aux conséquences pratiques.
L'une d'entre elle me rend fou de rage. J'avais trouvé un pur plan
taf alimentaire : en gros c'était de la prise de rendez-vous
pour une banque, sauf que l'ordinateur composait les numéros, que
les gens répondaient genre une fois toutes les quinze minutes (pour
des entretiens d'une minute en moyenne). Le reste du temps, nous
étions autorisés à lire, et je m'enfilais environ un roman par
jour, en raison de six heures de travail quotidien. Les horaires
étaient cool et de surcroît souples : comme j'étais payé à
l'heure et non au mois, je pouvais ne pas y aller les jours de
répétitions, dès-lors que j'annonçais mes absences une semaine à
l'avance. Bref, j'avais pour projet de reprendre ce job à mon
retour. Mais j'ai refilé le plan à ma princesse indienne qui,
elle-même artiste à la dèche, avait besoin d'un job alimentaire.
Il est évidemment impensable que je travaille tous les jours avec
elle, sachant qu'elle va ensuite baiser avec un fils de pute !
La dignité, la décence voudrait qu'elle quitte le job dès mon
retour, pour me laisser la place. C'est ce que je ferais à sa place.
Mais au vu de l'égoïsme, de l'absence totale de scrupule dont elle
fait preuve (si elle voulait me quitter sans rien me dire pour ne pas
me laisser seul dans ma détresse à l'autre bout du monde, la
décence eut voulu qu'elle me mente habilement jusqu'au bout, plutôt
que de me laisser dans un silence qui révélait tout !), je
songe que la garce refusera de lâcher un aussi bon plan et tant pis
pour ma gueule si je suis dans la merde ! Je ne veux plus jamais
la voir ni entendre parler d'elle, je la qualifie de divers noms
d'oiseaux mais au bout du compte, je sais qu'elle va me manquer. Je
peux bien être en colère autant que je veux, ma tendresse pour elle
est plus forte...
Comment
a-t-elle pu me faire ça ? Comment une femme peut-elle affirmer
vouloir se marier et fonder une famille avec un homme et deux
semaines plus tard se jeter dans les bras du premier venu ?
Comment ? Tromper sur un dérapage, passer une nuit avec
quelqu'un parce que l'attirance est la plus forte et se ressaisir le
lendemain, je peux le comprendre. Mais me quitter !
Après tout ce qui a été dit ! Les êtres humains sont-ils à
ce point, pourris, faibles, menteurs, lâches ? Il y a quelque
chose de très révélateur, au fond, dans la manière dont cette
histoire personnelle me renvoie à un rapport plus large avec
l'humanité tout entière...
Je
parviens pourtant à trouver, Dieu sait où, la force d'aller un peu
mieux. Je passe la soirée au Happy Star Café. Je parle longtemps
avec Sunny et plus la bière me monte à la tête, plus je la trouve
ravissante. Je ne tente rien, mais Sunny n'est pas idiote et elle
finit, spontanément, par me dire qu'elle me trouve charmant et que
c'est bien dommage que je parte dans trois jours... Traduction :
elle n'est pas une fille facile et, si elle est ouverte à l'idée
d'une histoire d'amour, elle ne couche pas avec les touristes de
passage. Après ça je retrouve Johnson et ses amis et, je ne sais
comment, nous avons une interminable conversation à propos de la
patience. Je bois jusqu'à n'en plus pouvoir et me réfugie dans un
sommeil libérateur.
Quatrième
jour à Yangshuo. Au réveil, même cérémonie que la veille :
j'ai oublié, je me rappelle, l'effroi m'envahit...
À
peine me suis-je assis en terrasse que le flûtiste revient me
harceler avec sa musique de merde (le but du procédé étant de
vendre ses flûtes pourries aux touristes). Je ne mesure toujours pas
le gag a répétition dont je suis l'objet, ni l'ironie morbide de la
coïncidence. En toute candeur, je note : « Putain, ce
joueur de flûte me tape sur les nerfs ! Je le HAIS ! ».
Je me traîne toute la journée une envie de vomir abominable, qui
n'a absolument rien à voir avec ma gueule de bois. C'est juste un
dégoût sans borne qui s'est emparé de moi, un besoin de gerber la
douleur hors de moi !
La
veille, j'ai promis à Johnson de contribuer à l'un de ses cours
d'anglais. C'est une séance de perfectionnement, avec des élèves
confirmés. Le but est essentiellement de les faire pratiquer dans le
contexte de conversations authentiques. Les étudiants sont tous plus
adorables les uns que les autres. Une heure durant, je mets un peu
mes problèmes de côté et passe un relatif bon moment. Mais dès la
fin du cours le malaise revient au grand galop.
Contrairement
aux deux premiers jours, la douleur ne s'atténue pas au fur et à
mesure que la journée passe, mais au contraire empire. Alors je
décide qu'il n'y a que la bière pour me soulager un peu, ce qui
d'ailleurs n'est pas faux. Je reprends mon rituel alcoolisé dès
l'heure de l'apéro, passe ensuite la soirée à picoler Dieu sait où
avec Dieu sait qui en parlant de Dieu sait quoi (je n'en conserve ni
souvenirs ni notes). Sur le chemin du retour, une vieille femme me
hèle et me demande si je veux un massage, pour cinquante yuans.
Compte-tenu de l'heure je me doute bien de la teneur du « massage »
en question. Je suis tellement amer, tellement écœuré de tout, que
j'hésite une seconde à accepter. Puis je me souviens que je ne fais
pas ces choses-là, alors je trace mon chemin.
Prochaine
expérience : The Yanghuo Experience (Pt. 3).
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