Premier
voyage en Chine, septembre-novembre
2002.
Décollage
ici.
Expérience
précédente : The Lijiang Experience (Pt. 16).
07
octobre 2002 – 02 novembre 2002 : The Lijiang Experience,
Lijiang (Yunnan).
Dix-septième
jour. Comme je dois donner une leçon de français à Ming Xia, je
renonce encore à quitter Lijiang. Elle vient avec sa méthode,
m'explique ses difficultés, nous travaillons une heure, peut-être
deux… Le français est une langue très difficile à prononcer pour
les Chinois : il existe, dans chacune des deux langues, des sons
totalement inexistants dans l'autre. Je réalise avec stupéfaction
qu'on ne peut prononcer du premier coup les sons qui n'existent pas
dans notre langue, pour la bonne raison qu'on ne les entend
pas ! J'en profite pour demander tout un tas de mots et
d'expressions chinois à Ming Xia, et me casse les dents sur les
tonalités. Il y a aussi les questions auxquelles je ne m'attendais
pas : pourquoi dit-on soixante-dix, quatre-vingt et
quatre-vingt-dix au lieu de septante, octante et nonante ? Je
suis bien en peine d'expliquer ça ! La conversation se mêle au
cours et vice-versa, avec beaucoup d'éclats de rires et
d'anecdotes... Une belle complicité s'installe entre nous, sous le
regard réjoui de Yanli. Woo Di passe nous faire ses adieux (ses
vacances se terminent ici) et Yosuke arrive en même temps que lui.
Je sens à notre conversation que Woo Di est légèrement las de mon
incessante éloquence. Je fais celui qui n'a rien remarqué et comme
il reste courtois jusqu'au bout, je lui souhaite bonne route. En
parallèle, un sympathique Américain, se livre à un trafic de CD
avec Yanli. Il copie les disques du Prague Café, et elle copie les
siens.
Photo : Dr. Ma Pingke |
À
l'heure de l'apéro, Ming Xia et Yanli me présentent deux de leurs
amis : Guo Tao et sa compagne, dont je ne retiendrai
malheureusement pas le nom. Ce sont deux jeunes Chinois sympathiques
et chaleureux. On m'invite à dîner en leur compagnie, et bientôt
la table est recouverte d'une quantité astronomique de mets plus
succulents les uns que les autres. Guo Tao est fonctionnaire de
police, et c'est une opportunité intéressante de connaître
l'opinion d'un membre des autorités quant à la politique chinoise.
Guo Tao n'a pas vraiment le profil du flic : détendu, délicat,
drôle, bon-vivant, cultivé… Il est néanmoins tout aussi
catégorique que tous les Chinois que je rencontre : le
gouvernement permet au peuple d'améliorer son niveau de vie, c'est
donc un bon gouvernement. Il y a tout de même un bémol : la
corruption qui ronge tout le système, de haut en bas. Des quantités
astronomiques d'argent public sont détournées chaque jour, et cela
le met hors de lui. Pour autant, il précise qu'il adore la Chine au
point d'être prêt, sans hésitation, à « mourir pour son
pays ». Notre festin est arrosé d'alcool de riz, le saké
chinois. On m'en sert verre sur verre. Je découvre avec plaisir cet
alcool au goût délicat, mais très vite je réalise que c'est
vraiment un alcool fort.
Lorsque le repas s'achève, Ming Xia et moi sommes ivres morts. Ming
Xia évoque son beau Français qui est si loin, qui lui manque tant,
qui vient si rarement… Elle finit par fondre en larmes, et nous la
réconfortons tant bien que mal. Je la prends dans mes bras et lui
murmure des paroles rassurantes sur la patience, le temps qui
consolidera leur relation, mais rien n'y fait, elle continue de
pleurer comme une madeleine… Elle se lamente ensuite à propos de
la barrière de la langue : elle a les plus grandes difficultés
à exprimer en anglais, dans les lettres qu'elle lui adresse, ses
sentiments les plus profonds. Me vient alors une idée qui lui
remonte instantanément le moral. Yosuke possède un chinois et un
anglais parfaits. Ming Xia pourrait donc écrire sa lettre en
chinois, Yosuke la traduire en anglais, et moi la retraduire en
français. Ming Xia est enchantée, nous convenons de procéder à
l'opération dès le lendemain. Au bout du compte, je me retrouve
complètement sec, avec une envie de boire encore que je sais
déraisonnable, et l'Américain aux CD qui m'explique que je ferais
mieux d'aller me coucher. Trop ivre pour faire autre chose, je suis
son conseil.
Partirai-je,
enfin, demain ?
Prochaine
expérience : The Lijiang Experience (Pt. 18).