Premier
voyage en Chine, septembre-novembre
2002.
07
octobre 2002 – 02 novembre 2002 : The Lijiang Experience,
Lijiang (Yunnan).
Troisième
jour. Je me lève tard, une habitude que je conserverai tout le long
de mon séjour à Lijiang (tout au long de ma vie à vrai dire) et
comme j'attends mon petit déjeuner en terrasse, je me trouve à côté
d'un magasin de cloches (il en faut). Le tenancier s'obstine sans
faiblir à en faire sonner une, toutes les dix secondes. Je suis sûr
qu'il y a des gens que ça fatiguerait mais pas moi. Déjà, je me
demande combien de temps je vais rester à Lijiang, car cette ville
incarne une sorte d'idéal. Je trouve ensuite un email plein de
tendresse de ma princesse indienne, qui s'inquiétait en effet de mon
long silence.
J'enchaîne ballades et
terrasses, songeant au parcours qui m'a conduit de l'Inde à la
Chine, de la jeune fille aux yeux de miel à la princesse indienne.
Que s'était-il passé après l'Inde ? Après
tout ce qui avait précédé ce premier voyage, l'hystérique année
2000, tout cet extrême ?
Il m'avait fallu une bonne semaine pour retrouver mes repères au
retour d'Inde, puis peu à peu une sorte de vide s'était installé.
La Casa Okupada fermée par ses propriétaires et leur huissier. Mon
collectif, Neweden, au point mort depuis que j'avais cessé de m'en
occuper. La fille aux yeux de miel définitivement hors de portée
après le marasme d'Om Beach. Mon appartement débordant des merdes
innombrables que m'avait légué ma mère, une vie entière à trier.
Tout devint, soudainement, calme.
L'extrême disparut, par surprise. Peut-être était-il simplement
impossible de surpasser l'intensité des douze mois qui venaient de
s'écouler, avec l'expérience indienne en point d'orgue. Je
m'attendais à ce tout cela change ma vie à jamais, à ce que rien
ne soit plus jamais comme avant. En effet, je
n'étais plus comme avant mais le monde autour de moi, lui, était
resté le même. Je pensais que ma vie changerait si je changeais,
sans réaliser qu'il me faudrait d'abord la changer à la lumière de
mon changement intérieur. Il ne me fallut pas un mois pour craquer : paniqué face au vide, j'invitai les survivants de Neweden à une
grande réunion, pour relancer le collectif, organiser un nouveau
festival. Je n'avais qu'un mot à dire. J'aurais voulu que cela
vienne de quelqu'un d'autre mais ils attendaient tous que cela vienne
de moi. Il fut convenu d'organiser un festoche d'un week-end, fin
juin. L'histoire du Neweden Week-End est une autre histoire, pour un
autre jour, il y eut de belles choses mais ce fut compliqué et j'en
ressortis un peu écœuré, plus que jamais convaincu du peu
d'intérêt d'un collectif qui n'existait qu'à travers moi. L'été
arriva finalement, et je ne savais toujours pas dans quelle direction
projeter mon existence.
Photo : Dr. Ma Pingke |
Retour
au présent. La nuit tombée, je retourne à la guesthouse
prendre un pull, ce qui me vaut d'assister à une scène surréaliste.
Dans la cour de la maison, une vieille femme entièrement nue
est en train de hurler des insanités à ma famille d'accueil. Dans
quelle démence ils sont tous plongés, je l'ignorerai à jamais.
Après quoi je vais me détendre au Mishi-Mishi, café d'allure
branchée qui me rappelle le très très branché Mushi Mushi de Lyon
et ses délicieux apéros de fins de semaines (R.I.P.). Là, puis au
Well's Café, je travaille au scénario du premier album d'Épeira,
un personnage de BD créé par mon ami El Jice, dont j'avais déjà
repris les aventures dans mon fanzine Légendes
(le projet traînera et sera développé – mais jamais soumis
aux éditeurs – avec deux dessinateurs successifs, avant que
je ne me décide à le mettre au placard en 2005).
Le disquaire en face du Well's, comme des tas d'autres ici, vend des
contrefaçons très bien faites de CD occidentaux, qu'il diffuse à
pleins tubes, enchaînant sans scrupule ragas
indiens et tubes de Bob Marley (ce dernier est diffusé un peu
partout à Lijiang). Á
la table d'à côté, un Anglais et une Chinoise, du genre rencontre
de voyage. La Chinoise tire une tronche de six pieds de long, son
compagnon tente vainement de lui arracher un sourire. C'est
pathétique ce qu'un homme est capable d'endurer pour pouvoir tirer
son coup... De mon côté, je me sens malade et toujours épuisé.
Prochaine
expérience : The Lijiang Experience (Pt. 4).
1 commentaire:
Charmante ville en effet, enfin, la partie ancienne bien sûr. Même s'il y a beaucoup de monde (mais bon, de toute façon c'est la Chine...), il y a toujours moyen d'éviter la foule.
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