5 juin 2016

The China Experience – 29/ The Lijiang Experience (Pt. 18)

Premier voyage en Chine, septembre-novembre 2002.

Décollage ici.
Expérience précédente : The Lijiang Experience (Pt. 17).


07 octobre 2002 – 02 novembre 2002 : The Lijiang Experience, Lijiang (Yunnan).

Dix-huitième jour. Je fouille mes poches : force est de constater que je me retrouve sans un sou. Je demande à Yanli de me faire une ardoise, le temps que l'argent de Western Union ne me parvienne enfin (en 2002, il faut encore près d'une semaine à un virement pour traverser le monde !). Je décide aussi que je n'ai simplement pas envie de partir d'ici ! Il me reste largement assez de temps pour voir les Miaos et les Dongs plus tard. Et puisque je suis coincé par cette histoire de fric, autant prolonger mon séjour à Lijiang autant que possible ! Ainsi donc, pour quelques jours au moins, je cesse de me répéter chaque jour que je pars le lendemain !

Ming Xia arrive toute honteuse au Prague Café : elle est très embarrassée d'avoir ainsi craqué devant tout le monde la veille. Je la rassure, lui explique que ça n'est pas grave, que je n'étais pas très frais moi non plus, que ce sont des choses qui arrivent et qu'on a bien le droit de pleurer de temps à autre. Par contre, je suis moi-même un peu gêné par autre chose : j'ignore s'il était convenable de la prendre dans mes bras pour la consoler. En Inde, la chose eut été scandaleuse. Ming Xia me rassure : ici, c'est un comportement acceptable, mon attitude amicale était bienvenue. Yanli nous écoute nous démêler de nos embarras réciproques avec un amusement non dissimulé. Même en Chine, où les gens sont très émotifs en comparaison des Européens, Ming Xia et moi atteignons des sommets. Nous nous attaquons à notre seconde leçon de français puis, lorsque arrive Yosuke, à la fameuse lettre. Et c'est ainsi que parviendra à Grenoble une lettre écrite en chinois par une Chinoise, traduite du chinois à l'anglais par un Japonais, puis de l'anglais au français par un Français. Lost in translation. Pour faire bonne mesure, nous insérons les trois versions dans l'enveloppe. Ming Xia est ravie. C'est un vrai plaisir que de la voir retrouver sa légèreté.

Photo : Dr. Ma Pingke


S'ensuit ma quotidienne déambulation dans les ruelles de la vieille ville, que je commence à connaître par cœur sans parvenir à m'en lasser. À mon retour, une des serveuses du Prague Café vient me voir en rougissant. Il est vrai que je n'ai rien dit des deux autres serveuses : Ying et Ding sont deux jeunes filles qui parlent mal anglais, de sorte que nos échanges sont assez limités. Pourtant, nous cohabitons pour ainsi dire : Yanli loue une chambre ailleurs en ville, mais ces deux filles-là dorment à l'étage, au-dessus du bar. Chaque soir, je les entends là-haut, qui regardent des films chinois. Ainsi donc, Ding s'approche timidement et demande si, puisque j'aide Ming Xia avec son français, je voudrais bien l'aider elle avec son anglais. J'accepte de bon cœur et nous voilà flanqués de deux cours de langue quotidiens. La prononciation de l'anglais, je le verrai, n'est guère plus facile pour les Chinois que celle du français.

En parlant de prononciation, un couple de Français s'arrête pour un verre au Prague Café et nous échangeons sur nos voyages, une petite heure durant. Je réalise alors que ma prononciation, mes intonations, la musique de ma voix… Tout cela est bizarre. Je ne parle pas comme d'habitude. Je fais mes comptes et il s'avère que cela fait plus d'un mois que je n'ai pas parlé un mot de français ! J'ai écrit en français. J'ai pensé en français. Mais à l'exception des bribes que j'ai enseignées à Ming Xia, je n'ai pas parlé français en cinq semaines ! Et je me rends compte que j'ai en quelque sorte oublié. Je veux dire, mon corps a oublié comment on fait. Pour mes interlocuteurs, c'est sans doute anodin, ils doivent penser que c'est mon accent régional. Mais en fait je prononce tout bizarrement ! Je me reprends petit à petit, et au bout d'une demi-heure je finis par retrouver une locution tout à fait naturelle ! C'est une expérience pour le moins troublante que de s'entendre parler avec l'accent de quelqu'un d'autre !

Comme j'ai terminé un obscur roman d'aventures historiques dégoté au Prague Café, j'entame la lecture de La pierre angulaire de Zoé Holdenbourg : « seul celui qui ne se protège pas est fort ».


Prochaine expérience : TheLijiang Experience (Pt. 19).

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