Les premières pages donnent le ton et les règles du jeu : dans un champ du Kansas, un couple de fermiers trouve une capsule spatiale écrasée contenant… un bébé. Attendris par le nouveau-né, les fermiers décident de l’adopter et le ramènent chez eux. Cette histoire vous paraît familière ? C’est normal puisque c’est celle de Superman. Mais il suffit de tourner la page pour que commence la dérive : une équipe de soldats suréquipés entrent en force chez les pauvres fermiers et réquisitionnent le bébé. Superman, ou plutôt Hyperion, sera pupille de la nation, arme secrète… et objet de propagande. Cette bande dessinée n’est donc pas Superman mais Supreme Power, série Marvel récemment traduite en français par Panini Comics, écrite par J. Michael Straczynski (créateur de Babylon 5) et dessinée par le talentueux Gary Frank.
Si je vous parle de ce comic-book c’est parce qu’il est de ceux qui mettent le doigt sur le véritable enjeu dramatique du genre super-héroïque. Il arrive souvent que des fans de BD française se demandent où est l’intérêt de ces histoires de gus en costumes qui se battent entre eux. Pour eux, les comics se cantonnent à la lutte entre super-héros et super-villains, restant tributaires d’un cliché manichéen. En réalité, le véritable enjeu du genre est ailleurs. La véritable question soulevée par les comics appartient au domaine de la science-fiction : que se passerait-il si, demain, des êtres surpuissants apparaissaient sur terre ? Le sujet ne manque pas de ramifications : que feraient ces êtres de leurs pouvoirs ? Comment le commun des mortels réagirait-il à leur existence ? Que ressentiraient ces êtres semi-divins et pourtant humains ? Quelles seraient les implications géopolitiques de leur existence ? Posez-vous un instant sérieusement ces questions et vous verrez qu’elles ne manquent pas de soulever des problèmes fascinants.
Staczynski n’est pas le premier à s’attaquer au sujet sous cet angle : Watchmen d’Alan Moore, Marvels de Kurt Busiek, Kingdom Come de Mark Waid, The Authority de Warren Ellis et bien d’autres ont proposé des regards adultes sur la problématique. Supreme Power, elle, est l’héritière d’une BD oubliée et pourtant historiquement cruciale dans l’évolution du genre. Squadron Supreme, scénarisée en 1985 par Mark Gruenwald, influença probablement le Watchmen de Moore. Supreme Power est en fait un « reboot » de cette série, reprenant à zéro ses personnages (eux-même au départ inspirés des héros de DC, compagnie rivale de Marvel, d’où le clin d’œil suscité à Superman). Squadron Supreme mettait en scène une équipe de surhommes à laquelle l’humanité avait délégué son destin. Une organisation déterminée à régler les problèmes mondiaux, de gré ou de force, quitte à prendre des choix éthiquement douteux. Supreme Power met en scène des surhommes isolés, victimes de leurs propres peurs et de leurs passés, en quête d’identité. Le monde, ils le sentent bien, leur devient étranger au fur et à mesure que leurs pouvoirs les éloignent de la normalité, sinon de leur propre humanité.
Hyperion (pastiche de Superman) passe rapidement du statut de héros à celui de menace publique ; Nighthawk (pastiche de Batman) est un noir si obsédé par le racisme des blancs qu’il en devient lui-même raciste ; Zarda (pastiche de Wonder Woman) est une créature cannibale, fascinée par sa propre beauté et son propre pouvoir ; Blur (pastiche de Flash) est un personnage médiatique dépendant de ses sponsors et donc de son image, etc. Cette galerie d'individus très différents les uns des autres nous est proposée dans un contexte hyperréaliste, avec un gouvernement Bush manipulateur, des services secrets impitoyables, des médias avides de sensationnel, une populace craintive et influençable... Reste encore, après quatre albums, à tisser les liens qui vont unir ces êtres encore isolés, et à voir comment il vont trouver leur place en ce monde.
Pour le moment, Supreme Power est encore un puzzle incomplet : Staczynski prend le temps de camper ses personnages et leur environnement. On ignore donc où il veut nous mener mais en tout cas, il nous y mène avec un talent fou ! Si, donc, vous voulez découvrir le genre super-héroïque dans ce qu’il offre de meilleur, vous laisser emporter par une intrigue complexe et passionnante et, qui sait, y prendre goût, jetez un œil à Supreme Power.
Dans le même registre, mais sur un ton tout à fait différent, vous pouvez également lire Ultra, des frères Luna, traduite chez Delcourt. Cette BD aborde quant à elle le genre super-héroïque sur le ton du soap-opéra ! Les super-héros sont des stars : ils dépendent d’agences au même titre que les top-models ou les acteurs et sont toujours sous le feu des médias. Ultra est pourvue d'une force surhumaine et elle peut voler, elle est également riche et célèbre, mais c’est avant tout une jeune fille qui aime à sortir avec ses copines et qui attend le prince charmant. Rien de gnangnan, rassurez-vous, mais plutôt le portrait hyper-touchant d’un personnage vulnérable et très humain, en proie à des problématiques qui pourraient être les vôtres ou les miennes. C’est drôle, c’est intelligent, c’est plein de détails qui rendent les personnages très attachants : bref, à lire absolument !
Évitez par contre la pathétique WildGuard de Todd Nauck, traduite chez Angle Comics : quoi que proche d'Ultra dans ses thèmes, et donc apparemment novatrice, WildGuard est en fait un ramassis de clichés, d’intrigues creuses et de combats sans intérêts : à ne surtout pas lire si vous voulez vous faire une meilleure opinion de la BD américaine !
Sur ce, bonnes lectures (ou pas).
Staczynski n’est pas le premier à s’attaquer au sujet sous cet angle : Watchmen d’Alan Moore, Marvels de Kurt Busiek, Kingdom Come de Mark Waid, The Authority de Warren Ellis et bien d’autres ont proposé des regards adultes sur la problématique. Supreme Power, elle, est l’héritière d’une BD oubliée et pourtant historiquement cruciale dans l’évolution du genre. Squadron Supreme, scénarisée en 1985 par Mark Gruenwald, influença probablement le Watchmen de Moore. Supreme Power est en fait un « reboot » de cette série, reprenant à zéro ses personnages (eux-même au départ inspirés des héros de DC, compagnie rivale de Marvel, d’où le clin d’œil suscité à Superman). Squadron Supreme mettait en scène une équipe de surhommes à laquelle l’humanité avait délégué son destin. Une organisation déterminée à régler les problèmes mondiaux, de gré ou de force, quitte à prendre des choix éthiquement douteux. Supreme Power met en scène des surhommes isolés, victimes de leurs propres peurs et de leurs passés, en quête d’identité. Le monde, ils le sentent bien, leur devient étranger au fur et à mesure que leurs pouvoirs les éloignent de la normalité, sinon de leur propre humanité.
Hyperion (pastiche de Superman) passe rapidement du statut de héros à celui de menace publique ; Nighthawk (pastiche de Batman) est un noir si obsédé par le racisme des blancs qu’il en devient lui-même raciste ; Zarda (pastiche de Wonder Woman) est une créature cannibale, fascinée par sa propre beauté et son propre pouvoir ; Blur (pastiche de Flash) est un personnage médiatique dépendant de ses sponsors et donc de son image, etc. Cette galerie d'individus très différents les uns des autres nous est proposée dans un contexte hyperréaliste, avec un gouvernement Bush manipulateur, des services secrets impitoyables, des médias avides de sensationnel, une populace craintive et influençable... Reste encore, après quatre albums, à tisser les liens qui vont unir ces êtres encore isolés, et à voir comment il vont trouver leur place en ce monde.
Pour le moment, Supreme Power est encore un puzzle incomplet : Staczynski prend le temps de camper ses personnages et leur environnement. On ignore donc où il veut nous mener mais en tout cas, il nous y mène avec un talent fou ! Si, donc, vous voulez découvrir le genre super-héroïque dans ce qu’il offre de meilleur, vous laisser emporter par une intrigue complexe et passionnante et, qui sait, y prendre goût, jetez un œil à Supreme Power.
Dans le même registre, mais sur un ton tout à fait différent, vous pouvez également lire Ultra, des frères Luna, traduite chez Delcourt. Cette BD aborde quant à elle le genre super-héroïque sur le ton du soap-opéra ! Les super-héros sont des stars : ils dépendent d’agences au même titre que les top-models ou les acteurs et sont toujours sous le feu des médias. Ultra est pourvue d'une force surhumaine et elle peut voler, elle est également riche et célèbre, mais c’est avant tout une jeune fille qui aime à sortir avec ses copines et qui attend le prince charmant. Rien de gnangnan, rassurez-vous, mais plutôt le portrait hyper-touchant d’un personnage vulnérable et très humain, en proie à des problématiques qui pourraient être les vôtres ou les miennes. C’est drôle, c’est intelligent, c’est plein de détails qui rendent les personnages très attachants : bref, à lire absolument !
Évitez par contre la pathétique WildGuard de Todd Nauck, traduite chez Angle Comics : quoi que proche d'Ultra dans ses thèmes, et donc apparemment novatrice, WildGuard est en fait un ramassis de clichés, d’intrigues creuses et de combats sans intérêts : à ne surtout pas lire si vous voulez vous faire une meilleure opinion de la BD américaine !
Sur ce, bonnes lectures (ou pas).
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