L'electroclash a toujours été une musique d'intellos. Derrière ses apparences superficielles, dansantes, parfois salaces, le genre ne s'est pas contenté de reinventer l'electro des années 2000, d'y ré-insuffler la pop que l'electro des années 1990 avait chassée à grand coups de breakbeat et de glitch (pour paraître, justement, très intello). L'electroclash est un manifeste, le retour d'une attitude sex, drugs & rock'n'roll si exagérée qu'elle en devient caricaturale, et au bout du compte fait le procès d'une société de consommation où même l'autre devient un objet (sexuel) qu'on achète et qu'on jette. Paradoxalement, c'est aussi (quand même) le retour de la légèreté, du droit au glamour et à l'autodérision. Et encore, pourrait-on dire, une régurgitation parfaite de tout ce qui s'est fait de Elvis Presley à Aphex Twin en passant par Cocteau Twins, The Human League et James Brown...
Le duo suédois The Knife s'illustre depuis 2001 comme l'une des plus fascinantes bizarreries de ce mouvement. Les quatre albums parus à ce jour (dont une musique de film) sont autant de perles minimalistes, expérimentales, ténébreuses ou dansantes (parfois tout ça à la fois). On peut ne pas apprécier leur esthétique radicale, leur déconstruction systématique de la cold-wave et de la dance music, deux langages qu'ils maîtrisent parfaitement, mais on ne peut que s'incliner devant la singularité de leur esthétique.
Le nouveau projet de The Knife, Tomorrow, In A Year, s'annonce comme un tournant décisif dans leur carrière puisqu'il s'agit... d'un opéra ! Pas un opéra rock à la con comme on en a tant vu, mais bel et bien une pièce contemporaine, qui s'inscrit autant dans la lignée des musiques dites « savantes » (contemporaines, répétitives, etc.) que dans la tradition électronique. Commandité par la compagnie Hotel Pro Forma dans le cadre plus global d'un spectacle sur Darwin et sa théorie de l'évolution (!!!), le double album sera disponible au mois de mars, et le premier extrait (une pièce de onze minutes en écoute sur leur Myspace) met l'eau à la bouche !
Il faut dire que Tomorrow, In A Year marque aussi la première collaboration entre The Knife et les musiciens Planningtorock et Mt. Sims. Planningtorock est anglaise (mais vit à Berlin) et s'est faite remarquer avec l'album Have It All en 2006. Cet album est lui aussi une bizarrerie, quelque part entre la douceur baroque de Kate Bush et l'hystérie élégante de Dandi Wind. Mt. Sims, lui, est canadien (mais il vit aussi à Berlin). En 2002, il débutait sous le nom de Mount Sims avec Ultra Sex, une merveille de synth-pop boostée au Minneapolis Sound façon Prince, un album qui contribua grandement à lancer l'explosion electroclash des années 2002-2005. Ont suivis un disque plus sombre, à la limite de l'indus, plus difficile d'écoute mais d'une assez fascinante morbidité, jusqu'à la formation du groupe Mt. Sims à Berlin et l'album cold-wave qui en découla.
Alors voilà : trois des entités musicales les plus remarquables de la décennie se réunissent pour composer un opéra, il serait étonnant que ça ne donne pas quelque chose de mémorable ! Une expérience qui marque en tout cas le véritable début d'un mouvement post-electroclash (ce mouvement qu'on ne sait plus comment appeler puisque la presse musicale a décrété la mort de l'electroclash en 2005 !). C'est tout une génération de musiciens qui va enfin se libérer de son image suave, sex, drugs & rock'n'roll. Ainsi, le mouvement qui a su ramener la pop dans l'electro finirait donc par la réconcilier avec ses origines electroacoustiques... L'electroclash est mort ? Vive l'electroclash ! Une boucle se boucle en tout cas...
Colouring Of Pigeons, premier extrait de l'opéra Tomorrow, In A Year, est donc en écoute ici. C'est prometteur, c'est magique, c'est beau, c'est ce vers quoi nous autres artistes devrions tous tendre (et moi l'écrivain le premier) !
2 commentaires:
bien sympa...
C'est toi qui me l'as fait découvrir et j'adore.
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