Premier
voyage en Chine, septembre-novembre
2002.
Expérience
précédente : The Long Way South Experience.
07 octobre 2002 – 02 novembre 2002 : The Lijiang Experience, Lijiang (Yunnan).
Lijiang,
Yunnan. Je pensais y rester une semaine, j'y passerai presque un
mois. Dans une semaine, une certaine Lu m'apprendra que Lijiang est,
traditionnellement, la ville où les écrivains chinois viennent
terminer leurs romans. C'est précisément ce que je viens faire ici,
puisque je consacrerai les deux premières semaines à conclure
L'incident Œdipe.
Il faut dire qu'il est difficile d'imaginer meilleur endroit pour
écrire ! Si la nouvelle ville est à l'image de n'importe
quelle métropole chinoise, terne et utilitaire, la vieille ville
incarne le fantasme de la Chine ancienne : maisons et ruelles de
pierre, petits canaux surplombés de charmants petits ponts, saules
pleureurs… Classé au patrimoine mondial de l'humanité, le site
est aussi le centre névralgique de la culture naxi (prononcer
« nachi »). Culturellement proche des Tibétains, la
minorité Naxi a sa propre mythologie, sa propre écriture et sa
propre musique (qui influença grandement la musique classique
chinoise). C'est une société matriarcale, c'est-à-dire que les
biens appartiennent aux femmes, qui sont censées aller d'amant en
amant et ont toute autorité sur les enfants qui naissent de ces
unions éphémères. La langue naxi elle-même en atteste : la
féminisation des mots les transforme en superlatifs. Lijiang
grouille bien entendu de touristes, pour la plupart Chinois
d'ailleurs. Les rues sont constellées de boutiques qui vendent
toutes sortes de babioles, vêtements, cartes postales et bijoux, de
petits bars lounge
et de restaurants. Tout ceci pourrait dénaturer les lieux mais les
choses ont été faites de manière à ce que tout s'intègre
parfaitement au cadre. Il n'y a qu'à déambuler ça et là,
s'arrêter boire un thé au son de quelque compilation Café
Del Mar, se laisser bercer
par le bruit de l'eau qui s'écoule, caresser les chiens devant les
échoppes… Un peu partout, des boutiquiers jouent inlassablement la
même mélodie naxi à l'aide d'une petite flûte (sept ans plus
tard, je retrouverai le même type en train de jouer le même air au
même endroit, du matin au soir !). Il y a dans les rues cette
odeur que je n'ai jamais vraiment retrouvée ailleurs : un
mélange d'encens et de mets chinois, un parfum suave qui vous berce
au quotidien… Mais en ce premier jour, j'ignore à quel point je
tomberai amoureux de Lijiang.
La
première journée commence d'ailleurs assez mal. Lors de mon bref
(mais mérité) sommeil à la guesthouse,
je découvre en rêve que ma chambre est déjà occupée.
D'aucun parleront d'un simple cauchemar, je préfèrerai croire que
j'ai affaire à un fantôme. Des heures durant je revis le même
rêve, encore et encore : je me réveille et me lève, lorsqu'un
être livide se jette sur moi. Il est blanc comme un linge, nu et
sans un poil sur le corps. Il tente à chaque fois de grimper sur mon
dos, tel le Vieil Homme de la Mer de Sinbad. Cette agression me
plonge dans un effroi indescriptible et je me débats longuement
jusqu'à déloger mon parasite. Mais le vampire psychique ne se
laisse pas abattre et revient à l'assaut, encore et encore. Â
peine en suis-je venu à bout que la scène recommence depuis le
début et ça tourne comme ça en boucle… Je finis pourtant par le
chasser pour de bon, juste avant de me réveiller vraiment. Je me
sens davantage épuisé par cette lutte que par mes cinq jours de
voyage ininterrompu. Mais par ma victoire, j'ai gagné le droit de
séjourner ici. Plus jamais ce monstre (ni aucun autre) ne viendra
m'importuner !
Photo : Dr. Ma Pingke |
Je
consigne mes rêves en terrasse d'un petit restaurant, au bord d'un
canal, l'atmosphère est absolument délicieuse. J'ai fait deux
autres rêves en plus de celui du fantôme. Le premier est sans
conteste un rêve de voyage. J'étais à Oulan-Bator mais ici,
Oulan-Bator était une petite ville perdue au milieu d'un désert
rocailleux. Je ne sais plus très bien l'ordre des événements mais
je consultais mon email et j'y trouvais plein de messages de gens que
je ne connaissais pas. Il y avait aussi une fille blonde super mimi
qui me courait après. Moi je n'en voulais pas à cause de ma
princesse indienne, mais finalement on s'embrassait quand-même.
Après ça on décidait avec Monica, Anke et Maurice d'aller faire un
safari dans le désert, avec la voiture de Monica. Mais le départ
était interminable, surtout à cause de moi qui faisais chier et qui
oubliais tout le temps quelque chose. En plus, les autres avaient
fait le plein de courses, et moi je n'amenais que du riz blanc, ce
qui me valait quelques reproches. À un moment, je voulais aussi prendre ma voiture (moi qui n'ai pas le
permis !) mais au téléphone, mon meilleur ami m'expliquait que
sur les routes mongoles, les amortisseurs claqueraient. Finalement on
partait et je demandai aux autres combien de temps ils comptaient
passer dans le désert. On me répondit « dix à quinze
jours », ce à quoi je rétorquai que « je resterai
quelques jours avec vous, puis irai seul de mon côté car je ne suis
pas très sociable ». « On avait remarqué »,
m'envoya-t-on pour toute réponse. Bref, en partant on s'arrêtait je
ne sais pourquoi en bas d'un immeuble, et je me rendais compte que ma
princesse indienne habitait là. « Cool ! Je vais lui
faire un coucou surprise, ça lui fera plaisir de me voir, elle qui
ne m'attend que dans deux mois ! ». Alors je montais et on
se retrouvait dans une effusion de joie. On discutait, et je lui
avouais mon flirt avec la blonde, et elle me disait que ça n'était
pas grave. Puis je lui demandais pour Seb (un vendeur de chemises,
qui lui tournait autour et avec lequel elle envisageait vaguement de
flirter avant mon départ), et elle me disait « Rien. On a
dormi quelques fois ensemble mais il ne s'est rien passé ».
Ensuite, comme les autres m'attendaient en bas, je partais. Mais une
fois dans la voiture, je me prenais la tête avec Monica, Maurice et
Anke et décidais de ne plus voyager avec eux. Je voulais de fait
passer la nuit avec ma princesse indienne mais le rêve s'est arrêté
là. Le second rêve, quant à lui, est plus concis :
Oulan-Bator et Lyon s'étaient mélangées, et je tombais dans le
Rhône (!) en cherchant un centre d'art qui m'avait été indiqué
par un email d'Yve Bressande (!!!).
Je
passe le reste de la journée à squatter les terrasses, goûtant les
« saucisses de riz » végétariennes, buvant une bière
au soleil (ça va avec les saucisses) et savourant la paix des lieux.
J'essaie aussi de consulter mon email, mais il semble bel et bien que
Thedawn.com ait mis la clé sous la porte sans daigner avertir ses
utilisateurs ! Outré, je réactive ma vieille boite Yahoo et
écris à ma tante, qui est la seule personne dont je connais
l'adresse mail par cœur, pour lui demander de communiquer mes
nouvelles coordonnées à la princesse indienne, qui elle-même fera
suivre aux autres.
Prochaine
expérience : The Lijiang Experience (Pt.2).
3 commentaires:
Wonderful to read as always Shaomi.
? ? ?
J'ai fait ça moi, t'indiquer en rêve un centre d'art à Oulal anbateau ?... m'en souviens plus :)
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