2 novembre 2009

Pennac et moi...

Je viens de terminer Chagrin d'école, le dernier essai de Daniel Pennac. Retrouver cet auteur, ou plutôt retrouver cette personne abstraite que je pourrais nommer « les livres de Pennac », m'a fait la sensation de boire un café avec un vieil ami, un qui m'avait manqué, un qui a toute ma confiance... et qui me fait du bien à chacun de nos rendez-vous.

Je dois beaucoup à Daniel Pennac, en fait. Je lui dois beaucoup en tant qu'écrivain, je veux dire. Lorsque je découvris la Saga Malaussène, ce fut un choc qui devait contribuer à modifier définitivement mon rapport à la littérature, en tant qu'acteur (modeste) de celle-ci. Tout comme les romans de Milan Kundera, que je découvrais d'ailleurs à la même époque, les romans de Pennac me firent l'effet d'une grande baffe bienfaisante, parce qu'ils constituaient à mes yeux un idéal de roman. Un idéal qui devait me servir de guide, qui me dévoilait la possibilité de sentiers que je devinais, sur lesquels je tâtonnais, mais que je n'osais m'avouer à moi-même comme des sentiers praticables, en terme d'écriture. Bref, une baffe de celles qui vous réveillent, qui vous donnent tout d'abord l'impression d'être passé à côté de l'essentiel, puis qui vous font finalement réaliser que vous y aviez toujours été, dans l'essentiel ! Sauf que vous vous sentiez seul au monde, en marge de votre discipline, cancre en somme, et que votre travail en souffrait...

Je me souviens d'une conversation, peu après. J'expliquais le choc de cette double découverte : Kundera et Pennac, deux pierres angulaires de la littérature contemporaine, pourtant aux antipodes l'une de l'autre. Et mon interlocutrice de me faire remarquer que, quoi qu'ayant aimé les livres de Pennac, elle ne les qualifierait pas de « littérature » au sens de ceux de Kundera, au sens de « grande littérature ». Oh putain ! Que n'avait-elle pas dit ! Je me revois en train d'expliquer que si, c'était précisément de la putain de grande littérature, en tout cas les quatre premiers Malaussène sans le moindre doute ! J'expliquais combien, à mes yeux, la plume de Pennac était débordante de style, dégoulinante de subtilités. Derrière leur apparence « simple », voire « facile », j'avais trouvé dans ces livres une mine d'or, que ce soit en terme de construction de personnages, de style, de ton, de construction dramatique, de sens du dialogue...

Surtout les dialogues ! Mon Dieu, ces dialogues !!! Moi qui avais toujours accordé, dans mon propre travail littéraire, une très grande importance aux dialogues (déformation professionnelle du scénariste de BD ?), je trouvais en Pennac l'incarnation ultime du dialoguiste-romancier ! Ai-je jamais lu dialogues plus pétillants, pétaradants, dynamiques, insolents, qui sonnent vrai, que chez Pennac ? Pas que je me souvienne. Et j'avoue être tombé fou amoureux de cet usage du « - … » en tant que réplique (la technique peut sembler anodine, elle est en fait d'une efficacité redoutable !).

Et puis, ça n'a pas grand chose à voir mais cela crève tant la page dans ses romans et mille fois plus encore dans ses essais : il y a Pennac l'écrivain, qui est juste là derrière. Pennac l'écrivain donc Pennac l'homme. Un homme qui semble déborder de ce mot qu'il décrit comme un « gros mot » dans les dernières lignes de Chagrin d'école : l'amour. Pennac n'est pas naïf, ses livres ne sont pas niais ni spécialement consensuels. Son humour est, en fait, aussi acide qu'il semble, au premier abord, inoffensif. Mais Pennac n'est pas cynique. Moqueur, oui. Taquin, oui (coriace dans la taquinerie, même). Insolent, c'est indéniable ! Mais pas désenchanté ni cynique. Ce n'est pas une qualité en soi, du point de vue littéraire je veux dire. Mais c'est un morceau de sucre appréciable de temps à autre, entre deux livres plus amers. Et l'idée que ce type chaleureux, intellectuellement honnête, existe, quelque part, met de meilleure humeur les jours où l'on désespère de l'espèce humaine...

Alors voilà. Pennac n'a pas vraiment besoin de moi et de mon petit blog pour vendre ses livres, puisque ce sont des best-sellers. Mais si vous êtes de ceux qui n'avez jamais été voir par chez lui, par peur que son succès ne cache un auteur édulcoré, ou pour quelque autre raison, courez acheter Au bonheur des ogres (autant commencer par le début), parce que là vous êtes en train de rater un auteur essentiel !

Quant à moi, puisque je viens de terminer la lecture d'un livre dans lequel Pennac s'interroge sur ce qui fait ou non un bon professeur des écoles, j'en profite pour lui exprimer mon immense et sincère gratitude. Parce que sur les bancs de l'école de l'écriture, il aura été parmi mes professeurs les plus généreux, les plus encourageants, les plus enrichissants ! Tout ce que j'ai écris au cours des sept dernières années, je le lui dois un peu. Il est probable que sans les « enseignements » de M. Pennac, de M. Kundera et de quelques autres, je n'aurais jamais fini par décrocher ce premier contrat avec un éditeur. Mais surtout, je serais sans doute passé à côté de bien des joies dans ma pratique !

Merci, monsieur Pennac ! Merci, monsieur Malaussène !

11 commentaires:

Audrey Betsch a dit…

Salut!
Merci pour ton passage chez moi.
Pennac, Kundera...
Je me retrouve bien dans ton analyse, sûrement une histoire de génération (nous avons le même âge).
Et chagrin d'école que j'ai lu... il y a plus d'un an ma foi, est un livre extrêmement touchant, juste...
Pour répondre à ta question chez moi, on se connaît de myspace.
Sauf que j'avoue, honte à moi, ce petit mouton qui vibre sans pile n'a jamais attiré mon attention plus que ça.
Sauf cette nuit. J'ai été hyper intriguée de te voir dans le "top" de certaines pages, dont celle d'Andy Verol (avec qui j'ai beaucoup de mal par ailleurs, mais peu importe...).
Bon enfin voilà quoi, nous sommes amis myspace depuis longtemps, mais j'étais persuadée que derrière Shaomi se cachait une jeune fille vaguement hystérique (!!!).
Nan mais quelle erreur! La voilà rattrapée, et je découvre l'étendue de tes talents avec grand plaisir!

brigitte,THE WALL a dit…

J aime bien lire ton blog,Shaomi,
pour moi,la littérature,c est assez nouveau mais je vais vite y faire sa connaissance de ton monsieur:Pennac! Le titre m attire déjà ;-)
biz

ISABELLE a dit…

Ah Pennac, c'est encore frais et pourtant cela remonte un peu. Tout ce que je puis dire c'est que, sans plagier le titre de l'un de ses livres après la lecture du premier c'est moi qui suis devenue une ogresse, j'ai du dévorer presque tous ses livre sauf celui dont tu parles. Quand à Kundera la rencontre est plus ancienne encore, et là encore c'est vrai c'est du grand, du bon, du vrai. Bonne journée à toi. Isa

Sigouline a dit…

Comme toi grande admiratrice de Pennac, je crois bien que j'ai tous lu tous ses livres jusqu'à ce dernier (que je me procurerai ) Il y a un style Pennac c'est indéniable, un style, un humour, une richesse rare. Tout comme toi encore, il m'a donné envie de continuer à écrire, en dépit des difficultés d'édition etc...
Bon, ceci dit pense à moi à 15h30 parce que j'ai rendez-vous pour de bon cette fois-ci avec un éditeur qui a eu l'air d'avoir vraiment accroché avec un de mes romans.

Fifi a dit…

Moi, je pense très fort, mais comme c'est trop tard, je ne sais pas si ça peut servir... Mais je pense quand même.

Olympia a dit…

Tu es édité chez qui ? J'ai du louper un blog, une info ou alors je fais passoire ..... En matière d'écriture, j'aime également Pennac mais je reste une fan absolue de Marguerite Yourcenar et Chateaubriand. je n'en cite que deux! En tout cas, les premiers Pennac que j'ai lu, m'ont rafraichi dans mon paysage littéraire de l'époque et j'ai adoré comme toi le personnage de Malaussène.

Yellow Sailboat ........... a dit…

Bonne petite note :-) Moi aussi j'ai cette impression de "vieil ami " . J'habite cet incroyable quartier et la famille Malaucène ben ... c'est un peu la mienne enfin ... romancée , oui , quand m^me :-)

Gévé a dit…

Pour vous remercier de m'avoir fait redécouvrir Pennac http://www.youtube.com/watch?v=JkE4njEGS5o

Mêo tous les jours etc... a dit…

Ah, cette tribu Malaussène, j'ai aussi l'impression de les connaitre tous !
Pennac est vraiment quelqu'un que j'aimerais rencontrer pour de vrai.

Cachou a dit…

Oh là là ! ça fait combien de temps que je n'ai pas lu du Pennac ?? Mais ça me donne une furieuse envie de m'y remettre ......

Marie Dhollande a dit…

Je viens de relire ton texte sur Pennac. Cela m'a fait penser que de Simenon aussi on a dit que ce n'était pas de "littérature". Tu as lu Simenon ? (pas les Maigret - ce ne sont pas forcément les meilleurs- mais ses nouvelles). Des ambiances comme ça esquissées en quelques lignes, par petites touches apparemment anodines, ça me cisaille !

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