20 octobre 2009

Les kamikazes de France Telecom

Ça fait un moment que je cogite à cette histoire de suicides chez France Telecom et ces derniers jours rebelote aux infos : une tentative ici, une réussite là, les syndicats accusent, les patrons s'excusent et les médias traitent tout ça comme si c'était la plus naturelle des choses. J'ai comme le sentiment qu'après les séquestrations de patrons qui -n'en doutons pas- deviendront de plus en plus violentes, les syndicats sont en train de nous concocter du bon vieux kamikaze... Je veux dire, je suis pas en train de dire que les syndicats poussent les mecs au suicide mais ils se servent de ça d'une manière qui... je sais pas. Je sais pas et je comprends pas que tout le monde soit d'accord avec cette explication du phénomène : « culture du résultat d'entreprise de merde » + « délocalisations-je-sais-pas-quoi » = « suicides de masse ». Ok on est bien d'accord c'est une ambiance pourrie et les pauv' vieux fonctionnaires pépères de l'époque des PTT y doivent pas en revenir mais...

Réfléchissons deux minutes. Je veux dire y'a un mec qui se flingue tous les mois et ça serait genre juste la faute au taf ? Vous vous suicidez à cause du taf, vous ? On a tous connu des gens qui faisaient des T.S., mais jusque-là j'avais jamais entendu parler de gens qui se flinguent à cause du taf ! Des gens qui font une bonne vieille dépression oui ça d'accord, mais le suicide c'est quand même pas à la portée du premier dépressif venu. Je veux dire c'est quand même méga GRAVE, c'est le NON total à la vie, radical, sans retour. C'est le NON définitif aux gens qu'on aime et qui nous aiment, aux pizzas, à la baise et à la plage et au foot pour ceux qui kiffent (parce que moi le foot...). Sans déconner vous vous flingueriez à cause du taf ? Réfléchissez deux secondes ? Vous préfèreriez pas encore démissionner, vous faire virer, pointer au chômage ou au même au RMI, enfin je sais pas, n'importe quoi plutôt que de vous suicider à cause d'un putain de taf ???

Non, je gobe pas ça. On se suicide pas comme ça parce qu'on est dans une entreprise de merde dirigée par des gros cons. Ça peut peser lourd dans la balance mais y'a d'autres trucs, bien plus profonds, une dépression larvée, une thérapie pas faite, des bons vieux traumas bien enfouis et tout le tralala. On se fout pas en l'air comme ça, à cause d'un seul facteur.

Alors attention je suis pas en train de prendre la défense des dirigeants de France Telecom qui de toute évidence sont des abuseurs de première classe qui ne vivent que pour faire du chiffre et qui seront bien avancés avec leurs chiffres sur leurs lits de mort. Non, tout le mal que je pense de leur soi-disant « culture d'entreprise » qui est tout sauf une « culture », qui est l'aliénation de l'être au groupe non plus au nom de la moindre valeur fut-elle archaïque comme autrefois mais au nom du profit des actionnaires et des cadres, qui vont vous faire croire que si vous avez la « France Telecom Attitude » ou Dieu sait quelle connerie de ce genre, vous allez être heureux alors qu'en fait tout c'est que du bourrage de crâne hyper bien pensé avec techniques marketing et psychologie appliquée et toute une armada de méthodes de propagande éprouvées, bref... Non, cette « culture d'entreprise »-là c'est comme les campagnes de pub des hypermarchés qui se positionnent en alliés du consommateur pour des prix plus bas et toutes ces conneries alors qu'ils ne font que profiter de votre manque d'éducation, de votre illettrisme et de votre vie trop fatigante pour réfléchir pour vous faire gober n'importe quoi ! C'est que de la merde, aux antipodes des préoccupations qui devraient être celles d'un être humain éduqué, éthique, spirituel... Le travail bien fait oui, mais le mec qui s'en branle de son taf tu lui feras pas gober la « France Telecom Attitude », tu lui fera faire semblant jusqu'à-ce que le mec soit encore plus un mensonge sur pattes qu'il ne l'était déjà au départ ! Enfin bref, non, j'excuse pas les patrons de France Telecom qui feraient mieux de se poser des questions et de penser un peu moins au fric et à la « production » et un peu plus au bien qu'ils font autour d'eux dans leur vie quotidienne...

Mais qu'on arrive à leur faire dire, et qui sait peut-être même croire, que les mecs se suicident spécifiquement à cause d'eux !!! C'est ÉNORME !!! Je serais P.D.G. de France Telecom... je sais pas, je me défendrais, je dirais « arrêtez vos conneries, on peut discuter, vous pouvez dire que notre leadership c'est de la merde, qu'on vous prend pour des cons, qu'on vous met la pression comme des enculés, mais putain on n'y peut rien si les gens se flinguent !!! ». Mais non, le type il arrive la queue entre les jambes et il promet de faire des efforts et tout l'arsenal !

C'est le putain de monde à l'envers. Que j'aie tort ou raison c'est le putain de monde à l'envers. Parce que si j'ai raison, on est de plus en plus à côté de la plaque, on est de plus en plus incapable d'identifier clairement les causes de la détresse psychique ou plutôt l'incommensurable ensemble de facteurs qui ont, je l'avoue, de quoi pousser les gens au suicide et ça depuis la maternelle jusqu'aux maisons de retraite si ils n'ont pas les outils psychologiques favorables à un profond travail sur soi. Alors on trouve des boucs émissaires et on oublie tout le reste de ce qui fait l'équation d'une dépression nerveuse, ce qui est aussi stupide que si un mec se suicide parce que sa meuf l'a plaqué. Si vous mettez tout ça sur le compte seul de la rupture, c'est que vous êtes à côté de la plaque ! Et si j'ai tort alors ça veut dire que la soi-disant « culture d'entreprise » l'a emporté sur l'humain, la famille, la religion, l'amitié, l'amour et la lumière du soleil, que le bonheur des gens n'est plus conditionné que par leur taf que de toute évidence ils détestent, par des actionnaires qui n'en n'ont rien à foutre d'eux et qui les manipulent, par des valeurs qui n'en sont pas (le terme « valeurs d'entreprise » me fait encore plus gerber que le terme « culture d'entreprise » !). Ça veut dire que ce n'est plus la peine d'avoir peur de Sarkozy parce que tout ce que vous craignez qu'il ne fasse a déjà été, en fait, totalement accompli par ceux qui l'ont précédé.

Voilà, je sais il est un peu en vrac cet article, écrit d'un-coup-comme-ça-clac-au-fil-de-la-plume et faudra faire avec, parce que pour une fois j'avais pas envie de faire des jolies phrases et de vous balancer une argumentation méga structurée, je peux pas tout le temps taffer moi non plus ^^

Sur ce, bonne semaine, et essayez de pas trop vous suicider, c'est super mauvais pour le karma !

15 commentaires:

fred a dit…

Je le dis tout net....
Je suis contre le suicide.
Mais demander aux hommes d'être toujours performants et en tout, ça les use parfois surtout si leur "background" affectif a trouvé son point culminant au ras des pâquerettes...hélas j'en ai connu...happés par le système, ils ont fait un joli cadeau à ceux qui restent.....les blâmer.... non..... les comprendre ...impossible.

boris a dit…

Oui c'est une putain de bonne question ce que vous soulevez là, une putain de bonne question.

maridia a dit…

en vrac cet article ? pas tant que ça , à force de faire vivre tout le monde dans la peur de tout on en arrive là ! Tiens je pars admirer les fleurs sauvages , si ça redonne pas le goût de vivre ça , je veux bien me pendre !!!

moka a dit…

Tu as tout-à-fait raison car le boulot peut être usant, déprimant mais il faut parvenir au bout de tout espoir pour en arriver à une solution aussi extrême ...

maridia a dit…

à l'impossible nul n'est tenu et le travail n'est pas tout loin de là ........
S'épuiser à essayer d'atteindre des objectifs démesurés est vain .....
Regarder vivre les fleurs sauvages est divin ......
J'ai choisi ...... les fleurs .........

greg hauser a dit…

les bourreaux aux cols blancs

Brigitte,THE WALL a dit…

Et bien,je ne sais pas si tu as raison,SHAOMI,mais je sais que je suis entièrement d accord avec ton texte,du début jusqu à la fin!!
exception pour:TEXTE EN VRAC,car si c est du vrac,alors continues,c est excellent!
le suicide est un chose définitive,un taf n est jamais définitif...on peut dire non à un travail et en trouver un autre,mais quand on a dit non à la vie,c est fini.

Lau Be a dit…

Je me suis dit à peu près les mêmes choses que toi! C'est bizarre ct'affaire! Bon, une entreprise de harcèlement moral peut démolir quelqu'un et pour peu qu'il y ait une fragilité particulière, que ça puisse être l'élément déclencheur d'un suicide, OK! Mais là, c'est trop. Il y a un truc là-dessous!

Nicolas Manenti a dit…

la "culture d´entreprise" ca vient d´une mentalité générale dans la société qui pousse les gens à sans cesse aller plus vite, gerer plus de choses en même temps, et à plus d´efficacité. On retrouve la même mentalité hors travail et c´est peut être aussi pour ca que les gens craquent..
ceci dit il ne faut pas sous-estimer l´impact du harcèlement moral au travail... si vous êtes plus vulnérables ou fatigués à un moment donné ca peut faire de sacrés dégâts.

Je pense de toute facon qu´il faut en profiter pour changer les mentalités dans les rapports humains au travail... ca nous évitera peut-être aussi à l´avenir de gober certains programmes politiques de joggers sous-doués à rolex des Hauts-de Seine à base de "plus de plus" :-D
Y´a plein de gens qui ont écrit des éloges de la paresse...
Faudrait les vendre en pharmacie... avec un petit DVD des Monty Pythons ou une BD de Gotlib comme anti-dépresseur! (un traitement qui avait bien marché sur moi à l´époque!!! :-D)

bises monsieur et... passe nous voir bordel!

Xavier Löwenthal a dit…

ah c'est pas faux. mais si "la soi-disant « culture d'entreprise l'avait réellement emporté sur l'humain, la famille, la religion, l'amitié, l'amour et la lumière du soleil, que le bonheur des gens n'était vraiment plus conditionné que par leur taf que de toute évidence ils détestent, par des actionnaires qui n'en n'ont rien à foutre d'eux et qui les manipulent, par des valeurs qui n'en sont pas? si c'est l'explication, vraiment, je finirais presque par y songer aussi, au suicide. je crains que cette culture ne gagne du terrain, inexorablement, mais les grains de sable, les vers dans le fruit et les saboteurs en tous genres aussi. et moi je m'en fous, de leur "culture d'entreprise", de la technique, de la performance, du résultat et du rendement.

ness a dit…

pas le temps de répondre now, mais je le ferai par la suite.
1 ere piste sociologique : lire le chapitre sur le "suicide anomique" de Durkeim , extrêmement intéressant..
2 eme piste : quand on individualise tout, on casse le groupe et les lien. Peut être que se suicider est rejoindre un groupe avec une très forte cohésion, les suicidés...
je continuerai plus tard

Sigouline a dit…

Je ne sais pas si tu as raison ou tort, ce que je sais c'est qu'il y a des gens ( fragiles très certainement ) qui sont bouffés par le système, leur entreprise, la société de consommation et tout le st bazar et qui n'ont plus de vie personnelle, plus de vie tout simplement. Ils en deviennent gagas, ça leur grille les neurones et ils ne pensent plus qu'à en finir... Je crois, oui, que nous sommes devenus très fragiles. Qu'un rien peut nous faire basculer ( dans le vide, sans vouloir faire d'humour noir )

PetiteLune a dit…

Très pertinent.......des bises

Audrey Betsch a dit…

Tu as dit ce que j'avais du mal à m'énoncer moi même.
Infirmière, j'ai vécu le fameux burn out, celui qui te flanque grave par terre.
3 mois et demi d'arrêt...
Effectivement, j'ai pensé à changer de boulot, j'y pense encore.
Mais me suicider pour ça , nan...
(Alors que me suicider pour autre chose, ben oui... )
Je suis d'accord avec toi, et la prise de poition n'est pas évidente!

Cachou a dit…

Alors ça, c'est "rigolo". En tant qu'élue déléguée du personnel, j'ai été conviée à une formation (à laquelle je suis partie à reculons, je l'avoue), sur la "qualité de vie au travail". Et finalement, ce n'est peut-être pas si simple ...
Qu'il y ait une base de fragilité personnelle ou un isolement social qui facilite le passage à l'acte, c'est indéniable. Mais il y a des gens, a priori "normaux", qui se font avaler tout cru par leur taf. Insidieusement, subrepticement, sans s'en rendre vraiment compte. De brimades en vexations, de performances à atteindre à remises en cause personnelles, ils finissent par ne plus avoir de recul. C'est au mieux la dépression, au max le burn-out, voire dans les cas extrêmes, la TS ....
C'est grave flippant ! On ne peut pas mesurer l'impact des risques psycho-sociaux. L'indicateur varie d'une personne à l'autre, et les conséquences aussi

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...