10 mars 2016

The China Experience – 27/ The Lijiang Experience (Pt. 16)

Premier voyage en Chine, septembre-novembre 2002.

Décollage ici.
Expérience précédente : The Lijiang Experience (Pt. 15).


07 octobre 2002 – 02 novembre 2002 : The Lijiang Experience, Lijiang (Yunnan).

Seizième jour. Le linge que j'ai lavé la veille n'est pas sec. J'ai donc une bonne raison de repousser de nouveau mon départ. Au moins, c'est réglé dès la première heure ! J'ai tout de même envie d'autre chose que le Prague Café, pour changer, alors je m'égare à manger un gâteau au chocolat au Blue Bird, en terrasse et au bord d'un canal. Je tombe fou amoureux de leur gâteau et je reviendrai souvent en dévorer une portion. Rassasié, je travaille sur mes BD au Dadaya Café. De retour « chez moi », je suis attendu par Yanli, qui tient à me présenter son amie Ming Xia. Ming Xia (prénom qui se prononce « Ming Shia » et signifie « Rayon de Soleil ») était impatiente de me rencontrer, pour la bonne raison qu'elle est en train d'apprendre le français toute seule, à l'aide d'une méthode. C'est une femme de trente-quatre ans, simple mais élégante, originaire de Wuhan, dans une autre province plus à l'Est. Ming Xia a décidé de tenter sa chance à Lijiang, voyant dans le tourisme une opportunité de ne plus dépendre des affaires familiales, où elle travaillait jusque-là. Son échoppe (où se vendent toutes sortes de babioles et de souvenirs) se trouve dans la même rue que mon ancienne guest-house, mais les affaires ne vont pas fort cette année. La rue toute entière est en travaux, ce qui tend à éloigner les touristes. Ming Xia n'apprends pas le français pour l'amour de l'art. Depuis deux ans, elle s'est amourachée d'un Français, qui vient la visiter deux ou trois fois par ans. C'est un homme plus âgé, banquier à Grenoble. Bien qu'il rêve de s'installer en Chine, il est contraint d'attendre la retraite pour accomplir son rêve. Ming Xia est senseible et chaleureuse : le courant passe tout de suite. J'accepte volontiers de m'improviser professeur de langue pour quelques jours, et nous convenons d'un premier « cours » dès le lendemain. Ming Xia se joint ensuite au trio que je forme avec Yosuke et Woo Di, et nous poursuivons nos échanges interculturels.

Quelques mots d'ailleurs, sur Yosuke. Il est âgé d'une trentaine d'année. Son métier (que j'ai oublié depuis) conjugue d'excellents revenus à une grande liberté, de sorte que Yosuke s'offre régulièrement de longs voyages. Il est sur les routes depuis cinq ou six mois, a déjà visité l'Inde et le Tibet entre autres destinations. Calme et toujours de bonne humeur, il est d'une présence particulièrement agréable. Il parle un Chinois parfait. À ce sujet, il m'explique qu'il est assez pratique pour un Japonais de se faire passer pour un Chinois. D'une part, ça lui a permis de couper court à l'exorbitant « permis » dont il faut s'acquitter pour visiter le Tibet. D'autre part, le Japon n'ayant jamais formulé d'excuses officielles pour les crimes commis durant la Seconde Guerre Mondiale, les Chinois peuvent se montrer hostiles à l'encontre des voyageurs Japonais.

Photo : Dr. Ma Pingke


Tard dans la nuit, je poursuis mon analyse. Je réalise qu'en instaurant son curieux ménage à trois, ma mère m'a mis au-dessus de ma place. Non seulement j'étais fils unique, dans une famille aisée, pourri-gâté, mais de surcroît j'étais mis sur un pied d'égalité avec mon père. D'une certaine façon, ma mère se posait en épouse autant qu'en mère. Dès-lors, j'avais symboliquement accès à une femme théoriquement inaccessible. Après quoi j'ai passé ma vie à courir les princesses ! Tiens, tiens… Après cela je m'éprends de Laurence, la princesse de l'école. Par définition, la seule qui puisse rivaliser avec ma mère. Inconsciemment, je me jette sur une opportunité d'échapper à cette symbolique familiale merdique ! En me « fiançant » avec Laurence, je « divorce » de Maman ! Ensuite, je change d'école et je perds Laurence.

Mais pourquoi est-ce que je change d'école ? À cette époque, nous habitons Chuzelles, à dire à dix bornes de Vienne. Mon père, jusque-là, m'emmène chaque matin en allant travailler. Mais l'été 84, il doit s'absenter quatre mois pour cause de reconversion professionnelles. Ma mère décrète qu'elle ne veut pas conduire le matin et me refourgue à l'école de Chuzelles, à laquelle je serai prié de me rendre à pied. Mon père parti, ma mère s'est arrangée pour m'arracher à ma « fiancée », m'enfermant de plus belle dans le rôle de « mari » de substitution. Je tombe des nues devant les accords inconscients de cette femme, devant un plan si bien échafaudé ! La garce ! Je repense alors au poème Un ange passe, écrit en 1998 : « cette fuite de la mer » (comprendre « mère »). J'avais bien analysé déjà ma problématique. Là où, parait-il, nombre d'hommes cherchent leur mère à travers leurs femmes, je fuis depuis toujours la mienne à travers les miennes !


Prochaine expérience : TheLijiang Experience (Pt. 17).

Aucun commentaire:

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...