Dans l'article de Marie-Christine Lemieux-Couture que je reproduisais hier, l'auteure déclare « On ne demande pas à une victime de vol de faire la
preuve qu’elle n’a jamais fait de vol à l’étalage, qu’elle
n’a jamais succombé à l’avarice ou qu’elle n’a aucun compte
en banque dans un paradis fiscal ».
Je me suis livré à un
petit exercice en écrivant deux dialogues de dépositions. La
première concerne une jeune femme qui a été victime d'un viol,
dans une ruelle sombre, en sortant d'une boite de nuit. La seconde
est celle d'un épicier à qui l'on a volé un pack de bières, sous ses yeux.
Le premier texte vous
semblera peut-être choquant mais probablement crédible et réaliste. Le second
vous paraîtra peut-être drôle mais probablement fantaisiste et surréaliste.
Je vous laisse en tirer
les conclusions qui s'imposent...
LE VIOL :
La jeune femme termine
sa description des faits.
– OK, pouvez-vous me
décrire la nature de vos précédentes interactions avec cet
individu ?
– Heu... Que
voulez-vous dire ?
– Vous nous avez dit
avoir déjà discuté avec lui en boite de nuit, de quel genre d'échanges s'agissait-il ?
– On discutait. Il me
draguait un peu parfois.
– Avez-vous déjà
répondu favorablement à ses sollicitations ?
– Heu... Non, pas
vraiment.
– Vous ne lui avez
jamais donné le moindre signe encourageant ?
– Je... Non ! Une
fois si je lui ai dit qu'il était mignon mais je ne voulais rien
dire par là.
– « Rien dire »,
hein ? Vous lui avez dit qu'il était mignon mais vous
n'éprouviez pas le désir d'avoir un rapport sexuel avec lui ?
Est-ce que vous éprouviez du désir à son égard ?
– Non ! Il était
pas mal c'est vrai mais il y a plein d'hommes qui sont pas mal, ça
veut pas dire que je veux coucher avec eux !
– Mmmh... Bon. Est-ce
que vous aviez bu ce soir-là ?
– Bu ?
– Étiez-vous en état
d'ivresse ?
– Légèrement, oui.
J'avais bu quelques verres de vin. Je n'étais pas ivre morte mais
j'étais un peu éméchée, oui. J'étais en boite de nuit !
– Ça ne va pas jouer
en votre faveur, vous le comprenez, ça ?
– Non.
– Vous étiez en état
d'ivresse. L'avocat de l'agresseur va vous opposer que peut-être
vous étiez consentante et que vous n'assumez pas, et que pour
masquer votre honte vous avez déguisé un acte volontaire en viol.
– …
– Dites-moi, avez-vous
résisté lorsqu'il vous a agressé ? Crié peut-être ?
– Non.
– Pourquoi pas ?
– J'avais peur. J'ai
tenté de résister au début et il a dit que si je continuais il me
tuerait. C'était une armoire à glace. Il avait un couteau.
J'avais peur.
– Donc vous ne vous
êtes pas débattue, vous n'avez pas crié à l'aide ?
– Non.
– Ça n'arrange pas
nos affaires. Il est difficile d'affirmer qu'il s'agit d'un viol si
la victime n'oppose aucune résistance, vous comprenez ?
– …
– Comment étiez-vous
habillée ce soir-là ?
– C'est important ?
– Oui.
– Je portais une
mini-jupe, un décolleté, des talons hauts.
– C'est un peu
aguicheur, tout ça. Vous exhibiez votre poitrine, vos jambes...
Est-ce à dire que vous cherchiez à exciter le regard des hommes ?
– Non, on est en été,
il fait chaud !
– Oui, mais l'agresseur
pourrait objecter qu'il vous croyait en quête d'un partenaire sexuel
pour la nuit.
– Mais je comprends
pas, j'ai été victime d'un viol et vous m'interrogez comme si
c'était moi qui avais commis un crime !
– Votre agresseur est
présumé innocent jusqu'à-ce que vous parveniez à prouver qu'il
est coupable. C'est pour éviter les abus, vous comprenez. Il y a des
accusations fallacieuses. Il y a des femmes qui mentent.
– Donc je suis présumée
coupable jusqu'à-ce que je prouve qu'il n'est pas innocent, c'est
ça ?
– On peut le dire comme
ça, oui.
LE VOL :
L'épicier termine sa
description des faits.
– OK, pouvez-vous me
décrire la nature de vos précédentes interactions avec cet
individu ?
– Heu... Que
voulez-vous dire ?
– Vous nous avez dit
lui avoir déjà vendu des produits, comment cela se passait ?
– Il achetait des
produits, oui. Il me reprochait parfois que les prix étaient trop
élevés.
– Avez-vous déjà
admis qu'ils l'étaient ?
– Heu... Non, pas
vraiment.
– Vous ne lui avez
jamais donné le moindre signe encourageant ?
– Je... Non ! Une
fois si je lui ai dit que oui, c'était plus cher qu'en supermarché
mais c'est normal pour un petit épicier.
– « Normal »,
hein ? Vous lui avez dit que vos prix étaient élevés mais
vous n'éprouviez pas le désir de lui offrir vos produits ?
Est-ce que vous éprouviez un élan de générosité à son égard ?
– Non ! Il n'avait
pas l'air très riche mais il y a plein de clients qui n'ont pas
l'air très riches, ça veut pas dire que je veux leur donner mes
produits !
– Mmmh... Bon. Est-ce
que vous aviez bu ce jour-là ?
– Bu ?
– Étiez-vous en état
d'ivresse ?
– Légèrement, oui.
J'avais dîné avec un ami et nous avions bu quelques verres de
vin. Je n'étais pas ivre mort mais j'étais un peu éméché, oui.
– Ça ne va pas jouer
en votre faveur, vous le comprenez, ça ?
– Non.
– Vous étiez en état
d'ivresse. L'avocat de l'agresseur va vous opposer que peut-être
vous étiez consentant et que vous n'assumez pas, et que pour masquer
votre honte vous avez déguisé un don en vol.
– …
– Dites-moi, avez-vous
résisté lorsqu'il vous a volé ? Crié peut-être ?
– Non.
– Pourquoi pas ?
– J'avais peur. J'ai
tenté de l'interpeller au début et il a dit que si je continuais il
me tuerait. C'était une armoire à glace. Il avait un couteau.
J'avais peur.
– Donc vous n'avez pas
tenté de l'arrêter, vous n'avez pas crié à l'aide ?
– Non.
– Ça n'arrange pas
nos affaires. Il est difficile d'affirmer qu'il s'agit d'un vol si la
victime n'oppose aucune résistance, vous comprenez ?
– …
– Comment étiez-vous
habillé ce soir-là ?
– C'est important ?
– Oui.
– Je portais un jean et
un t-shirt.
– C'est un peu
informel, tout ça. Vous ne portiez pas d'uniforme... Est-ce à dire
que vous cherchiez à faire croire à vos clients que vous étiez un
client vous aussi ?
– Non, on est en été,
il fait chaud !
– Oui, mais l'agresseur
pourrait objecter qu'il ignorait que vous étiez l'épicier, qu'il
pensait qu'il n'y avait personne et qu'il comptait payer plus tard.
– Mais je comprends
pas, j'ai été victime d'un vol et vous m'interrogez comme si
c'était moi qui avais commis un crime !
– Votre agresseur est
présumé innocent jusqu'à-ce que vous parveniez à prouver qu'il
est coupable. C'est pour éviter les abus, vous comprenez. Il y a des
accusations fallacieuses. Il y a des commerçants qui mentent.
– Donc je suis présumé
coupable jusqu'à-ce que je prouve qu'il n'est pas innocent, c'est
ça ?
– On peut le dire comme
ça, oui.
10 commentaires:
Hélas très convaincant ton exercice...
Dans la même veine : un automobiliste raciste renverse volon tairement des enfants noirs qui rentrent de l'école à pied. Un motard de la police, témoin de la scène, rattrape la voiture ... et dit au con ducteur : "Je dois faire un rapport ... À votre avis, à quelle vitesse circulaient les enfants quand ils vous on t si violemment percuté ?"
J'avais parcouru hier l'article que tu recommandais. Voici en effet une démon stration de l'absurdité des préjugés : le viol, c'est la double peine. Enfin non, la triple ....
1 - Très réaliste...
2 - Très science fiction...
Entre les deux un petit "i" comme injustice...
CQFD!
hahaha génial !!!! ... Et terrifiant.
Oui, convainquant!
À lire!
j'ai lu les deux les questions sont les mêmes mais je pense qu'à l'Ecole de la Police ils en sont toujours avec des programmes obsolètes pourtant il serait temps de remanier tout ça. Surtout changer les mentalités car une femme qui porte une jupe courte et des haut-talons en été et bien cela ne veut absolument pas dire qu'elle cherche un partenaire. Les jambes halées sont toujours magnifiées par le soleil et si ce sont des jolies jambes et bien que les femmes ne s'en privent pas non mais... un homme respectueux regardera la silhouette oui mais ne touchera pas...Je regarde aussi les hommes en short ou en maillots de bains j'apprécie ou pas mais je ne vais pas me jeter sur eux Non je leur souris et je passe mon chemin... On a des yeux pour voir mais les mains peuvent rester tranquilles... !
hu hu ! même chose....! un scandale monsieur, oui, un scandale !
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