Premier
voyage en Chine, septembre-novembre
2002.
Décollage
ici.
Expérience
précédente : The Lijiang Experience (Pt. 12).
07
octobre 2002 – 02 novembre 2002 : The Lijiang Experience,
Lijiang (Yunnan).
Treizième
jour. Je dors dix-huit heures d'affilée et émerge à quinze heures.
Mes espoirs de reprendre des horaires normaux tombent à l'eau mais
je suis bien décidé à partir ce soir. Je fais mon sac et rends ma
clé aux propriétaires de la guest-house,
qui me lèguent de grands sourires en guise de cadeau d'adieu. Je
dois d'abord consulter mes emails, afin de m'assurer que les
questions financières qui me préoccupent seront réglées, et
j'apprends avec soulagement qu'elles le seront.
Photo : Dr. Ma Pingke |
Pas
question, bien-sûr, de quitter Lijiang sans un dernier verre au
Prague Café. Il est dix-sept heures, le bus part à dix-neuf heures
trente, j'ai le temps… La serveuse, Yanli, me voit avec mon sac,
s'enquiert de mon départ, commence à taper la converse. Il est vrai
que je viens ici tous les jours et que nous ne nous sommes jamais
vraiment parlés. Elle évoque l'épisode du chat, la veille :
ma compassion pour ce pauvre animal l'a touchée. Elle me demande ce
que j'écris ainsi chaque jour, si c'est un journal intime ou un
travail littéraire. Je lui explique que c'est un peu des deux mais
que, en effet, j'ai terminé mon premier roman sous ses yeux. Yanli
est un peu plus jeune que moi, elle a les yeux rieurs et le visage
ouvert. Depuis le premier jour, à vrai dire, je la trouve
sympathique. Elle m'explique qu'elle est en fait la sœur de Jenny,
la patronne des lieux, que j'avais aperçue les premiers jours.
Lorsqu'elle a terminé ses études, ne sachant trop que faire, Yanli
est venue travailler ici, et comme Jenny est en train d'ouvrir un
second Prague Café à Kunming, elle s'occupe de l'affaire en son
absence. Elle me demande où je vais. Je vais dans le Guizhou,
découvrir les Miaos et les Dongs. Yanli sourit : elle a grandi
dans le Guizhou. Ses parents s'y trouvent toujours, et la famille est
en partie Miao par le grand-père. Ainsi donc je rencontre ma
première Miao, c'est Yanli, et – je le découvrirai peu à
peu – Yanli est un ange, un être fondamentalement
bienveillant. Pas naïve pour un sou, juste bienveillante.
Ensuite
arrive Woo Di, un grand Chinois l'air un peu geek,
la trentaine. Il s'assoit à la table à côté, nous engageons la
conversation. Il vient de Beijing, il travaille dans la finance. Nous
parlons, lui, moi, Yanli… Le temps passe, et de seconde en seconde,
mon envie de partir d'ici disparaît tout à fait… À
dix-neuf heures, il est évident que je n'irai nulle part ce soir…
Je demande à Yanli s'il reste un lit de disponible dans la
guest-house
attenante au café. Les lits sont tous
disponibles : pour quelque raison, la police à temporairement
retiré au café sa licence hôtelière. Mais je peux rester au tarif
normal de dix yuans la nuit : en cas de contrôle, il suffira de
dire que je suis un ami, un invité, et non un client. Je saute sur
l'occasion. Si Lijiang est mon havre de paix dans le monde, le Prague
Café est mon havre de paix à Lijiang.
Yanli
me conduit à ma chambre : je dispose d'un dortoir de six lits
pour moi tout seul. C'est très propre et très cosy,
tout en boiseries et parquet. Les dortoirs se situent de l'autre côté
de la petite cour intérieur qui se trouve derrière le bar. On
trouve également dans cette cour les toilettes, la salle de bain et
la cuisine. Mes seuls compagnons nocturnes seront les deux chiens et
les deux chats du café, que je salue ça et là depuis deux
semaines, sans m'être encore vraiment liés d'amitié avec eux. Et
c'est ainsi, parce que j'ai voulu sauver un petit chat roux, que je
me retrouve installé au Prague Café, bel et bien incapable de
quitter Lijiang.
Woo
Di part ensuite assister aux danses naxi. À
son retour, notre échange se poursuit de plus belle. Nous buvons du
vin du Yunnan, qui a le goût de Bordeaux. À
vingt-trois heures quarante-et-un, je suis le dernier client du bar
qui s'apprête à fermer. Yanli et l'autre serveuse font les comptes
de la journée, Keith Jarrett berce nos oreilles, je suis légèrement
ivre et je persiste à vouloir quitter Lijiang le lendemain, tout en
songeant qu'il serait bien agréable de prolonger éternellement ce
moment. À
chaque voyage, arrive cet instant précis où toute la colère se
dissipe, où l'on se sent tout à fait rempli et tout à fait libéré
de ses peurs. Pour moi, ça sera ce soir-là. Je reste longtemps
écrire dans la salle du café après la fermeture. Mais ce que
j'écris, en ces instants précieux, n'appartient qu'à moi…
Prochaine
expérience : The Lijiang Experience (Pt. 14).
1 commentaire:
Très précieuse et incontournable est cette expérience !
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