Premier
voyage en Chine, septembre-novembre
2002.
Décollage
ici.
Expérience
précédente : The Lijiang Experience (Pt. 19).
07
octobre 2002 – 02 novembre 2002 : The Lijiang Experience,
Lijiang (Yunnan).
Vingtième
jour. Je me lève tôt afin d'aller récupérer au bureau de poste
les trois-cent euros qui me permettront de terminer mon voyage. Je
profite de la longue journée qui s'annonce pour me remettre à mes
scénarios au Photo Café. Après cela, je tente ma chance dans un
sombre café aux étagères emplies de livres. Là, je trouve un
recueil de proverbes naxis. Ils sont transcrits dans l'écriture
hiéroglyphique de la minorité, en chinois et en anglais. Je
m'attends à découvrir quelque sagesse ancestrale, mais je tombe en
lieu et place sur de la poésie surréaliste. Je m'empresse d'acheter
le livre et de traduire en français les proverbes les plus
hallucinants. Les voici tels quels, et comprenne qui pourra :
-
Il est interdit de se moucher dans l'eau de la rivière.
-
Les mille-pattes sucent le cerveau des serpents.
-
Le ciel n'est pas haut et la terre n'est pas grande si l'on ne coupe
pas l'autre fantôme.
-
Une grenouille maudit le paradis.
-
Réparez la porte du chien après que le léopard ait volé la
chienne.
-
Jette une pierre en l'air pour qu'elle te retombe sur la tête.
-
Les jolies fleurs en papier ne peuvent attirer les abeilles.
-
Il est inutile de se cacher sous le lit pendant un orage.
-
Lorsque le tonnerre fait du bruit, la pluie est légère.
-
Enviez la belle danse des papillons, après laquelle les libellules
ne pourront que se pendre.
-
Les gens me voient me promener, mais ils ignorent ce que je mange
chez moi.
-
J'ai tout ce qu'ont les autres et je peux faire tout ce dont ils sont
incapables.
-
Se rencontrer trois fois par jours est ennuyeux pour tout le monde !
-
Occupe-toi de tes affaires et laisse-moi les miennes.
-
Un râteau aiguisé est inutile pour couper la viande. Les ragots ne
peuvent faire la loi.
Certains
m'évoquent beaucoup ma mondaine vie lyonnaise, je vous laisse
deviner lesquels.
Un
peu effaré par ma trouvaille, je montre le livre à Ming Xia, qui me
confirme que la traduction chinoise dit bien la même chose que la
traduction anglaise. Je m'enquiers du sens des proverbes les plus
obscurs, lui fait part de mon étonnement, mais Ming Xia trouve que
tout cela se tient parfaitement. Ainsi, j'apprends (c'est déjà
ça !) que « une grenouille maudit le paradis »
signifie que les petites gens maudissent ce qui leur est supérieur,
mais que leurs malédictions ne peuvent atteindre le haut paradis des
sages. Dans la foulée, je fais part à Ming Xia et Yanli d'une autre
découverte : j'ai lu qu'une insulte courante en Chine est
« wangba dan », c'est-à-dire « œuf de tortue ».
Les filles, pliées en deux, me confirment que oui, c'est une injure
assez répandue. De là, je ne sais comment, j'en viens à leur
décrire certaines scènes de Y-a-t'il
un flic pour sauver Hollywood
et Hot shots,
de sorte à les maintenir dans leur hilarité. Le recueil de
proverbes me fournit aussi une occasion de communiquer avec le
cuisinier naxi du Prague Café, un jeune homme souriant. Ravi de me
voir m'intéresser à sa langue natale, il m'explique la
signification des hiéroglyphes.
Photo : Dr. Ma Pingke |
Pour
le reste, les leçons quotidiennes suivent leur cours. Yosuke, quant
à lui, a les mêmes difficultés que moi à se décider à quitter
Lijiang, lui aussi envoûté par la magie de ces tendres journées.
Par
ailleurs, je commence à être plutôt copain avec les chiens du
Prague Café, le grand Xiaoxiong (prononcer « Shaishiong »)
et surtout le petit Xiaohe (prononcer « Shiaohé »), qui
se livrent à d'interminables fausses bagarres. Il faut dire qu'il
est difficile d'imaginer créature plus adorable que Xiaohe !
Noir et blanc, à peine plus gros qu'un chat, il a des allures de
petit mogwai en peluche. Sa frimousse adorable et son regard
attendrissant éveilleraient la sympathie des plus caninophobes !
Outre que nous nous amusons bien tous les deux, Xiaohe me fait une
petite farce qui aura, nous le verrons, les conséquences les plus
inattendues (et les plus dramatiques). Fort de la familiarité qui
nous lie désormais, Xiaohe a pénétré dans ma chambre et piqué ma
brosse à dents. Ce n'est que lorsqu'il la mâchonne avec flegme à
mes pieds, dans le café, que je prends conscience de l'amusante
exaction. N'ayant d'autre choix que de lui abandonner l'objet, je
pars m'en acheter une autre…
Prochaine
expérience : The Lijiang Experience (Pt. 20).
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