18 décembre 2006

Boire et fumer tue, pas le ridicule !

Je ne vais pas ici remettre en cause les campagnes gouvernementales contre l’alcool au volant ou la cigarette : on peut en penser ce qu’on veut, on ne peut pas reprocher à l’État de vouloir protéger la santé des individus, puisque c’est là sa tâche. Non, ce qui m’afflige c’est l’absolue stupidité avec laquelle certaines de ces campagnes sont menées.

Je commencerai avec l’hilarant épisode des baby-foot. Pour mémoire, il y a quelques semaines, après le vote de l’interdiction de fumer dans les bars, Jean-François Copé nous annonçait avec le plus grand sérieux son idée géniale : pour éviter que les fumeurs ne désertent bars et cafés, le gouvernement va baisser la taxe sur les jeux, afin que tous se réunissent autour des flippers, billards et baby-foot ! Cette déclaration prouve une chose ou l’autre : soit le gouvernement actuel méprise les Français et l’affiche avec une audace qui frise la provocation ; soit il est complètement déconnecté des réalités quotidiennes ! M. Copé semble avoir du bar une vision qui se réduit à celle du PMU de son village, où les jeunes jouent au flipper pendant que les vieux se saoulent au petit déjeuner. L’idée que 90% des gens qui vont discuter dans un café ou boire des coups dans un pub se moquent éperdument du baby-foot ne semble pas l’avoir effleuré… Et puis franchement, le baby-foot en boite de nuit…

Évoquons à présent des vieux qui ne se saoulent pas au petit déjeuner : ceux qui croupissent dans ces mouroirs que l’on nomme maisons de retraite ! Ces personnes âgées sont les premières victimes d’une loi qui ne tolère pas l’exception : les voilà, en maison de retraite, interdits de fumer jusque dans leur chambre ! Lorsque l’on sait le désespoir que connaissent souvent les pensionnaires de ces établissements, on trouvera bien cruelle une loi qui leur ôte même le plaisir de fumer au lit !!! D’autant que beaucoup de ces personnes très âgées n’ont guère la force de sortir se geler quinze fois par jour pour fumer leur clope en hiver. À moins bien sûr que tout cela ne participe d’un plan secret visant justement à résoudre le problème des retraites en provoquant la pneumonie chez les vieux que le cancer du poumon persiste à épargner. En ce cas, qu’on le dise et que l’on cesse la grotesque comédie de culpabilisation à laquelle on a droit chaque été depuis la canicule de 2003 !

Petite leçon de psychologie fondamentale, à présent. Les paquets de cigarettes et de tabac doivent, depuis trois ans, porter une étiquette stipulant que « fumer tue », « fumer provoque le cancer », etc. Cette mesure superflue (nul n’ignore aujourd’hui les dangers du tabac) va provoquer, à terme, l’inverse de l’effet escompté : une hausse des décès liés au tabac ! Hein ? Quoi ? Qu’est-ce qu’il raconte ? Je m’explique : on néglige encore bien souvent le pouvoir incroyable de l’inconscient mais n’importe quel psy ou sophrologue vous l’expliquera mieux que moi : un propos qui est asséné à l’inconscient s’ancre dans la psyché et devient un « programme ». C’est ce qu’on appelle un lavage de cerveau et cela fait appelle à la répétition forcenée de ce que l’on nomme des « messages subliminaux », autrement dit des messages qui s’adressent directement à l’inconscient. Si vous êtes fumeur, vous conviendrez que vous ne « voyez » plus le sticker « fumer tue ». Consciemment, vous n’y faites plus attention. Pourtant, tous les jours votre regard glisse un nombre incalculable de fois sur votre paquet de clopes posé sur la table. C’est donc probablement cent fois par jour que votre inconscient capte le message « fumer tue ». Le pouvoir de notre inconscient est époustouflant, bien plus important que l’on ne le croie généralement. Quelqu’un qui fume et dont le cerveau capte à longueur de journée que « fumer tue » va intégrer cette donnée dans son programme inconscient, ce dernier finira par transmettre à son tour cette information au corps, qui appliquera le « programme » et développera une maladie liée au tabac. Je ne dis pas que cela arrivera à TOUS les fumeurs, mais peut-être à plusieurs centaines -voire milliers- de personnes, d’ici dix ou vingt ans (le temps que le message subliminal fasse son effet à force de répétition), mourront à cause des étiquettes fumer tue. J’ai l’air de déconner mais c’est très sérieux ! Alors attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : les campagnes anti-tabac qui s’adressent au conscient sont nécessaires. Celles qui s’adressent de façon pernicieuse à l’inconscient auront des conséquences dramatiques (mais certes indécelables). Ceci prouve en réalité une chose : l’ignorance totale (et tragique) qu’ont nos députés et hommes politiques de la nature humaine. Quelles que soient leurs connaissances en économie, en sciences sociales, en droit ou en géopolitique, nos dirigeants n’ont aucune idée des bases de la psychologie humaine. Et c’est peut-être là que le bât blesse : notre société tout entière fonctionne sur des lois et des mœurs qui négligent notre nature fondamentale, de même que l’on élève généralement nos enfants dans des aberrations psychologiques qui n’aboutissent qu’à engendrer des adultes névrosée, perturbés, en souffrance… Mais je m’égare car c’est là un autre débat… Il reste que cette petite anecdote tabagique conduit à se demander quand est-ce que l’on se décidera à mettre au pouvoir des gens qui comprennent les fondamentales du psychisme humain.


De fil en aiguille, on arrive à une autre maladresse de nos chers pouvoirs publics : la campagne anti-alcool au volant adressée au jeunes. J’évoquerai brièvement l’épisode vite avorté du « capitaine de soirée ». Jusque là, en effet, le jeune qui héritait de la responsabilité de conduire était officiellement dénommé « capitaine de soirée ». Et les campagnes publicitaires affirmaient sans frémir que ce titre serait porté avec fierté, voire que les jeunes se battraient entre eux pour l’obtenir. C’était faire peu de cas du mépris qu’ont les jeunes envers la hiérarchie militaire et maritime (sinon envers la hiérarchie en général). C’était aussi ne pas bien faire la différence entre le jeune des années 50, supposément fier de sa conduite morale, et le jeune des années 2000, un peu plus « sex, drugs & rock’n’roll » que ses parents avant lui. Bref, l’erreur fut apparemment conscientisée puisque, cette année, le capitaine de soirée est officiellement renommé « Sam ». Pourquoi « Sam » ? Je suppose que ça fait d’jeun’s et c’est vrai qu’on imagine plus volontiers les jeunes rigoler en nommant toute la soirée leur pote sobre « Sam ». Va pour « Sam », donc, mais le slogan, lui, n’a pas changé : « Celui qui conduit, c’est celui qui ne boit pas ». C’est certes moins autoritaire qu’un « celui qui conduit ne boit pas » mais c’est douteux du point de vue de la langue et donc très ambigu. Du point de vue syntaxique, la phrase « Celui qui conduit, c’est celui qui ne boit pas » implique que « celui qui ne boit pas » préexiste à « celui qui conduit ». En d’autre termes : avant cette campagne de prévention, il y avait obligatoirement un jeune qui ne buvait pas dans chaque groupe mais ce n’était pas lui qui conduisait. Outre que cela implique que les jeunes sont vraiment cons (il y en a un de sobre mais celui qui conduit est un de ceux qui sont bourrés !), cela implique aussi qu’il y a dans chaque groupe des buveurs et des non-buveurs. En réalité, on sait bien que dans la plupart des cas les buveurs se dépouillent ensemble et les sobres font la fête à leur manière. Il est en tout cas ridicule d’imaginer que dans chaque groupe de jeunes il y en a forcément un qui ne boit pas ! Il suffit d’avoir été jeune depuis moins de trente ans pour savoir que c’est faux : tout le monde se déchire la tronche en chœur ! Alors vous allez me dire que je joue sur les mots et que tout le monde comprend ce slogan et que je me complique la vie pour rien. Peut-être, mais les mots sont mon métier et il est donc bien naturel que je m’en préoccupe. Et puis si l’on utilise les mots n’importe comment, ils finissent par ne plus rien vouloir dire. Pour exemple, cette pub que l’on voyait en 1995 chez tous les boulangers : « Le pain, c’est encore meilleur quand on le mange », qui sous-entendait qu’un aliment peut-être ressenti comme étant bon sans être mangé (!!!). Je pourrais aussi vous parler de mon ascenseur qui affiche être « réservé au transport de personnes » et de fait interdit aux « enfants non accompagnés, aux livreurs et aux déménageurs ». Donc, les enfants, les livreurs et les déménageurs ne sont pas des « personnes ». On en revient presque à l’époque où les femmes et les Noirs n’avaient pas d’âme !

Sur ces belles paroles, je vous souhaite de joyeuses fêtes ;-)
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