Premier
voyage en Chine, septembre-novembre
2002.
Décollage ici.
Expérience
précédente : The Lijiang Experience (Pt. 1).
07
octobre 2002 – 02 novembre 2002 : The Lijiang Experience,
Lijiang (Yunnan).
Le
second jour, M. Ma toque à ma porte à sept heures du matin et
m'annonce que les tenanciers souhaitent me changer de chambre. Dans
les choux, je réponds « Oui mais là je veux dormir ».
Par la suite on ne me demandera plus rien. Officiellement, ma chambre
est en fait un dortoir de trois lits, que j'espère conserver pour
moi seul. Personne, heureusement, ne viendra jamais y troubler ma
solitude. J'explore un peu la vieille ville et m'achète une petite
sacoche en bandoulière, pour transporter mon cahier et ma bouteille
d'eau. Quelques heures plus tard, la bandoulière craque sans crier
gare. Je la fais recoudre pour trois yuans (environ quarante centimes
d'euros), ce qui me vaut d'être sermonné par Caro et Olivier, deux
Français pingres qui passent par là et qui sont convaincus que je
me suis fait arnaquer (eux n'auraient payé que un
yuan). Je passe une petite heure en leur compagnie, puis m'assure que
ma connexion internet avec la France est bien réactivée.
Á
l'heure du dîner, je découvre les bals naxis. Comme je mange, une
musique chinoise envoûtante vient taquiner mes oreilles. Je me
dépêche de terminer mon plat afin d'aller voir ça de plus près et
j'atterris sur une petite place. La musique jaillit d'une grosse
paire d'enceintes et sept ou huit femmes dansent, toutes vêtues du
costume traditionnel naxi. Peu à peu, des Chinois de tous âges se
joignent à leur ronde. Ils sont bientôt une cinquantaine. Les
morceaux de musique durent entre dix et vingt minutes, constitués
chacun de boucles d'environ deux minutes, certaines instrumentales et
d'autres vocales. Á
chaque partie correspond une chorégraphie particulière (sans jamais
rompre la ronde), que chacun semble plus ou moins connaître. Autour
des danseurs, une foule regarde, régulièrement sollicitée pour se
joindre à la danse. Je refuse à une ou deux reprises, préférant
me délecter passivement du spectacle. Á
vrai dire, je suis assez bouleversé. De même que cette musique m'a
irrésistiblement attiré, cette ronde m'émeut presque aux larmes :
j'ai la certitude d'avoir déjà
vu ça quelque part. Je sais pourtant que je n'ai jamais assisté à
pareil spectacle. Pourtant, je ressens quelque chose qui s'éveille,
comme surgi de mes profondeurs les plus secrètes. Comme à plusieurs
reprises depuis mon arrivée en Chine, mais plus fortement cette
fois-ci, j'ai le sentiment de retrouver
quelque chose et je suis peu à peu submergé par l'émotion. Ce
sentiment de familiarité, qui fait écho à l'épisode des baguettes, est décidément troublant. La sensation est si forte que
je refuse d'autant plus fermement les invitations des danseurs :
si regarder me met déjà dans un tel état, alors participer…
Photo : Dr. Ma Pingke |
Je
reste là longtemps, puis je finis par partir, traversant deux autres
bals similaires en chemin (j'apprendrai que c'est une pratique
quasi-quotidienne ici, qui perdure d'ailleurs encore aujourd'hui). Je
m'arrête finalement au Photo Café (sic), qui donne sur une
charmante petite placette. Là, je reconstitue progressivement
l'agenda de ma boite email et je dévore une assiette de légumes
tout en méditant sur l'épisode de la ronde, qui m'a laissé tout
ému. J'écoute d'une oreille la conversation qui a lieue sur la
table voisine, où un quatuor d'étudiants français et chinois
s'expriment dans un dialecte étonnant, mélangeant leurs deux
langues natales en plus de l'anglais. Je suis encore épuisé par la
Long Way South Experience
et je commence à avoir froid, alors je rentre. Le climat du Yunnan
est quasi-tropical, mais Lijiang étant en altitude (on est à la
frontière de l'Himalaya), l'air y est beaucoup plus frais, de sorte
qu'il convient de mettre un léger pull en soirée.
Une
fois regagnée ma chambre, je suis confronté à un problème
logistique assez embarrassant. Il se trouve que ma guesthouse
possède une douche, mais pas de toilettes. Il faut donc se rendre, à
dix mètres de là, aux toilettes publiques. Jusque-là tout va bien,
sinon que chaque soir, la porte du bâtiment se trouve fermée à
clés, aux alentours de minuit. Et je ne suis bien évidemment jamais
couché à cette heure-ci : je passe une bonne partie de mes
nuits à lire et à écouter des cassettes d'instrus de mon collègue
DaBoostemp, en quête d'idées de nouvelles chansons pour notre
groupe Shoona Sassi. Impossible, donc, d'aller pisser où que ce soit
(ma chambre n'a pas même un lavabo) ! Je suis donc contraint
d'élaborer une stratégie de survie, qui consistera pendant deux
semaines à uriner chaque soir dans des petites bouteilles en
plastiques, que j'évacuerai discrètement chaque matin.
Prochaine
expérience : The Lijiang Experience (Pt. 3).
1 commentaire:
C'était quand ce voyage ?
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