13 juin 2011

Un pas en avant...

Petit état des lieux avant reprise des négociations...

Dix mois de cyber-silence (mis à part mes petits interludes) : un peu plus que le temps d'une gestation. Gestation d'une nouvelle existence, loin là-bas, car comme certains d'entre vous le savent déjà, j'ai quitté la France en septembre dernier : quatre mois en Inde, deux semaines en Thaïlande et me voici installé depuis février à Phnom Penh, capitale du Cambodge. Cette fois-ci, ce n'est pas le voyage mais l'exil, et il faut bien dix mois de gestation pour accoucher d'une vie nouvelle. De cet exil vous aurez des bribes et des échos, c'est inévitable, et pour le reste ce blog devrait être ce qu'il a toujours été : un fourre-tout.

Il y aurait bien des choses à raconter mais je ne sais trop par où commencer. Puisqu'il s'agit avant tout d'écriture, commençons par l'écriture... Le grand changement est que j'ai fait mes adieux à la bande dessinée. Ce fut une décision difficile mais j'en suis à présent tout à fait satisfait.

Certains se souviendront pourtant que, en septembre 2009, j'avais annoncé la signature d'un contrat avec les éditions Ankama et la parution prochaine de la bande dessinée Homo Superior. Comme j'étais heureux ! Les choses ne se sont pas passées comme prévu et, en mars 2010, Ankama a choisi de rompre notre contrat. Je n'entrerai pas aujourd'hui dans les détails de cette débâcle et de la manière dont on « travaille » chez mon ex-éditeur (il y a un temps pour tout). En lieu et place, je me contenterai de citer cet extrait d'une interview de Run, directeur éditorial d'Ankama et décisionnaire en matière de ruptures de contrats, qui s'exprimait en ces termes à propos d'un autre projet : « [L'auteur] Maliki, qui voulait sortir son album chez un éditeur pas très recommandable... (rires)... qui le faisait poireauter, tu vois, c’est horrible de faire cela, signer un projet, et finalement, dire, "ben non, on ne le sort pas" ». Ce sont les mots de Run, pas les miens : je vous laisse donc tirer toutes les conclusions qui s'imposent à propos des décisions « horribles » de certains éditeurs « pas très recommandables ». Je clôturerai le sujet en remerciant chaleureusement le coloriste German Nobile et l'assistant éditorial Richard Robin, qui se sont battus avec moi pour essayer de sauver un projet condamné d'avance.

Cet échec fut très douloureux pour tous ceux qui s'étaient investis sur Homo Superior. Il m'a personnellement fallu un certain temps pour avaler la pilule. Ce genre de choses n'arrive pas sans impliquer son lot de doutes et de remise en question... Mais comme, après cela, aucun des projets proposés aux éditeurs à Angoulême 2010 n'a trouvé preneur, il m'est apparu l'été dernier qu'à la veille de mon exil en Asie, il était temps de jeter l'éponge et de revenir à mon premier amour, à savoir la littérature.

La plupart des gens l'ignorent, mais il est pratiquement impossible pour un scénariste de réaliser une bande dessinée sans l'appui d'un éditeur, pour la bonne raison qu'aucun dessinateur digne de ce nom n'acceptera de travailler gratuitement (sinon, à la rigueur, sur son propre scénario). Inversement, le romancier n'a besoin de personne : il est en mesure d'assurer seul la création de son œuvre, sans avoir besoin ni de partenaires ni d'argent. Et puis il faut bien admettre que la littérature me manquait. Dieu sait que l'écriture d'un scénario de BD est une aventure passionnante, qui a des plaisirs bien à elle et qui me manquera parfois, mais le roman est un art sauvage : le romancier ne connaît de limites que celles qu'il s'impose, que ce soit sur le nombre de pages ou sur le contenu du livre lui-même. Pas de limites techniques, pas de comptes à rendre, pas de contraintes liées au format, pas de concessions. Le roman est une aventure majeure.

J'avais aussi perdu quelques illusions en chemin. Celle, par exemple, qui consiste à penser qu'être publié à compte d'éditeur est la preuve d'un quelconque talent. Il faut bien se l'avouer : être un « auteur publié » a quelque chose de très valorisant, j'ai pu l'expérimenter durant les neuf mois qui ont séparé la signature de mon contrat de sa mise à mort. Pourtant, lorsque l'on traine comme je l'ai fait dans les coulisses de l'industrie de l'édition, on comprend que le choix des livres publiés ne repose pas que sur la qualité de leur contenu. Les facteurs sont multiples et les choix des éditeurs sont à peu près aussi aléatoires que les résultats du loto !

Une autre illusion consiste à penser qu'un auteur publié à compte d'éditeur est plus lu qu'un cyber-auteur. Ma bande dessinée avec Ankama devait être tirée à trois-mille exemplaires et basta. La plupart des romans publiés par les (très courageux) petits éditeurs sont tirés à cinq-cent ou mille exemplaires. Mon site internet, lorsque j'en assure la promotion, a plus de mille visiteurs uniques par mois. Et je ne fais pas le quart de ce que je pourrais faire pour le faire connaître ! Faites vos maths.

Notez que mon propos n'est pas de cracher sur les éditeurs : la plupart de ceux que j'ai rencontré sont des gens profondément humains et compétents, et pour en avoir été un moi-même (du temps de Neweden), je serais bien mal placé ! Mais le monde de l'édition, tout comme celui de la musique, est en pleine mutation : il est désormais possible de se passer d'intermédiaires. L'avènement des i-Pad et autres Kindle marque le début d'une nouvelle ère : celle du livre numérique. Dès-lors, the sky is the limit !

Reste bien entendu la question de l'argent, le nerf de la guerre. Disons que je suis en mesure de pouvoir me passer des revenus de l'édition, et pour autant me permettre de consacrer presque autant de temps à l'écriture que quelqu'un qui gagne sa vie avec. C'est mon luxe et ma chance... 

Il y a enfin la question d'être lu ou non. Les années passant, je vois moins d'intérêt qu'autrefois à être « lu ». Séduisante est parfois l'idée d'écrire pour écrire et de tout garder pour moi. J'ai hésité à disparaître pour de bon de la blogosphère, mais une personne qui m'est chère a su trouver les mots pour me convaincre de continuer à partager mon travail, alors me revoilà... Cette fois, vous ne pourrez pas dire qu'on ne vous a pas prévenus !

Alors, pour conclure : sans regrets ces adieux à la bande dessinée ? Si, bien sûr que si : on ne se consacre pas pendant si longtemps à une forme d'art sans éprouver une sorte de nostalgie. Des regrets, mais nulle amertume. Et face aux regrets, il y a une liberté nouvelle, qui est bien douce. Et c'est pour la conserver que j'ai décidé d'auto-publier mes romans en ligne, plutôt que d'aller encore m'emmerder à les soumettre aux éditeurs (procédure très coûteuse puisqu'il faut tout imprimer et tout poster, et d'autant plus complexe à mettre en place si l'on vit à l'autre bout du monde !).

Ce qui nous ramène au présent : quoi de neuf en perspective ? Je suis en train de m'échiner à convertir mes deux premiers livres, Fragments nocturnes et Tabloïde, au formats PDF et EPUB. Fragments nocturnes peut déjà être téléchargé (ici) et Tabloïde devrait l'être bientôt, si je parviens à résoudre quelques problèmes techniques. Ils seront aussi bientôt disponibles sur Feedbooks.com et des éditions papiers devraient suivre, à prix coûtant, sur Lulu.com ou Thebookedition.com (je dois encore faire mon choix).

Du côté des nouveautés, ces quelques mois de liberté m'ont permis de rédiger déjà deux livres. Le premier raconte, d'après les cahiers d'époque, mon premier voyage en Inde en 2001 et mon premier voyage en Chine en 2002. Il sera publié sur ce blog, en feuilleton hebdomadaire et à partir de cette semaine, alors restez dans les parages. Le second est un roman, L'ami imaginaire (adapté du projet de bande dessinée du même nom). J'ai terminé un premier jet mais il y a encore beaucoup de travail, et j'ai décidé de le laisser reposer un peu et de m'attaquer bientôt à un autre projet. Les exigences de la littérature sont assez terrifiantes, même après vingt ans de pratique (peut-être devrais-je dire « surtout après vingt ans de pratique » !). En attendant d'être parvenu à terminer tout à fait quelque chose, je vous livrerai quelques extraits des chantiers en cours sur ce blog. Il me reste aussi un gros paquet d'archives à exhumer de mon disque dur, que je publierai petit à petit. Et pour le reste ce sera le même bordel qu'avant, le même mélange d'articles, de poèmes, de contes, de coups de gueule et autres combustions spontanées...

Alors voilà, c'était mon petit état des lieux avant reprise des négociations. Ce blog n'a pas vraiment vocation à parler de ma vie personnelle, mais comme je sais qu'il y en a qui se posent la question, la réponse est « oui ». Oui, je suis rudement content d'être parti ! Il n'y a pas un jour où je ne me réjouis pas d'être ici en Asie. Nous en reparlerons sans doute... ou pas...

Alors voilà...

9 commentaires:

Anonyme a dit…

yep^^

Fabrice Brunet a dit…

Comme libraire j'entends bien tes déambulations éditoriales, en tout cas ravi que tu ailles de l'avant !

Manoé a dit…

Non, on ne pourra pas dire que tu ne nous auras pas prévenu...! bonne chance dans ta nouvelle orientation de vie Sha'...je reste en contact avec toi...,-))

Jmemêledetout a dit…

C'est un bien joli message, savoir tirer parti des échecs pour construire autre chose sans vouloir impérativement sauver ce qui n'est plus.

Mais avant de publier à compte d'auteur, ce qui a quand-même un certain coût, essaie Edilivres, ils sont ouverts à tout, bien diffusés et tu peux envoyer tes fichiers par le net. L'avantage, c'est quand-même la distribution. http://www.edilivre.com/

Pour ce qui est de la BD, effectivement, c'est l'un des secteurs les plus difficiles depuis quelques années. J'avais un ami qui dessinait des BD entre autres et en a publié quelques-unes, mais c'est effectivement plus facile pour un dessinateur de trouver un scénariste d'après une idée que l'inverse. Pierre-Alain Bertola, tu connais ? Tu le trouveras facilement sur le net.

Tiens-nous au courant, c'est un plaisir de te suivre.

CESVAINE a dit…

Merci pour le partage... Je ne te suivais pas suffisamment il y a quelques mois pour avoir compris ce que tu vivais... Le cambodge !! Tu vas nous apporter un peu d'exotisme asiatique c'est bien... J'ai noté cette phrase dans ton texte : "lorsque l'on traine comme je l'ai fait dans les coulisses de l'industrie de l'édition, on comprend que le choix des livres publiés ne repose pas que sur la qualité de leur contenu." Pour soutenir quelques musiciens, chanteurs, écrivains, peintres et photographes, ici je vois bien que la qualité ne paie pas forcément... et c'est agaçant pour nous qui voudrions tant que votre talent soit enfin reconnu. La qualité de celui qui cherche un travail quel qu'il soit n'est pas non plus synonyme d'embauche. Pour percer il est nécessaire sans doute d'avoir d'autres atouts ou beaucoup de chance...

laura a dit…

difficile de devoir abandonner un projet qui tient à coeur, tu as du vivre des moments difficiles. l'important c'est que tu aies trouvé la solution actuellement pour écrire et pouvoir être diffusé.

Sandro S. a dit…

Ah ! J en sais un peu plus ;-)
Good luck!

Sabine a dit…

je viens moins ici mais j'ai bien envie de mettre le nez dans tes aventures!
très belle journée!

Etienne a dit…

Je me réjouis que tu aies choisi de redonner vie à ce blog ! Tes récits de voyages sont passionnants ! Merci

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