24 septembre 2014

Requiem pour une solitude

Avant, j'étais tout seul chez moi. Je passais des nuits entières à me noyer dans les délices de l'auto-contemplation. À présent, j'ai des petits fantômes domestiques et autres amis imaginaires. Ils ne sont pas vraiment là mais c'est tout comme si... Ils bavardent sans arrêt, et je leur réponds, et ils me répondent, et je leur réponds, et tout cela est tellement, tellement fatiguant !

Avant, il n'y avait personne pour interrompre la nuit. Juste cette cochonnerie de téléphone. Je le regardais sonner, sachant pertinemment que l'insolant qui avait l'audace de me déranger se découragerait avant moi. Et puis de toute façon, passée une certaine heure plus personne n'appelait. C'était bien.

Mais tout ça, c'est fini. Maintenant, je suis obligé de m'occuper de mes invités indésirables en permanence. Ils grignotent mes miettes. Des fois, c'est vrai, ils me divertissent. Souvent, ils m'agacent. Parfois même, ils ont l'audace de me snober, sous mon propre toit. Des fois, je voudrais bien aller dormir et puis je me laisse prendre au jeu d'une conversation délibérément absurde. Des fois je suis tranquille, bien posé, et puis d'un coup voilà qu'un de mes amis imaginaires m'impose sa triste vision du monde ou sa colère, me colle un petit coup de stress pour la route. Pas terrible quand déjà, à la base, on est un agneau insomniaque.

Ce qu'il y a de bien pourtant avec la solitude, c'est que c'est un moment où l'on peut vraiment être à soi. Ce n'est pourtant pas que je me donne trop de mal à faire des faux-semblants avec les autres mais quoi qu'on en dise, il y a une part de représentation dans l'interaction. Dès qu'il y a l'autre il y a, c'est implacable, une part de nous qui sait que cet autre, là en face, il va forcément peser nos paroles et nos actes, au kilo, avec la délicatesse d'un garçon-boucher. On aura beau dire et beau faire, cette prise en compte de l'autre est ancrée bien trop profondément dans notre ADN d'animal social. Elle a forcément une incidence, fut-elle subtile. On est génétiquement programmés au métier d'acteur, je crois.

Dans la solitude, personne ne vient vous contaminer la pensée avec ses exigences, ses opinions creuses, ses mots lourds de sens interdits... Ils sont trop envahissants, mes amis imaginaires. J'ai déjà assez de mes pensées à moi, de mes diversions, de mes souvenirs. Déjà, à moi tout seul, je suis tout une foule. J'ai déjà assez, aussi, des gens que je croise au dehors. Il faut les digérer. Alors quand je rentre chez moi, je n'ai pas forcément envie de recevoir mais je n'ai pas le choix : ma piaule est en mode open bar depuis sept ans. Les bouquins, les films, la musique, même la tarévision, ce sont également des distractions mais c'est différent. Ça nourrit davantage que ça ne pollue. Je ne réponds jamais à un bouquin lorsqu'il me contredit.

Et puis je me rends compte qu'au fil des ans j'ai oublié, j'ai oublié ce que c'est que la solitude. J'ai oublié ce que c'est que de passer une soirée entière vraiment, complètement avec moi-même. J'ai oublié ce que c'est que de ne pas être grossièrement interrompu dans le fil de mes pensées. J'ai oublié ce que c'est que d'oublier les autres. Je voudrais bien me souvenir. Je voudrais bien savoir comment ça serait, la vie, sans tout ça, sans cet incessant vacarme humain. Je voudrais bien retrouver mes miettes. Je crois que tous ces amis imaginaires, ils sont en train de me changer. Je crois que ça pèse lourd sur ma tronche. Je crois que ça m'éloigne de l'idée que, jadis, je me faisais de la sérénité. Je crois qu'il est temps que je fasse quelque chose. Temps de ne plus trop me connecter à Facebook, Twitter et compagnie parce que les gars, je suis navré de vous le dire : je vous aime bien mais vous me sucez la cervelle !

10 commentaires:

Gévé a dit…

Alors, te voilà spéléologue du dialogue des silences ?

Cachou a dit…

!!!!!
Tu as oublié le Wizzz dans ta liste ... :-)

Élaine Germain a dit…

non, pas nous quand même... Vois-nous plutôt comme des divertissements alors!

Stephanie Plume a dit…

la solitude se déguste je te comprends... à toi de retrouver l'équilibre si tu te sens décalé
viens quand tu veux, et ne te justifie pas... les rencontres c'est cadeau de la vie non? ici, ailleurs...

de toute façon on finira par se recroiser un jour ;)
on aime trop squatter les mêmes endroits :)

hugopat a dit…

Bon, ben on va pas t'embêter alors, il vaut mieux qu'on te laisse un peu de cervelle......

Labanda Fabienne a dit…

CA SERAIT TRES TRES COOL UN BREF POEME D UN AGNEAU INSOMNIAQUE CE SERAIT GENIAL!!!!!

Isabel DL a dit…

Vous me sucez la cervelle ! Je le dis souvent ça. Et c'est tellement vrai. ;)

Petit Oai a dit…

comme je te comprends...

Iléã a dit…

Débranche tout alors ;)

Iléã a dit…

Les Sims :-)))

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