12 novembre 2015

The China Experience – 20/ The Lijiang Experience (Pt. 9)

Premier voyage en Chine, septembre-novembre 2002.

Décollage ici.
Expérience précédente : The Lijiang Experience (Pt. 8).


07 octobre 2002 – 02 novembre 2002 : The Lijiang Experience, Lijiang (Yunnan).

Neuvième jour. Panique parce que je crois avoir perdu ma carte bleue, et de toute façon j'aurais aussi bien fait ! Une fois la carte retrouvée, ces bâtards de la Société Générale interdisent en effet à la Bank of China de me donner le moindre jiao (je suis en découvert, parait-il…) ! Scandalisé, je change mon ultime traveller's cheque et conçois le plan de me faire envoyer de l'argent de France via Western Union, genre une avance de ma famille pour mon anniversaire et Noël. J'avais en effet calqué mon budget sur le modèle de mon voyage en Inde, mais force est de constater que la Chine coûte cher, et aussi que je n'ai pas le goût de voyager dans des conditions aussi extrêmes que la première fois. Cette nuit pourtant, j'ai rêvé que je chantais sur scène avec Prince et Larry Graham et qu'Alfred (le valet de Batman) était mon domestique, mais ces rêves de millionnaire sont décidément bien éloignés de la réalité. Pour couronner le tout, il pleut et il fait gris ! Je vais noyer mon désespoir dans un café au Prague, et le mélange de jazz et de trip-hop qu'on y diffuse ce jour-là me soulage immédiatement.


Photo : Dr. Ma Pingke


Comme je me remets à L'incident Œdipe (inédit), il se produit un de ces moments vraiment magiques que connaissent les écrivains. Je travaille sur une scène durant laquelle Sonia (l'héroïne du roman) se trouve emportée dans un torrent de drogues et de sensualité, lorsque la serveuse mets Protection de Massive Attack. La musique colle tant et si bien à ce que je suis en train d'écrire que, déjà envoûté par mon récit, je me retrouve totalement en phase avec mon personnage. C'est une adéquation parfaite entre ce que vit Sonia, ce que je ressens en le décrivant, la musique et l'atmosphère tout entière de ce petit café pendant une heure. Ce genre de moments est la véritable récompense de l'artiste. La satisfaction d'être publié, les éloges, le fait d'être lu et reconnu… Tout ceci a son importance mais n'est que pacotille en comparaison de ces instants d'auto-envoûtement !

Et ça y est ! C'était la dernière scène (pas du roman, car la fin avait été écrite auparavant, mais la dernière à écrire). Il y aura bien-sûr nombre de corrections et de retouches, mais l'écriture de mon premier roman est terminée ! Lorsque j'ai commencé, la composition d'un roman me faisait l'impression d'une montagne infranchissable. C'était en 1997. Nous sommes en 2002. Je viens de gravir la montagne !

Je sors comblé de cette session d'écriture. Dans la foulée, je rebondis et je parviens enfin à composer Alchimie (inédit), la fameuse chanson à propos de la Québécoise. L'opération comporte quelques difficultés techniques avec mon nouveau stylo : après la pile qui dure cinq minutes des Mongols, je découvre le stylo qui dure cinq pages des Chinois ! Dans la foulée, je rédige aussi les synopsis complets de deux futurs albums de mes projets BD Épeira et de Warp. Le synopsis du troisième album d'Épeira comporte un personnage assez épouvantable et comme je n'en ferai jamais rien, autant raconter cela ici. Il s'agit d'une sorte de baba-yaga qui vit dans une maison isolée en Russie. Victime d'une malédiction, elle est condamnée à vivre éternellement, et ce dans l'isolement car sa vue provoque une terreur irrépressible chez n'importe quel mortel. La sorcière, pourtant, ressent la faim et la soif, ne peut donc vivre sans l'assistance de son fils, un colosse aux frontières de la débilité mentale. Mais ses enfants, quoi qu'eux aussi immortels, ne peuvent vivre normalement au-delà de trente ans : après cet âge, leur intelligence décroit et ils deviennent des sortes de zombies anthropophages. On découvre finalement que, tous les quinze ans, la sorcière envoie son fils capturer un homme, qu'elle drogue et viole afin d'accoucher d'un nouvel enfant. Le géniteur est ensuite livré aux enfants-zombies, qui vivent dans un réseau de galeries souterraines sous la maison. Lorsqu'elle accouche d'une fille, le bébé est lui aussi livré aux zombies et la sorcière s'empare d'un autre homme, jusqu'à obtenir un enfant mâle. Trois ans plus tard, je réutiliserai l'idée de la galerie souterraine et des zombies dans Ganesh, mais sur le ton de la comédie.

Cette nuit-là, je m'endors comme un bébé, bercé par la satisfaction d'avoir terminé mon premier roman.


Prochaine expérience : The Lijiang Experience (Pt. 10).

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